Biolait entrevoit la sortie de crise et escompte bien ne pas la rater

Des producteurs qui frappent à la porte, un taux de déclassement du lait en baisse, des ventes qui frémissent dans les magasins spécialisés mais aussi en grande distribution : tels sont les signaux entrevus par le premier collecteur national de lait bio, engagé par ailleurs dans une chasse aux coûts logistiques et à un programme opérationnel « lait bio ».

« Aujourd’hui, il y a encore un déséquilibre entre l’offre et la demande et qui génère des décertifications du lait bio mais, sous l’effet de la reprise de consommation, les courbes entre l’offre et la demande pourraient se recroiser d’ici à la fin de l’année, sinon en 2026 ». C’est ce qu’a déclaré mardi en conférence de presse Yves Sauvaget, vice-président du groupement Biolait.

Depuis la mi-2022 où la bio a commencé à être été rattrapée par la crise inflationniste et par la crise tout court, les signaux positifs sont suffisamment rares pour ne pas s’y attarder, surtout lorsqu’ils émanent d’un groupement qui a fêté ses 30 ans l’an passé et qui revendique être le premier collecteur de lait de vache bio en France, à hauteur de 25% (240 millions de litres en 2024), et fédérer quasiment un éleveur laitier bio sur trois (30%).

Une amorce de reprise de la consommation

Les dernières statistiques en date du CNIEL, relatives au début de l’année, s’avéraient pourtant nettement moins engageantes, du moins pour le lait bio, le conventionnel surfant sur une voie lactée dorée comme le beurre. « Le marché conventionnel se porte bien, tant mieux pour les producteurs, poursuit Yves Sauvaget. Mais ça tire aussi le prix du lait bio vers le haut ». Mais le lait bio a aussi sa dynamique propre selon Biolait. « On assiste à une reprise de la consommation dans les réseaux spécialisés tandis que l’amélioration des débouchés se poursuit chez nos partenaires de long terme que sont Biocoop, Coopérative U et Auchan, déclare Maud Cloarec, également vice-présidente du groupement, évoquant une croissance de 4% des volumes sur un an. Cette croissance, le groupement est allé la chercher avec les bottes et dans les magasins grâce aux animations par les éleveurs, avec comme support le repère responsable « Il lait là », apposé depuis 2022 sur les emballages, notamment de la marque de distributeur de Coopérative U. « Reconnaissant que le repère permet d’augmenter les ventes, Auchan s’apprête à l’apposer sur ses emballages », se réjouit la vice-présidente.

"Le taux de déclassement a commencé à baisser fin 2024 et la baisse s’est poursuivie sur les premiers mois de 2025"

Mais s’il y a un signe qui témoigne d’une évolution favorable de la conjoncture, c’est le taux de déclassement du lait bio en conventionnel. « Le taux de déclassement a commencé à baisser fin 2024 et la baisse s’est poursuivie sur les premiers mois de 2025, indique Maud Cloarec. Là où on était descendu à environ 30%, on est aujourd’hui à 20% et les derniers chiffres sont encore meilleurs ».

Dépasser les 500 euros d’ici à la fin de l’année

Les signaux, c’est bien. Les espèces sonnantes et trébuchantes au bas de la paie de lait, c’est mieux. « Lors de notre assemblée générale des 9 et 10 avril, qui a rassemblé 477 producteurs [sur un total de 1900 pour 1100 fermes] que compte Biolait, les adhérents nous ont donné le mandat de prendre toutes les mesures nécessaires pour obtenir une revalorisation de 10% du prix du lait avec pour objectif de passer la barre des 500 euros les 1000 litres en 2025, déclare Yves Sauvadet. Le jeu de l’équilibre entre l’offre et la demande est valable dans les deux sens et au niveau du commerce, on commence à la ressentir.  Il est beaucoup plus facile de renégocier les prix à la hausse quand on sent que les volumes vont lâcher ».

