Réévaluer le prix du repas à la cantine, le véritable défi d’Egalim

Le ministère de l’Agriculture organise une Conférence des solutions pour faire de la montée en gamme en restauration collective, inscrite dans la loi, une réalité. Au-delà des chicaneries d’ordre administratif ou réglementaire, le véritable défi réside dans le prix auquel nos compatriotes, par l’entremise des restaurants de l’Etat, des collectivités et des entreprises, sont prêts à consentir pour une assiette mieux-disante.

2 euros : c’est le coût moyen des matières premières entrant dans la composition d’un repas servi dans une cantine scolaire, selon le dernier bilan statistique (2023) de l’application des objectifs d’approvisionnement fixés à la restauration collective par les lois Egalim d’octobre 2018 et Climat et résilience d’août 2021. C’est bien en-deçà de ce qu’exigerait un repas « estampillé » Egalim, c’est à dire comptant, en valeur, au moins 50% de produits durables et de qualité, dont 20% de produits bio.

"Il n’y aurait pas de crise du bio si Egalim était respectée"

Et ce n’est pas les agriculteurs qui le disent mais l’Etat, qui s’appuie sur l’exemple de l’économat des Armées, respectant les taux de 50% et 20%. Selon le ministère de l’Agriculture, le coût d’un tel repas se situe « entre 4 et 4,5 euros », soit grosso modo le « double » du prix moyen actuel, « ce qui donne une bonne mesure de l’effort qu’il y a à consentir (...) Il y a un paradigme dans le secteur de la restauration collective qui est celui du repas compris entre 2 et 3 euros par convive. Ce n’est plus tenable. Tant que l’on ne fera pas sauter ce plafond de verre, on n’atteindra pas les objectifs d’Egalim », dit-on, rue de Varenne.  L’enjeu pour les filières et les signes de qualité, tels qu’AOP, IGP, STG et autre Label rouge n’est pas neutre, sans oublier l’AB. « Il n’y aurait pas de crise du bio si Egalim était respectée », a déclaré Marc Fesneau le 28 mars en clôture du congrès de la FNSEA à Dunkerque (Nord).

Des chiffres flatteurs, des obligations légales non satisfaites

Or selon le même bilan statistique, le taux de produits durables et de qualité s’établissait à 27,5% en 2022 et celui de produits bio à 13,1%. Ces chiffres sont représentatifs de 13% des 81.000 sites de consommation qui ont satisfait à l’obligation de déclaration sur le site institutionnel dédié (ma cantine).  Sous-évaluent-ils la réalité dans la mesure où les gestionnaires les plus vertueux sont sans doute les plus enclins à se soumettre à la déclaration ? Le ministère de l’Agriculture ne nie pas un effet « d’auto-sélection », sans toutefois pouvoir « l’objectiver ».

Quoi qu’il en soit, cet état de fait traduit une double entorse à la loi : le défaut de déclaration pour 87% des sites de restauration et le non-respect, au global, des taux des 50% et 20% chez les 13% de déclarants. Des sanctions sinon des rappels à la loi sont-ils envisageables sinon envisagés ? Toujours selon le ministère, il n’y a pas d’équipe dédiée à la DGCCRF à ce type de contrôle et quand bien même, ce n’est pas l’optique des pouvoirs publics, qui privilégient « une politique volontariste pour ne pas brusquer les acteurs », tout en évoquant un travail en cours avec les préfectures en matière de contrôles.

Conférence des solutions

C’est dans ce contexte que s’inscrit la Conférence des solutions organisée ce 2 avril et réunissant, autour des représentants de l’Etat, tous les acteurs de la restauration collective, avec en bonne place les entreprises du secteur et les collectivités, mairies, départements et régions, grosses pourvoyeuses de repas collectifs, à travers les établissements scolaires et les Ehpad. Le secteur médico-social, le plus en retrait sur l’application de la loi, fera l’objet d’une attention particulière. Devrait aussi être dévoilé un projet de charte engageant les sociétés de restauration collectives et les grandes entreprises offrant une restauration du « travail » dans un parcours du progrès. Au plan réglementaire, la question de l’autorité de gestion, réclamée par Régions de France pour les lycées et collèges sera à l’ordre du jour. De son côté, le ministère de l’Agriculture pousse à Bruxelles pour faire évoluer le cadre réglementaire des marchés publics en faveur des achats de proximité.