[Recherche] Vers des prairies multi-espèces multi-variétés : intérêt, promesses et limites

Lors de la journée régionale fourragère organisée par Semae à Loireauxence, Patrice Pierre de l'Idele a présenté les travaux menés sur l’intérêt et les limites des prairies multi-espèces multi-variétés dans un contexte d’adaptation au changement climatique.

Les prairies multi-espèces, composées de plusieurs graminées et légumineuses, offrent une diversité spécifique recherchée. « Les prairies multi-espèces permettent un rendement supérieur à une simple association ray-grass anglais/trèfle blanc, tout en offrant une meilleure souplesse d’exploitation et une résilience accrue face aux aléas climatiques », a expliqué Patrice Pierre, spécialiste des prairies à l’Idele.

Les expérimentations distinguent les prairies multi-espèces mono-variété (cinq à sept espèces avec une seule variété par espèce) des prairies multi-espèces multi-variétés (cinq à sept espèces, avec plusieurs variétés par espèce). Pour maximiser les écarts de comportement entre variétés, les mélanges sont composés en jouant sur plusieurs critères comme la précocité, la ploidie, la portance ou l’agressivité des espèces. Toutefois, les résultats restent contrastés. Globalement, aucune amélioration du rendement n’a été constatée grâce à la diversité génétique. Sur les sites expérimentaux des Établières et de Derval, « les trajectoires d’évolution des prairies sont similaires : régression des légumineuses, montée en puissance du dactyle après les sécheresses, lente installation de la fétuque élevée ».

L’utilisation de l’indice d’équitabilité de Piélou a permis de suivre l’équilibre entre les espèces. Aux Établières, cet indice chute rapidement, signe d’une simplification du couvert au profit d’espèces dominantes comme le dactyle. « Aujourd’hui, les variétés de dactyle sur le marché sont très agressives, ce qui pose problème pour leur intégration dans les mélanges multi-espèces », a alerté Patrice Pierre.

À Thorigné, en contexte biologique, les légumineuses résistent mieux, grâce à des apports organiques favorisant une meilleure concurrence entre espèces. Concernant la valeur alimentaire, la Matière azotée totale (MAT) a tendance à baisser au printemps, notamment en raison de la prédominance du dactyle, gourmand en azote et peu efficace sur la fixation.

Autre point mis en avant par l’intervenant : « Une herbe d’automne peut être très riche en MAT, ce qui constitue un levier intéressant si les conditions climatiques permettent une valorisation tardive ».

En conclusion, Patrice Pierre a rappelé que « la multivariété ne permet pas d’augmenter la productivité, ni de stabiliser la composition floristique ou les valeurs alimentaires ». Toutefois, ces travaux offrent des enseignements précieux sur le comportement des espèces : la fétuque élevée confirme sa lenteur d'installation mais aussi son intérêt pour maintenir une part plus importante de légumineuses dans les mélanges.