45% de bio dans les cantines des collèges de la Drôme : qui dit mieux ?

[Tech & Bio 2023] Le Conseil départemental vise les 50% à horizon 2028, sans pressuriser les producteurs, sans faire flamber le prix du ticket de cantine, mais au prix d’un choix politique affirmé haut et fort, assorti d’une lutte contre le gaspillage.

Petit rappel : la loi Egalim d’octobre 2018 fixe à 50% et 20% les taux respectifs de produits sous signes de qualité et bio dans la restauration collective publique. Problème ? L’objectif n’est ni contraignant, ni borné dans le temps, ce que la loi Climat et résilience d’août 2021 a en partie corrigé. Résultats ? Le taux d’approvisionnement en produits bio oscille entre 6% et 7% selon le ministère de l’Agriculture qui, dans le cadre du plan d’aide exceptionnel à la bio décrété au printemps dernier, s’est engagé à assurer le respect d’Egalim d’ici à la fin de l’année dans la restauration collective relevant de l’Etat, tout en invitant les Collectivités territoriales à l’imiter.

"En 2012, les cuisiniers nous ont dit ; « on en a assez d’ouvrir des boites et de réchauffer »"

Le Département de la Drôme n’a pas attendu. A fin 2022, il revendique un taux d’approvisionnement, en valeur, de 45% d’approvisionnement en produits bio dans les cantines de ses 31 collèges sous tutelle. La recette ? « C’est l’aboutissement d’un long processus initié en 2012 quand les Départements ont récupéré la compétence des collèges, explique Agnès Jaubert, conseillère départementale, en charge de l’agriculture. Cette période correspond à la création de la plateforme Agrilocal, qui assure la mise en relation entre les producteurs et les cantines publiques, avant de devenir une association nationale en 2013. En 2012, nous avons interrogé les cuisiniers des collèges, qui nous ont dit :  on en a assez d’ouvrir des boites et de réchauffer ».

Agnès Jaubert, conseillère départementale, en charge de l’agriculture : « La Drôme a fait un choix politique, répondant au double objectif de ne pas pressuriser les agriculteurs et de contenir le prix du ticket de cantine »
Agnès Jaubert, conseillère départementale, en charge de l’agriculture : « La Drôme a fait un choix politique, répondant au double objectif de ne pas pressuriser les agriculteurs et de contenir le prix du ticket de cantine »

A partir de là, le Conseil départemental, alors dirigé par Didier Guillaume, futur ministre de l’Agriculture, investit dans les outils et dans les équipes (dont un responsable nutrition et un responsable hygiène) pour mettre la fabrication au cœur de sa politique. Il faut dire que la Drôme est plutôt bien lotie en produits bio, dans un duel à distance avec le Gers, deux départements qui revendiquent alors, ou en surface ou en nombre de producteurs, le leadership national. La Drôme a un autre avantage : elle produit à peu près tout ce qui fait la variété d’une assiette AB au fil des saisons.

Une démarche certifiée par Ecocert

Assez rapidement, le Département fera entrer en jeu Ecocert, pour authentifier le pourcentage de produits bio dans chaque établissement. La collaboration débouchera sur la mise au point, en 2014, du label Ecocert « En Cuisine +bio +locale +saine », premier cahier des charges français dédié à la restauration collective durable. « Les collèges sont audités chaque année avec analyses des factures et échantillonnage aléatoire des menus », explique Cassandre Monnet, chargée de mission développement rural au Conseil départemental. Le label distingue trois seuils de ratios bio : 20% (1 carotte), 40% (2 carottes) et 60% (3 carottes). Le label intègre également la notion de produit « local ».

La Drôme a impulsé la création du label « En Cuisine +bio +locale +saine » par l’organisme certificateur Ecocert (Source : Ecocert)
La Drôme a impulsé la création du label « En Cuisine +bio +locale +saine » par l’organisme certificateur Ecocert (Source : Ecocert)

La Drôme a commencé à mettre la barre à 10%, puis à 30% et se fixe désormais un objectif de 50% à l’horizon 2028 [soit les seuils d’origine du label « En Cuisine » avant la loi Egalim], assorti d’un taux de « fait maison » de 50%. A chaque pallier, le Département a renforcé son soutien financier. « C’est un choix politique, répondant au double objectif de ne pas pressuriser les agriculteurs et de contenir le prix du ticket de cantine », affirme Agnès Jaubert. Les familles paient 3,45€ le ticket (un tarif qui n’a pas bougé depuis deux ans). Le Département met 3,55€ de sa poche.

Toutes aides confondues, le Département mobilise plus d’un million d’euros par an en faveur de l’AB. Au plan logistique, l’apport de la plateforme associative Agri Court s’avère précieux dans la mise en relation entre producteurs et cuisiniers.

Le gaspillage divisé par 4 grâce au « self participatif »

L’initiative est aussi porteuse d’économies : la plateforme Agrilocal ne fait intervenir aucun intermédiaire tandis que le « fait maison » et le recours aux produits bruts s’avèrent plus économiques que l’achat de produits tout prêts. Un autre réservoir d’économies réside dans la lutte contre le gaspillage, avec l’instauration du « self participatif », responsabilisant les élèves qui se servent eux-mêmes à volonté des entrées avant d’aller, avec la même assiette, chercher un plat chaud servi par le chef puis faire seul leur choix de légume selon leur appétit. Finis le plateau complet et les yeux plus gros que le ventre : on se lève de sa chaise entre chaque plat et on jauge sa faim. « En 2020, selon l’Ademe, la moyenne nationale de déchets par plateau était de 120 grammes par plateau, indique Claudia Clavel, responsable qualité nutrition au Conseil départemental. Dans nos collèges, quand le self participatif fonctionne bien, on est entre 30 et 40 grammes par plateau ».

Fort de son expertise et de ses résultats, avec le concours de l’association Agribiodrôme, le Conseil départemental propose un accompagnement des cantines autres que scolaires, notamment dans le secteur médico-social, reposant sur un diagnostic initial de leur service de restauration. « On s’assure d’abord que les cuisiniers et la hiérarchie sont sur la même longueur d’ondes », indique Cassandre Monnet. Sur l’AB au collège, c’est désormais avec la Dordogne que la Drôme joute à coups de... carottes Ecocert.