- Accueil
- [Rétro 2024] En décembre, en guise de feu d’artifice, la finalisation de l’accord UE-Mercosur
[Rétro 2024] En décembre, en guise de feu d’artifice, la finalisation de l’accord UE-Mercosur
La conclusion de l’accord de libre-échange parachève une année toute en menaces existentielles, aux plans économique, climatique, sanitaire mais aussi politique, Matignon ayant vu défiler quatre Premiers ministres au cours de l’année. « On marche sur la tête », scandaient, visionnaires, les agriculteurs 12 mois plus tôt.
Quand les premiers panneaux indicateurs des villages sont retournés à 180 degrés au crépuscule de l’année 2023, préfigurant une crisse XXL qui n’en finira pas de s’étirer tout au long de l’année, leurs initiateurs sont doute loin d’imaginer qu’un an plus tard, ils connaitront une forme de supplice, avec la finalisation de l’accord de libre-échange entre l’UE-Mercosur. C’est Ursula von der Leyen, la présidente de la Commission européenne reconduite pour un second mandat au mitan de l’année qui, le 6 décembre, appose sa signature au bas du traité, à Montevideo, la capitale uruguayenne.
L’agriculture européenne et singulièrement française a beaucoup à perdre avec cet accord de libre-échange, les agricultures des deux rives de l’océan atlantique opérant dans des cours bien distinctes, tant du point de vue des structures économiques que des normes sanitaires, environnementales et sociales. L’élevage est notamment en première ligne. Aux prises à une conjoncture économique impactant la consommation des pièces nobles, les pays du Mercosur (Argentine, Bolivie, Brésil, Paraguay et Uruguay) voit dans l’Europe la destination toute trouvée pour écouler davantage d’aloyaux (filet, faux-filet, rumsteck, bavette d’aloyau et une partie des entrecôtes) à la compétitivité imbattable du fait des coûts plus faibles et des réglementations plus souples.
Selon l’Institut de l’élevage, une comparaison des prix de gros représentatif de l’aloyau dans l’UE avec les prix des imports européens des viandes réfrigérées originaires du Mercosur incluant les droits de douane fait ressortir un différentiel de prix compris entre 18% et 32% en faveur du Mercosur. En ce qui concerne le volaille, l’Anvol évoque un coût de production du poulet en sortie des abattoirs brésiliens de 25% inférieur à la moyenne européenne, ce différentiel s’établissant à 30% avec la France. Intercéréales pointe des coûts de production du maïs deux fois plus élevés en France qu’au Brésil où 95% du maïs est OGM et où 77,5% des produits phytosanitaires en usage sont interdits en France, dont l’atrazine, bannie depuis plus de 15 ans. De son côté, la filière betteravière estime qu’1 ha sur 8 est menacé, équivalant à une sucrerie hexagonale.
Concorde syndicale et politique
Une fois n’est pas coutume, la FNB, association spécialisée de la FNSEA, et la Confédération paysanne ont usé de la même expression pour qualifier l’acte de la Commission, en parlant d’un « coup de poignard ». Un coup porté par « von der Leyen » dans le cas de la FNB, « pour les paysan·nes de France, d'Europe et d'Amérique du Sud », dans le cas de la Conf’. La FNSEA et les JA estiment que « Von der Leyen trahit les agriculteurs européen ». Egalement opposée à l’accord, « depuis l’origine, sans ambiguïté », la Coordination rurale dénonce une « attaque contre la souveraineté nationale française », un accord « déforestation brésilienne contre désertification des campagnes d’Europe » et donc « perdant-perdant ».
Du côté des forces politiques, le rejet est unilatéral. Quelques jours avant la signature, l’Assemblée nationale et le Sénat s’étaient, à une très large majorité, prononcés contre l’accord lors d’un vote consultatif. L’Elysée monte aussi au créneau, indiquant que l’accord, « ni signé, ni ratifié », est « inacceptable en l’état » et que « ce n’est donc pas la fin de l’histoire ».
En effet, la ratification requiert l’accord à l’unanimité des 27 pays membres de l’UE, avant l’approbation du Parlement européen et de l’ensemble des parlements nationaux. Ce qui laisse entrevoir la possibilité, pour la France d’activer son droit de veto. Sauf si entre-temps, la Commission décide de sortir le volet commercial de l’accord, lequel relève de ses seules prérogatives. Dans ce cas de figure, la France devra rallier à sa cause au moins trois autres pays membres totalisant avec elle au moins 35% de la population de l’UE pour prétendre bloquer la ratification.
Le gouvernement Barnier à terre, l’agriculture atterrée
Sauf que sur le plan intérieur, notre pays fait depuis quelques mois étalage de sa fracturation, exacerbée par la dissolution de l’Assemblée nationale, avec une tripartition politique confinant à la paralysie, faute de culture du consensus. « Je veux redire à cette tribune et à la place où je me trouve encore mon opposition formelle au traité de commerce avec le Mercosur », avait lancé le Premier ministre Michel Barnier, juste avant d’être déposé par une motion de censure consécutive à son recours au 49.3 sur le projet de loi de finances qui, accessoirement, privera la profession de quelque 400 millions d’euros d’allègements sociaux et fiscaux, en attendant une hypothétique rétroactivité avec le vote du budget 2025 promis pour février prochain.
En 2024, la France aura connu quatre Premiers ministres, ce qui ne constitue pas le meilleur des gages pour une profession agricole en proie à de multiples menaces et à une crise existentielle. « On marche sur la tête », scandaient, visionnaires, les agriculteurs 12 mois plus tôt.
Les 12 temps forts de 2024, année sacrificielle : En janvier, les paysans sur le bitume, le Premier ministre sur la paille En février, au Salon de l’agriculture, le soulèvement de terriens En mars, on plante des haies et en octobre, on plante le Pacte En avril, la France gagne une bataille contre l’Influenza aviaire En mai, la loi d’orientation agricole adoptée… pendant 12 jours En juin, la bio atteint son plafond de vert En juillet, la pire moisson depuis 40 ans En août, les maladies vectorielles cernent la France ruminante En septembre, le loup perd une canine En octobre, rien de « vin » plus En novembre, des pesticides au robinet de 10 millions de Français En décembre, en guise de feu d’artifice, la finalisation de l’accord UE-Mercosur |