Ça sent (un peu trop) le gaz

[Edito] Ça sent le gaz. Et pas seulement en mer Baltique où deux gazoducs laissent échapper depuis le 26 septembre leur précieux chargement. A l’approche de l’hiver, et alors que l’Europe peine déjà à couvrir ses besoins en énergie, l’approvisionnement et le prix du gaz impactent toutes les filières agricoles.

Les Européens ont largement diminué leur dépendance au gaz russe au cours des dernières semaines, passant de 40 à 9%, en privilégiant notamment la Norvège comme fournisseur. Mais bien que le prix du gaz naturel ait chuté au cours du dernier mois, pour s’établir autour de 180 €/MWh, il reste très supérieur à la moyenne de 2021 de 46 €/MWh. Les experts affirment que le risque de pénurie ne peut être écarté. Et la moindre vague de froid cet hiver ne fera qu’exacerber les tensions déjà bien trop présentes.

En parallèle, les prix des engrais azotés continuent de se raffermir. Le leader européen des engrais azotés, Yara, n’exclut pas des ruptures d’approvisionnement, alors que 65% des capacités du groupe sont à l’arrêt au niveau européen.

Sobriété forcée

Toutes les filières agricoles sont touchées par cette flambée des prix de l’énergie, qui avait déjà démarré avant la guerre en Ukraine. Le 28 septembre, la filière céréalière tirait une nouvelle fois la sonnette d’alarme, en rappelant que la hausse des prix de l’énergie impactait non seulement la production céréalière, mais aussi la fabrication d’amidon, de farine, de malt, de semoule, etc. La filière se dit prête à travailler avec le gouvernement « afin de co-construire des solutions pour revenir à un prix de l’énergie soutenable en favorisant également la transition énergétique d’ores et déjà engagée. »

Quelques jours auparavant, c’est la filière des fruits et légumes frais qui alertait le gouvernement et l’opinion publique : les fruits et légumes ont besoin d’énergie non seulement pour être cultivés (a fortiori pour les productions sous serre), mais aussi pour être conservés. Et de rappeler que du fait de contraintes techniques, il est parfois impossible pour les entreprises de la filière de réduire ou de rationner leur consommation d’énergie. « Pour exemple, une coupure d’électricité en mûrisserie de bananes pendant plus de 4h entraînerait la perte totale des volumes », indique l’interprofession des fruits et légumes frais.

La filière demande à être exclue du dispositif de sobriété énergétique européen visant à réduire de 15% la consommation de gaz par rapport à la moyenne des cinq dernières années, tout en soulignant que « les opérateurs sont déjà en ordre de marche pour amoindrir leur dépendance énergétique autant que possible ». Continuer de produire autant avec moins : c’est le défi auquel sont confrontées les filières depuis de nombreuses années, et qui s’est exacerbé ces derniers mois, au gré des crises écologiques et économiques.