L’acétamipride passe une première étape au Sénat

Le Sénat a adopté un amendement réautorisant à titre dérogatoire l’usage de l’insecticide néonicotinoïde, interdit en France depuis 2020 mais autorisé dans l’UE jusqu’en 2033. La ministre de l’Agriculture a émis un avis de « sagesse », entérinant l’examen futur du texte par les députés.

Dans le cadre de l’examen d’une proposition de loi visant à « lever les contraintes à l’exercice du métier d’agriculteur », le Sénat a adopté le 27 janvier un amendement ouvrant la possibilité d’autoriser par décret, à titre exceptionnel, et pour une durée limitée dans le temps, l’usage de l’acétamipride, au motif que la substance est autorisée dans l’Union européenne, que les alternatives sont inexistantes ou manifestement insuffisantes et qu’il existe un plan de recherche sur les alternatives, en l’occurrence le Parsada, le Plan d’action stratégique pour l’anticipation du potentiel retrait de substances actives au niveau européen et le développement de techniques alternatives pour la protection des cultures, inspiré du Plan national de recherche et d’innovation (PNRI) consécutif au retrait des néonicotinoïdes en traitement de semences de betteraves.

"Nous ne sommes pas sur dix années de dérogation, nous sommes sur dix années d’interdit"

Insecticide foliaire de la famille des néonicotinoïdes, l’acétamipride bénéficie d’une Autorisation de mise sur le marché (AMM) au sein de l’UE jusqu’en 2033. Mais il est interdit en France depuis 2020, la molécule ayant bénéficié d’un régime dérogatoire après l’interdiction d’usage des néonicotinoïdes entre en vigueur le 1er septembre 2018, conformément à la loi d’août 2016 pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages. L’amendement voté le 27 janvier restaure cette possibilité dérogatoire. « Nous ne sommes pas sur dix années de dérogation, nous sommes sur dix années d’interdit, qui ont démontré, filière par filière, l’abrutissement de cette interdiction », a justifié Laurent Duplomb (LR), auteur et rapporteur de la proposition de loi (PPL) avec Franck Menonville (UDI), une PPL cosignée par une large majorité de sénateurs.

"Des alternatives, il y en a"

Il répondait à Daniel Salmon (groupe écologiste), évoquant l’herbicide flufénacet, « interdit depuis 2013 et qui a bénéficié de neuf dérogations. Ce genre de procédure nous amène à trainer sans chercher véritablement les alternatives et des alternatives, il y en a déjà ».

Une affirmation que ne partagent pas les producteurs de nombreuses filières végétales, à commencer par la noisette, dont la production nationale a chuté de 50% en 2024 par défaut de solution pour lutter contre le balanin, le ver de la noisette et la punaise diabolique, ravageurs que nos voisins espagnols et italien maîtrisent grâce à l’acétamipride. Outre la noisette et la betterave sucrière avec une cible puceron/jaunisse, de nombreuses autres productions légumières (pomme de terre, carotte, radis, navet, oignon, échalote, maïs doux, endive, lentille, poireau…) et fruitières (pomme, poire…) pourraient tirer profit d’une réautorisation.

Avis de sagesse du gouvernement

Au cours de la séance, la ministre de l’Agriculture Annie Genevard a prononcé un « avis de sagesse », autrement dit ni favorable, ni défavorable, mais qui a de fait permis le vote de l’amendement, une « avancée » actée par Laurant Duplomb, remerciant la ministre de l’Agriculture. Auparavant, la ministre avait mis en garde les sénateurs face au risque d’inconstitutionnalité de la première version de l’amendement, que les sénateurs ont réécrit en y introduisant le caractère exceptionnel et limité dans le temps, la dérogation étant réexaminée chaque année dans le cadre d’un conseil de surveillance. Le sort de l’acétamipride est désormais entre les mains des députés auxquels le texte, dans son ensemble, devrait être soumis dans les semaines à venir. « Réautoriser les néonicotinoïdes en 2025 est un non-sens qui frôle l’obscurantisme » a dénoncé le sénateur Jean-Claude Tissot (PS), préfigurant des débats un peu plus houleux à l’Assemblée nationale.