Des coûts logistiques pour partie « politiques »

Si la pompe semble amorcée avec la distribution, Biolait s’est aussi livré à une introspection de ses coûts logistiques, incluant la collecte et le transport du lait jusqu’aux unités de transformation.

"Zone dense ou pas dense, on collecte partout, même là où c’est anti-économique"

Objectif : essayer d’abaisser la charge de 10 euros les 1000 litres sans sacrifier l’un des principes fondateurs du groupement, à savoir le prix unique sur tout le territoire, Biolait étant présent dans 73 départements. « A la différence des autres opérateurs, on collecte partout, zone dense ou pas dense, même là où c’est anti-économique », rappelle Maud Cloarec. Adoptée en AG, cette volonté d’améliorer « collectivement » les coûts logistiques, encore au stade de la réflexion, devrait se traduire en actes d’ici à l’été, en prenant en compte les particularités « territoriales ». Elle pourrait passer par l’instauration de volume minimum par exploitation, histoire de densifier la collecte. « Chaque producteur doit comprendre que les contraintes qu’ils pourrait subir s’inscrivent dans une démarche collective », insiste Maud Cloarec.

"A ce jour, nous avons une soixantaine de demandes d’adhésion, qui proviennent en majorité de producteurs lâchés par leur collecteur"

L’examen des nouveaux entrants dans le groupement obéira aussi, en sus du partage des valeurs de Biolait, dans ce futur cadre de densification de la collecte, voué à optimiser les tournées et améliorer le revenu des producteurs. Car c’est une autre bonne nouvelle : des producteurs de lait frappent à la porte du groupement. « A ce jour, nous avons une soixantaine de demandes d’adhésion, qui proviennent en majorité de producteurs lâchés par leur collecteur », indique Maud Cloarec. Au cours des deux exercices précédents, Biolait a enregistré environ 200 défections, dont la moitié pour cause de déconversions, l’autre pour cause d’arrêt de l’atelier laitier, justifié ou non par le départ à la retraite. Impactée aussi par la FCO et la MHE, la collecte a reculé de 11% entre 2023 (270 millions de litres) et 2024.

Mais le groupement a aussi accueilli, et soutenu financièrement, 41 jeunes et moins jeunes, au cours de l’année passée, la transmissibilité étant l’une de ses mamelles, avec la durabilité (100% bio, 80% minimum de surface en herbe), la qualité au sens large (taux, bien-être animal) ou encore la démocratie (1 ferme, 1 voix). 20% des adhérents Biolait ont entre 30 et 39 ans contre 12% tous producteurs laitiers confondus. Tout comme les aides à la restructuration du pâturage, le soutien à l’installation est assuré par un fonds de développement alimenté par Biocoop depuis l’origine, à hauteur de 2% des ventes réalisées par le distributeur.

Un programme opérationnel « lait bio » ?

Si le groupement ne ménage pas ses efforts d’introspection et de prospection commerciale, Biolait aimerait aussi bénéficier d’un coup de pouce des pouvoirs publics, sous la forme de programmes opérationnels, ces financements de la Pac octroyés à quelques filières (fruits et légumes, vin, fourrages séchés, oléagineux et protéagineux, veau Label rouge…) en soutien à leur structuration. Le règlement Pac fixe un plafond de programmes opérationnels à 6% du budget des aides du premier pilier. La France se situant à 0,5%, il y a de la marge. Depuis quelques mois, Biolait plaide sa cause avec d’autres acteurs du lait bio auprès du ministère de l’Agriculture, qui réserve sa réponse pour la fin du mois de mai, échéance correspondant à la révision du Plan stratégique national pour 2026 et 2027.

Biolait aimerait aussi que les pouvoirs publics soient plus allants sur le respect d’Egalim et le quota de 20% en produits bio en restauration collective, publique et commerciale. « En produits laitiers, on est à 8% », indique Maud Cloarec. « Il n’y aurait pas de crise du bio si jamais Egalim était respectée » avait affirmé Marc Fesneau, alors ministre de l’Agriculture, au printemps 2024. En 2025, la sortie de crise serait plus rapide si…