Sainte-Soline et trois autres réserves jugées illégales

La cour administrative d'appel de Bordeaux interdit le remplissage de la réserve de substitution de Sainte-Soline (Deux-Sèvres) et la construction de trois autres au motif que l’autorisation environnementale ne prévoit pas une dérogation « espèces protégées » comportant des mesures de protection pour l’outarde canepetière. Les 12 autres projets de réserve ne sont pas concernés.

« S’agissant de l’atteinte que le projet est susceptible de porter aux espèces végétales et animales protégées, la cour constate que le projet s’implante dans un secteur sensible pour les oiseaux de plaine, en particulier pour l’outarde canepetière, espèce menacée et rendue particulièrement vulnérable par la dégradation de son habitat depuis les années 1970. Les éléments au dossier permettent de caractériser l’importance capitale pour la survie de cette espèce de la population d’outardes canepetières installée dans le secteur de la zone de protection spéciale de la Plaine de La Mothe-Saint-Héray-Lezay. La cour retient que pour les quatre réserves les plus proches de cette zone, le projet est, compte tenu de ses caractéristiques, de nature à détruire tout ou partie de l’habitat de cette espèce et lui porte une atteinte caractérisée. Elle juge donc que l’autorisation délivrée est illégale faute de prévoir une dérogation « espèces protégées » comportant des mesures de protection pour l’outarde canepetière pour ces quatre réserves situées aux lieux-dits « Bois de la Châgnée » à Saint Sauvent (SEV14), « Les Terres Rouges » à Sainte-Soline (SEV15), « La Queue à Torse » à Messé (SEV24) et « La Voie du Puits » à Mougon (SEV26). Elle estime, en revanche, qu’un tel risque n’est pas caractérisé pour les autres réserves ».

Remplissage interdit, construction bloquée

Tel est l’arrêt délivré par la cour administrative d'appel de Bordeaux suite recours déposés par neuf associations environnementales dont Nature environnement 17 et la Ligue de protection des oiseaux (LPO). En conséquence, la cour annule l’autorisation délivrée en tant qu’elle ne comporte pas de dérogation « espèces protégées » s’agissant des réserves SEV14, SEV15, SEV24 et SEV26 et suspend l’autorisation accordée pour ces quatre réserves jusqu’à la délivrance éventuelle de cette dérogation. La cour précise que « l’autorisation délivrée ne régissant que les travaux de création des réserves et de leurs équipements, cette suspension ne fait pas obstacle à l’utilisation, par les agriculteurs d’ores et déjà raccordés à la réserve SVE15 située à Sainte-Soline, qui est la seule à être déjà en fonctionnement, de la quantité d’eau stockée à la date de sa décision, cette utilisation devant être effectuée sans travaux ni transports supplémentaires et sans donner lieu à un nouveau remplissage de la réserve ». La réserve est actuellement remplie à hauteur de 60%.

Le principe d’une « gestion équilibrée et durable » de l’eau reconnue

Dans son arrêt, la cour relève « qu’aucun élément au dossier ne permet de considérer que les prélèvements en période de hautes eaux induits par la création et l’exploitation des réserves empêcheraient le retour à un bon état quantitatif et qualitatif des cours d’eau. Au regard de l’ensemble des éléments dont elle dispose, la cour retient que, dans sa dernière version, le projet ne méconnaît pas le principe d’une gestion équilibrée et durable de l’eau ». 

Porté par la société coopérative anonyme de l’eau des Deux-Sèvres, le projet porte sur la création de 16 réserves d’une capacité cumulée de 6,2 millions de m3 au bénéfice de 200 exploitations de polyculture-élevage. Le remplissage s’opère par prélèvement dans la nappe entre 1er novembre et le 31 mars lorsque la cote de la ressource souterraine et le débit du cours d’eau sont supérieurs à des seuils fixés mensuellement. En juillet dernier, le tribunal administratif de Poitiers avait retoqué l’Autorisation unique pluriannuelle (AUP) de prélèvement d’eau accordée en 2021 à l’Etablissement public du Marais poitevin (EPMP) au sein duquel se trouvent les projet de la Coop de l’eau 79. Saisi par l’association Nature Environnement 17, le tribunal avait jugé que l’AUP engendrait une augmentation nette des prélèvements annuels du fait que les prélèvements hivernaux projetés dans le cadre de la création de nouvelles réserves de substitution n’étaient pas compensés par une baisse des prélèvements estivaux.