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Compétitivité : de l’effet « tarte tatin » à l’effet « sandwich »
[Edito] Un rapport de la Commission des affaires économiques du Sénat pointe les limites de la montée en gamme, faisant le lit de l’importation, (c’est l’effet « tarte tatin »), quand elle ne mène pas au déclassement (cf. la bio), avec entre les deux un Etat accusé d’en faire trop ou pas assez... L’effet « sandwich ».
Effet « tarte tatin », effet « emmental », « repas du dimanche », le récent rapport de la Commission des affaires économiques du Sénat sur la compétitivité de la Ferme France n’a pas lésiné sur la métaphore culinaire pour illustrer le péril qui menace notre souveraineté alimentaire : le défaut de compétitivité. Selon les rapporteurs, les cas de la farine (division par 10 des exportations depuis 1995) et de la pomme (+10% à +56% de différentiel de prix par rapport à nos compétiteurs européens) démontrent que la baisse des parts de marché à l’export, le plus souvent liée à un manque de compétitivité, aboutit à un recentrage sur le marché domestique par une montée en gamme, se traduisant rapidement par une percée du poids des importations dans l’assiette des Français, C’est l'effet « tarte tatin ». Dans le cas du lait, l’effet « emmental » illustre le fait que l’absence de politique de compétitivité mite le revenu des agriculteurs, leur revenu devenant la variable d’ajustement pour conserver nos parts de marché.
La montée en gamme, le « virus de la décroissance »
Le cas du poulet (1 sur 2 importé) est encore plus emblématique. « Tout se passe comme si les Français consommaient un bon poulet du dimanche par mois, labellisé et produit en France, tout en acceptant de manger tous les jours du filet de poulet importé, issu d’élevages plus compétitifs », dénoncent les rapporteurs. L’effet « repas du dimanche » s’applique aussi aux tomates cerise, avec la multiplication par 233 des importations en provenance du Maroc depuis 1995.
Sans contester « l’intérêt de stratégies de montée en gamme ciblées », les rapporteurs considèrent que la priorité doit aller à un « choc de compétitivité », sans quoi le « tout montée en gamme » cautionnera une hausse des charges pour les agriculteurs sans leur garantir une hausse de revenus, faute de marchés suffisants, ce qui se traduit inéluctablement par une baisse accrue de production dangereuse pour la souveraineté française, en reléguant les plus modestes aux rayons des denrées importées. « Le virus de la décroissance se niche derrière ce discours de la montée en gamme », déclarent les rapporteurs qui dans le même rapport, détaillent leurs recettes en 24 propositions, élevées au rang « d’urgence nationale ».
La crise de l’AB, symptomatique de la montée en gamme
Outre les cas de la farine, de la pomme, du lait, du poulet ou encore de la tomate, les sénateurs voient dans l’agriculture biologique, confrontée à la première crise de croissance de son histoire, la victime expiatoire de cette politique du « tout haut de gamme ». Le coupable est tout désigné : c’est Emmanuel Macron, son discours de Rungis et ses deux lois Egalim, qui ont perpétué une stratégie à l’œuvre depuis les années 1990 : puisque les produits français ne sont plus compétitifs, il faut qu’ils montent en gamme pour atteindre des marchés de niche plus rémunérateurs. Dans le cas de la bio, le président de la République trouvera sans doute le jugement un peu fort de café (importé), lui qui se voit régulièrement reprocher l’abandon de l’AB, comme la Confédération vient une nouvelle fois de le pointer, en marge de l’examen du budget à l’Assemblée nationale. L’effet « sandwich » probablement, en bon français. Mais qu’aurait-on dit si la bio importée avait déferlé sur les étals ?