Sécheresse : un déficit hydrique de 85% en juillet

En juillet, la France a de nouveau été marquée par une canicule exceptionnelle et par une sècheresse durable. Quels phénomènes météo sont à l’œuvre et quelles sont les conséquences de ces fortes chaleurs ? Le point avec Nicolas Le Friant, météorologiste chez DTN.

Quel est le bilan météo de ce mois de juillet 2022 ?

Ce mois de juillet se termine avec un excédent de 2,2°C (par rapport à la moyenne des nouvelles normales climatiques 1991-2020). Ce mois se classe ainsi à la quatrième place des mois les plus chauds, derrière les mois de juillet 2018, 1983 et surtout 2006 où la canicule de l’époque avait duré 21 jours !

Ce mois de juillet 2022 est le mois le plus sec depuis 1959 (date à laquelle, les statistiques sur la sècheresse ont débuté) devant même juillet 2020. A l’échelle du pays, le déficit atteint les 85 % ! Les régions proches de la Méditerranée n’ont observé aucune pluie comme à Marseille, Nice et Ajaccio.

Cette situation a donc très nettement aggravé la sècheresse et l’humidité des sols est au plus bas depuis fin juillet 1976. Quasiment tous les départements français (au nombre de 89) ont pris de très nombreux arrêtés préfectoraux pour des restrictions d’eau. Ce manque de pluie est historique et il y aura, par voie de conséquence, de graves conséquences sur la végétation ainsi que sur l’agriculture.

Il est d’ailleurs très intéressant de comparer l’été 2021 avec celui 2022 car ils ont été radicalement opposés et les images satellites sont tout à fait saisissantes car nous pouvons constater la différence d’humidité des sols. Cette année, les terres renvoient davantage les rayons solaires. C’est le signe d’un sol beaucoup plus clair et donc moins pourvu en végétation épaisse.

Image satellite du 19 juillet 2021 (Source : NASA)
Image satellite du 24 juillet 2022 (Source : NASA)

Pour terminer ce bilan climatique de ce mois de juillet 2022, l’ensoleillement fut excédentaire avec une moyenne de +25%. Si les régions proches de la Méditerranée, ont observé un rayonnement normal, il est nettement supérieur à la moyenne partout ailleurs avec +50% à Nantes, +40% à Paris, +35% à Brest, +30% à Limoges ou encore +20% à Lyon et Toulouse.

Quels sont les évènements météo marquants de ce mois de juillet 2022 ?

A l’exception des deux premiers jours de juillet, le reste du mois a été excédentaire au niveau des températures et la France a subi, entre le 12 et le 26 juillet, une nouvelle canicule, la 45ème depuis 1947. Le pic d’intensité a été observé le lundi 18 juillet après-midi, avec une valeur maximale moyenne de 37,6°C, qui s’est classée à la 2ème place des après-midis le plus étouffantes, juste derrière la journée du 5 août 2003, à 0,1°C près !

Cette longue vague de chaleur n’a pas frappé toutes les régions en même temps. Affectant, tout d’abord, le sud-ouest puis l’ouest, entre le 12 et le 16 juillet, elle s’est propagée vers le bassin parisien et le nord-est, du 17 au 20 juillet, puis s’est concentrée de Rhône-Alpes à la Méditerranée entre le 21 et le 26 juillet.

Pourquoi cette nouvelle canicule s’est avérée exceptionnelle ?

D’une part, du fait de sa durabilité, du 12 au 25 juillet (14 jours), cette période caniculaire fut déjà très remarquable même si elle ne fut pas aussi généralisée comme en août 2003. C’est surtout en raison de son intensité qu’elle revêt un caractère exceptionnel. En effet, de nombreux records mensuels ont été battus mais aussi et surtout des records absolus ont été pulvérisés, les 18 et 19 juillet, notamment sur les régions de l’ouest de la France. Parmi les grandes villes concernées, citons Biscarosse avec  42,6°C (ancien record de 41,7°C, en juin 2022), Nantes avec 42°C (ancien record de 40,3°C, en juillet 1949), Niort avec 41°C (ancien record de 40,1°C, en juin 2022), Brest avec 39,3°C (ancien record de 35,1°C, en août 2033), Dieppe avec 40,4°C (ancien record de 40,1°C, en juillet 2019) et même Ouessant, qui était la dernière station du réseau principal (en dehors des reliefs) à ne jamais avoir enregistré plus de 30°C, a pointé à… 31,4°C (ancien record de 29,3°C, en août 2003).

