Soja non déforestant : les fabricants d’aliment dans l’expectative

La Coopération agricole et le SNIA attendent de l’UE une clarification rapide des conditions d’application du règlement RDUE contre la déforestation et la dégradation des forêts, qui doit entrer en vigueur en fin d’année, et dont les errements risquent de « mettre en danger la continuité d’activité du secteur et l’équilibre économique des élevages en France », alertent les fabricants.

« Dans l’incertitude des modalités d’application du RDUE, notamment sur les moyens de certifier le soja importé non-déforestant, la majorité des importateurs, fournisseurs, ont suspendu leurs cotations et leurs clients, fabricants d’aliments pour animaux d’élevage, ne disposent que d’informations très partielles et insuffisantes sur les quantités à disposition. Les entreprises sont donc dans l’impossibilité de s’approvisionner en produits de soja, essentiels à la fabrication des aliments composés pour animaux, à leur qualité et pour tous les types d’élevages, qu’ils soient conventionnels, "sans OGM", bio ». Telle est l’alerte lancée le 6 juin par le Syndicat national de l’industrie de la nutrition animale (SNIA), six mois avant l’entrée en vigueur du règlement RDUE contre la déforestation et la dégradation des forêts. « Si ces incertitudes ne sont pas rapidement levées, c’est l’ensemble des filières animales françaises et leurs éleveurs qui seront fragilisés, avec des risques de rupture d’approvisionnement et d’augmentation des coûts d’alimentation », emboite La Coopération agricole.

Publié au Journal officiel de l’UE le 9 juin 2023, le règlement (UE) 2023/1115, vise à interdire la mise sur le marché ou l’exportation depuis le marché européen de produits ayant contribué à la déforestation ou à la dégradation des forêts après le 31 décembre 2020. Le champ d’application du texte couvre sept commodités que sont le café, le cacao, le caoutchouc, l'huile de palme, le soja, le bœuf et le bois, ainsi que certains produits dérivés comme le cuir, le charbon de bois, le papier imprimé. Le règlement demande aux entreprises concernées (opérateurs et commerçants tels que définis à l’article 2 du règlement) de garantir que les produits qu’elles exportent, mettent sur le marché ou mettent à disposition sur le marché comportent un risque nul ou négligeable de déforestation. Elles devront notamment géolocaliser l’origine des produits jusqu’aux parcelles de production.

Les fabricants d’aliment n’ont pas attendu les obligations réglementaires pour se fixer des objectifs volontaires en la matière, en particulier avec la charte Duralim dès 2018 puis le manifeste « Zéro déforestation importée » signé en 2022. En 2021, la plateforme Duralim garantissait un taux d’approvisionnement non déforestant de 73%, le solde ne pouvant pas être garanti du fait du manque de garanties apportées par les producteurs. La France a importé en moyenne 3.616.000t/an de soja sur la période 2012-2021 alors qu’elle en a produit en moyenne 321.000t/an, soit 10 fois moins.

Le règlement RDUE est censé entrer en vigueur le 30 décembre prochain. Mais selon le SNIA et La Coopération agricole , les autorités européennes n’ont pas encore précisé les conditions nécessaires à sa mise en application juridiquement sécurisée. Les fabricants attendent notamment des clarifications sur les éléments de preuves devant accompagner chaque lot de matière première et sur les modalités pratiques de contrôles des déclarations de diligence raisonnée (collecte de toutes les données nécessaires à la traçabilité amont et aval du produit, évaluation documentée du risque de déforestation et élaboration d’un plan de réduction des risques de déforestation).