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10 questions pour comprendre le rôle de l’Anses et l’autorisation des produits phyto
L’agence de sécurité sanitaire est en charge d’examiner les demandes d’autorisation des produits phytosanitaires en France. En quoi consiste cette mission et comment cela s’inscrit-il dans le cadre français et européen ? A l’heure des débats autour de la ré-autorisation de l’acétamipride et dans un contexte d’impasses phytosanitaires nombreuses, 10 questions pour tout comprendre.
1 - Quel est le rôle de l’Anses en matière de produits phytosanitaires ?
L’Anses évalue l’efficacité et les risques que l’utilisation des produits représentent pour la santé humaine et les écosystèmes et elle statue sur des demandes d’autorisations de mise sur le marché (AMM). Ainsi, elle délivre, refuse et retire les AMM des produits phytopharmaceutiques pour la France.
2 - Qu’est-ce qu’une AMM ?
Pour être utilisé sur le territoire national, un produit phytopharmaceutique doit disposer d’une autorisation de mise sur le marché (AMM), qui est valable pour des usages donnés. L’AMM précise les caractéristiques du produit et les conditions d’emploi en fonction des usages : végétal concerné, bioagresseur ciblé, quantité et fréquence d’application, etc. Elle précise aussi les mesures de protection à appliquer pour l’humain, dont le port d’équipements de protection individuelle (comme des combinaisons, masques, gants), et l’environnement en fonction de risques spécifiques pour l’eau et les écosystèmes.
3 - Pourquoi est-ce l’Anses qui délivre les AMM ?
La loi du 13 octobre 2014, dite loi d’avenir pour l’agriculture, a désigné l’Anses comme l’autorité compétente nationale pour la délivrance des AMM. Jusqu’à fin 2014, l’Agence réalisait uniquement l’évaluation de l’efficacité et des risques sanitaires et environnementaux liés à l’utilisation de chaque produit. Elle transmettait ses conclusions à la Direction générale de l’alimentation, au sein du ministère de l’Agriculture, qui prenait ensuite la décision de délivrer l’AMM ou non.
4 - Pourquoi les agriculteurs des différents pays européens ne disposent pas des mêmes produits ?
Il existe plusieurs raisons. D’une part, un État membre peut aller plus loin que la législation européenne et interdire l’utilisation de certains produits sur son territoire. On parle alors de surtransposition.
D’autre part, les demandes d’AMM ne sont pas nécessairement déposées par les fabricants dans tous les États, ni instruites dans le même calendrier d’un pays à l’autre. Les industriels ne demandent pas non plus forcément une AMM pour les mêmes usages d’un pays à l’autre.
Enfin, un produit évalué et autorisé dans un autre pays il y a plusieurs années, peut voir son autorisation refusée lorsqu’il est évalué avec les méthodes et critères actuels. En effet, la science évolue et l’évaluation des produits est de plus en plus poussée, dans le but de préserver la santé des humains et de l’environnement.
5 - Quels sont les néonicotinoïdes autorisés au niveau européen ?
En agriculture, cinq substances sont répertoriées dans la famille des insecticides néonicotinoïdes : la clothianidine, l’imidaclopride, le thiaméthoxame, l’acétamipride et le thiaclopride. Leurs effets sur l’environnement ont conduit l’Union européenne à retirer l’approbation de certaines substances au cours des dix dernières années. Actuellement, seule l’acétamipride est autorisée au niveau européen jusqu’en 2033.
6 - Pourquoi l’acétamipride est-elle interdite en France ?
En France, la loi « Pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages » a acté l’interdiction de tous les produits à base de néonicotinoïdes à compter du 1er septembre 2018. Des dérogations ont été accordées jusqu’au 1er juillet 2020.
Dans le cadre de l’examen d’une proposition de loi visant à « lever les contraintes à l’exercice du métier d’agriculteur », le Sénat a adopté le 27 janvier 2025 un amendement ouvrant la possibilité d’autoriser par décret, à titre exceptionnel, et pour une durée limitée dans le temps, l’usage de l’acétamipride. L’Assemblée nationale doit désormais se pencher sur la question dans les semaines à venir.
7 - Quelle est la différence entre produit phytosanitaire et substance active ?
Une substance active peut être un composé chimique de synthèse, un extrait de plante, une phéromone ou un micro-organisme ayant une action contre un ravageur ou sur une plante ou partie de plante jugée indésirable. Une substance active a une propriété spécifique : fongicide, insecticide, herbicide, régulatrice de croissance, nématicide, etc.
Les co-formulants ajoutés à la substance active servent à donner au produit des caractéristiques appropriées à son application. Il s'agit par exemple d'anti-mousse, de diluant ou d'agent mouillant. Un produit phytopharmaceutique est un produit composé d’une ou plusieurs substances actives et de co-formulants. A titre d’exemple, le glyphosate est la substance active du Roundup.
8 - Est-ce que l’Anses approuve les substances actives ?
Non, les substances actives sont approuvées à l’échelle de l’Union européenne par les autorités compétentes des États membres. En France, le ministère de l’Agriculture est l’autorité compétente pour l’approbation des substances actives.
L’Anses intervient toutefois dans l’évaluation scientifique européenne des substances actives coordonnée par l’EFSA, l’autorité européenne de sécurité des aliments, sur la base des études et de la bibliographie scientifique fournies par les industriels.
Ce n’est qu’une fois approuvée au niveau européen qu’une substance active peut entrer dans la composition d’un produit phytopharmaceutique, ce qui requiert une demande complémentaire des industriels concernés en vue de l’obtention d’une AMM nationale par produit incorporant cette substance active approuvée.
9 - Pourquoi évaluer les produits si la substance qu’ils contiennent est approuvée ?
Les risques d’effets nocifs sur l’être humain, les animaux et l’environnement ne dépendent pas que de la substance active : ils varient selon la composition du produit, sa présentation (liquide, poudre…), les pratiques agricoles (doses, type d’application, etc.) et les situations agropédoclimatiques.
Les AMM des produits permettent de tenir compte de la diversité et des spécificités éventuelles des pratiques culturales, ou encore du progrès des connaissances concernant les risques associés à ces produits. Même si la substance active est approuvée au niveau européen, il arrive donc régulièrement que des autorisations de mise sur le marché soient refusées pour un produit pour certains de ses usages.
10 - Qu’est-ce que la dérogation de 120 jours ?
En cas de situation d’urgence pour protéger certaines cultures, le règlement européen rend possible l’utilisation de produits phytopharmaceutiques pourtant non autorisés pour ces usages, par une dérogation d’une durée limitée à 120 jours (article 53 du règlement (CE) n°1107/2009). Cette dérogation, qui est accordée en France par le ministère de l’Agriculture, rend possible la lutte immédiatement contre le bioagresseur en l’absence de toute autre solution.
Une vingtaine de produits sont actuellement autorisés en France au titre de la dérogation de 120 jours. C’est par exemple le cas du Movento, un insecticide dont l’AMM a été retiré mais qui bénéficie d’une dérogation pour le traitement des pucerons sur betteraves.