En outre, la barre des 40°C a aussi été dépassée, parfois allégrement, chez nos voisins européens, comme à Londres, en Angleterre, avec 40,2°C (première fois que les 40°C ont été observés) ou encore 40,1°C à Hambourg, en Allemagne. En Espagne, il a fait jusqu’à 45,4°C à Candeleda, en Espagne, et 47°C à Pinhão, au Portugal.

Quels phénomènes météorologiques favorisent ces fortes chaleurs ?

En liaison avec une net ralentissement du courant-jet, des situations météorologiques dites de « blocages » se mettent régulièrement en place et favorisent ainsi des vagues de chaleur en été, mais également des périodes plus ou moins douces mais surtout sèches en hiver. 

Illustration de ce contexte météorologique où les hautes pressions sont très récurrentes sur une grande partie de l’Europe au cours du premier semestre de cette année 2022 (source : World Sclimate Service).

Pour ce mois de juillet 2022, alors que des conditions anticycloniques dominent en surface entre les îles britanniques et les Balkans (du Maroc à la France en altitude), bloquant les perturbations océaniques véhiculant de l’air frais et de l’humidité, dans le même temps, une dépression d’altitude, associée à une goutte froide, s’est progressivement décalée des Canaries vers le Portugal et le Golfe de Gascogne. Ces systèmes météorologiques ont fait remonter une masse d’air bouillant.

Les canicules sont-elles de plus en plus fréquentes ?

Comme nous l’avions déjà analysé le mois dernier, les canicules se font de plus en plus récurrentes et ce phénomène s’est vraiment amplifié depuis 2015, en lien évidemment avec l’accélération du réchauffement climatique. Ce qui frappe le plus est que les records absolus ne cessent d’être battus quasiment à chaque canicule. En conséquence, sur 684 stations météorologiques en France, seules 80 d’entre elles (environ 12%) possèdent encore un record absolu de température datant d’avant 2003. Les années 2019, 2020 et 2022 totalisent près de 60% des records. 90% des records ont été relevés au 21ème siècle en ajoutant les canicules d’août 2003 et de juillet 2006.

Quelles sont les autres conséquences de ces fortes chaleurs sur les écosystèmes ?

Conséquence directe de ces fortes chaleurs, qui perdurent depuis le mois de mai, nous observons des températures de la mer très élevées sur l’ensemble de nos littoraux (anomalies positives de 3 à 6 degrés). C’est ce que l’on appelle des vagues de chaleurs océaniques (« Marine Heatwaves » en anglais) avec de néfastes conséquences sur les écosystèmes. En cette fin juillet, les températures atteignent en effet de 18 à 21°C le long des côtes de la Manche, de 16 à 24°C de la Mer d’Iroise au Pays basque et de 24 à 29°C du Golfe du Lion à la Corse et il fait même parfois 30°C sur certaines plages le long de la côte orientale de l’île de Beauté. Lors de la journée du dimanche 24 juillet, une bouée, située au large d’Alistro, a enregistré une température de l’eau à 30,7°C ! A noter qu’observer de telles températures n’est pas rare (principalement en fin d’été) mais le problème de cette année est que ces valeurs soient atteintes plus précocement et elles vont persister encore de longues semaines.

Températures de la mer jeudi 28 juillet (modèle ECMWF)

Autre conséquence, de nombreux feux de forêts, tout aussi exceptionnels, ont affecté des régions pas forcément habituées à en observer. Plus « classiquement », ces feux se sont déclarés près de la Méditerranée lors des épisodes de Mistral et de Tramontane (notamment entre le 25 et 27 juillet). Plus rarement, d’importants incendies se sont déclarés en Aquitaine, et notamment en Gironde et les Landes (cf. image satellite du 15 juillet 2022 avec les fumées très bien visibles) dans la région du bassin d’Arcachon et au sud de l’agglomération bordelaise. D’autres feux ont été observés sur les Monts d’Arrée, en Bretagne, et nous en avons même recensés dans la périphérie de Londres, en Angleterre !

Image satellite du 15 juillet 2022 (Source : NASA)