Révolution numérique : faut-il avoir peur de l’IA générative ?

L’intelligence artificielle générative a le potentiel de révolutionner de nombreuses activités. L’agriculture et la recherche agronomique peuvent-ils y échapper ? Pour le directeur de l’ACTA et la responsable des innovations digitales chez Arvalis, l’intérêt de l’IA générative est réel. Mais cette technologie n’est pas magique.

Facilement accessibles via nos smartphones, les outils utilisant l’IA générative se démocratisent. Qui n’a pas entendu parler de ChatGPT ? Ces applis sont si faciles à utiliser que leur fonctionnement est à la portée de tous. « Bien maitrisés, ces outils peuvent aujourd’hui simplifier la plupart des taches de bureau. Ils permettent de synthétiser des réunions, traduisent des documents, répondent instantanément à toute question agronomique et pourraient demain aider à optimiser les itinéraires techniques d’une exploitation, ou même interpréter les résultats d’une analyse de sol », affirme Mehdi Siné, directeur de l’Acta. Si les réponses quasi instantanées de ces outils impressionnent, un constat s’impose : les réponses sont encore souvent décalées ou imprécises, parfois totalement fausses. « Les utiliser dans des domaines que l’on maitrise permet de se rendre assez vite compte de leurs limites. Leurs modèles sont basés sur l’apprentissage d’immenses bases de données et ils doivent encore s’améliorer. Si l’outil indique un taux de fiabilité de l’information donnée ou ses sources, c’est déjà mieux ».

« L’utilisation de l’IA générative pose un certain nombre de questions, à commencer par la confidentialité des données. À partir du moment où on soumet des données à l’analyse d’une IA générative, cela revient souvent à les confier à un tiers et elles ne vous appartiennent plus.  Et il y a beaucoup d’autres questions et risques soulevés par ces IA. » Entre autres, pour Mehdi Siné, un des risques forts est celui de la dépendance technologique : « lorsque ces outils, aujourd’hui gratuits ou bon marché, seront proposés à des tarifs rédhibitoires, pourrons-nous nous en passer ? ».


Et pour la recherche ?


Sur le plan scientifique, l’IA générative est une boite noire, ce qui empêche la reproductibilité d’une action et rend impossible d’expliquer une sortie de ces modèles. Il faut donc être très prudent et critique dans son utilisation à des fins de recherche. « Pour la recherche agronomique, une autre méthode semble toute aussi prometteuse : les modèles de réseaux bayésiens », avance Emmanuelle Gourdain, responsable des innovations digitales chez Arvalis. « La méthode permet de formaliser les connaissances des experts et fournit une représentation graphique des connaissances, ce qui rend leur lecture très facile ». À la différence de l’IA générative, cette méthode permet de travailler sur des liens de cause à effet, qui sont le cœur de la recherche & développement.

« Nous avons mis en œuvre les réseaux bayésiens dans le cadre du projet de recherche COMBHERPIC », explique Emmanuelle Gourdain. « Elle doit permettre d’identifier des combinaisons de leviers efficaces pour lutter contre les graminées adventices. Nous travaillons sur des variables d’intérêt, comme les facteurs qui vont jouer sur la nuisibilité liée aux adventices sur la culture : par exemple le désherbage, l’interculture, la rotation, le pouvoir couvrant d’une variété, etc. Le modèle permet de choisir et tester la combinaison de leviers la plus performante. C’est très encourageant ». Les équipes d’Arvalis mettent au point un outil de simulation qui intègre cette méthode, annoncé pour la mi-2026.