Arrêté « abeilles » : deux restrictions supplémentaires

Sur les cultures attractives en floraison, tous les produits phytopharmaceutiques, et pas seulement les insecticides et acaricides, jugés peu impactants sur les pollinisateurs, devront être appliqués entre deux heures avant et trois heures après le coucher du soleil. Sauf dérogation...

Datant de 2003, l’arrêté « abeilles » autorise par dérogation l’usage d’insecticides et d’acaricides en période de floraison ou de production d’exsudats pour peu que les produits en question soient porteurs de l’une des trois mentions « abeille », à savoir : emploi autorisé durant la floraison en dehors de la présence d’abeilles, emploi autorisé au cours des périodes de production d’exsudats, en dehors de la présence d’abeilles, emploi autorisé durant la floraison et au cours des périodes de production d’exsudats, en dehors de la présence d’abeilles.

Insecticides et fongicides : 5 heures pour traiter

Le projet de nouvel arrêté introduit une restriction horaire : les insecticides et acaricides portant l’une des mentions « abeilles » devront être appliqués, en période de floraison, dans les deux heures qui précèdent le coucher du soleil et les trois heures qui suivent le coucher.

Cette disposition va par ailleurs s’appliquer à l’ensemble des produits phytopharmaceutiques, ce qui signifie que les fabricants de fongicides notamment vont devoir évaluer l’impact de leurs produits sur les pollinisateurs à l’occasion d’une demande d’autorisation de mise sur le marché (AMM) ou de renouvellement.

En attendant le renouvellement de l’AMM, les insecticides portant l’une des trois mentions « abeilles » actuelles pourront être utilisés dans le respect des nouvelles contraintes horaires. Il en sera de même pour les autres produits (fongicides...), en attendant que l’Agence nationale de sécurité sanitaire (Anses) ait statué sur l’évaluation des risques. Les fabricants ont 30 ou 48 mois (selon l’échéance de l’AMM) pour déposer leur dossier d’homologation incluant cette nouvelle évaluation.

Le futur arrêté s’appliquera aux zones de butinage, autrement dit aux « espaces agricoles ou non agricoles occupé par un groupement végétal cultivé ou spontané, présentant un intérêt manifeste pour les abeilles ou d’autres insectes pollinisateurs du fait de la présence de fleurs ou d’exsudats ». Des précisions doivent encore être apportées en annexe de l’arrêté s’agissant des traitements visant spécifiquement les zones de butinage (inter-rang, bandes enherbées...).

Lorsqu’une zone de butinage se situe en inter-rang d’une culture pérenne, l’arrêté contraindra le producteur à rendre la zone non attractive pour les pollinisateurs, en fauchant ou broyant la zone avant le traitement de la zone de culture proprement dite.

Dérogations horaires

Aux dires des ministères de l’Agriculture et de la Transition écologique, l’arrêté se veut « pragmatique », c’est à dire conciliant les objectifs de préservation, à la fois des pollinisateurs et de l’activité économique agricole, en sus des conditions de travail des agriculteurs. C’est ainsi que les petites cultures et petites filières bénéficieront d’attentions particulières et qu’il n’y a pas d’obligation de travail de nuit.

En outre, l’arrêté prévoit l’abolition des contraintes horaires dans deux cas de figure : en présence de bioagresseurs actifs uniquement le jour d’une part et d’autre part en cas de développement d’une maladie dont le traitement fongicide ne peut pas attendre la plage des 2 et 3 heures avant et après le coucher du soleil.

L’arrêté prévoit également la mise en place d’une expérimentation destinée à jauger l’impact des produits phytosanitaires, en dehors de cette même plage horaire. Menée pendant trois ans, elle mobilisera de nouvelles technologies (ruches connectées) et outils d’aide à la décision destinés à apprécier plus finement les périodes de collecte de nectar et de pollen des abeilles domestiques. L’expérimentation fera l’objet d’une évaluation par l’Anses.

Double consultation publique

Le futur arrêté « abeilles » est l’un des axes du Plan pollinisateurs porté par les ministères de l’Agriculture et de la Transition écologique. L’objectif du Plan est d’enrayer le déclin des pollinisateurs, domestiques et sauvages, en tentant d’en objectiver les causes (pesticides, restriction de la ressource alimentaire, suppression des zones humides, artificialisation des sols, parasites...). La mise en œuvre de bonnes pratiques ne se cantonne pas à l’agriculture mais se veut transverse (forêt, aménagement urbain, industries, infrastructures de transport). 

Le Plan entend aussi apporter un soutien à la filière apicole, en développant par exemple la production et la valorisation des miels, pour garantir la viabilité des exploitations apicoles françaises et le maintien d’un cheptel apicole important sur le territoire national.

Le Plan national en faveur des insectes pollinisateurs et de la pollinisation, au même titre que le Projet d’arrêté relatif à la protection des abeilles et des autres insectes pollinisateurs et à la préservation des services de pollinisation lors de l’utilisation des produits phytopharmaceutiques, font l’objet d’une consultation publique jusqu’au 20 juillet 2021.

Compte-tenu des délais d’examen des contributions et des obligations en matière de notification auprès la Commission européenne, le futur arrêté « abeilles » pourrait entrer en vigueur à la fin de cette année.