Accord UE-Mercosur : quand l’effet Trump met la pression sur le camp du « non »

Alors que les tensions avec Washington relancent l’intérêt de l’accord UE-Mercosur, la France maintient son opposition au nom de la protection de ses agriculteurs. Jusqu’à quand ?

Et si les tensions commerciales avec les Etats-Unis favorisaient l’adoption de l’accord UE-Mercosur ? Après plus de 25 ans de discussions, les négociations entre l’Union européenne et le Mercosur (Brésil, Argentine, Uruguay, Paraguay) ont officiellement abouti à un accord politique le 6 décembre dernier. Mais pour l’instant, l’accord n’est ni signé, si ratifié. Plusieurs étapes restent encore à franchir : traduction du texte, choix de la forme juridique de l’accord et examen par le Conseil de l’UE et le Parlement européen. La France, chef de file de l’opposition, reste fermement opposée à l’accord « en l’état », jugeant insuffisantes les garanties en matière de respect des normes environnementales. La Pologne, l’Autriche et les Pays-Bas forment avec la France le noyau dur de l’opposition. L’Italie, quant à elle, pourrait jouer un rôle décisif si elle rejoint le camp du « non », en permettant la constitution d’une « minorité de blocage » (au moins 5 Etats-membres représentant plus de 35% de la population européenne).

Mais les récentes tensions commerciales avec les Etats-Unis de Donald Trump, notamment l’augmentation des droits de douane sur les produits européens, offrent de nouveaux arguments aux Etats favorables à l’adoption de l’accord, et font pression sur l’opposition. Plusieurs responsables européens voient dans l’accord avec le Mercosur une opportunité stratégique pour diversifier les débouchés commerciaux de l’UE et réduire sa dépendance face au marché américain. Les secteurs stratégiques concernés sont ceux de l’automobile, des produits chimiques et pharmaceutiques, mais aussi des vins et spiritueux, dont l’accord avec le Mercosur prévoit la suspension progressive des droits de douane sur les exportations.

En contrepartie, la facilitation des exportations sud-américaines de viande, sucre et produits laitiers alarme les filières agricoles françaises. L’adoption du Mercosur serait « une trahison des engagements pris en faveur de la souveraineté alimentaire, de la réciprocité des normes et de la défense des filières agricoles », a martelé la FNSEA dans un communiqué de presse publié le 18 avril. Elle appelle le gouvernement français à maintenir sa position de refus « absolu et sans ambiguïté » de l’accord. La ministre de l'Agriculture Annie Genevard maintient qu’il est hors de question de « sacrifier l'agriculture française sur l'autel d'un accord à tout prix ».

Au niveau européen, on considère que rien ne se passera tant que la Pologne, hostile au Mercosur, occupe la présidence tournante du Conseil de l’UE. Mais la Pologne passe le témoin début juillet au Danemark, pays favorable à la conclusion de l’accord, qui pourrait remettre ce dossier inflammable à l’ordre du jour.