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Bonne année, et surtout, la compétitivité
[Edito] La future loi d’orientation agricole, marqueur de l’année 2023, ne pourra pas faire l’économie d’une introspection de la Ferme France sous le prisme de la compétitivité. Sauf à considérer la désinstallation et la concentration comme un pis-aller.
Une entreprise de démolition, voire de sabotage de la filière tomate, peu ou prou suspendue à l’aridification du Maroc et de l’Espagne. Un poulet multi-labellisé mais sans tête et qui cherche désespérément ses consommateurs nationaux. Une excellence céréalière addict à la Pac mais sapée par la faucille des surtranspositions environnementales et du sous-investissement dans la recherche. Une pomme qui décroche sous l’effet d’une montée en gamme faisant le lit des importations. Des éleveurs laitiers financièrement taris sur l’autel des parts de marché de l’industrie laitière à l’export. Tel est le réquisitoire, à gros traits, dressé par la Commission des affaires économiques du Sénat, dans un rapport publié cet automne.
Lanceurs d’alerte ou pompiers pyromanes ?
Le rapport désigne un seul coupable : l’Etat, avec la complicité de l’Europe, jamais très loin quand il faut se défouler et/ou se défausser. Il exonère de toute responsabilité les premiers concernés, à savoir les agriculteurs, érigés en victimes expiatoires, sous payées et sous-considérées, comme si la profession n’avait aucun pouvoir d’influence. Ce n’est pas très cool pour le syndicalisme. Ça ne l’est pas davantage pour les deux ex-sénateurs qui ont officié au ministère de l’Agriculture sous le premier quinquennat d’Emmanuel Macron. Au vu du diagnostic vital énoncé, on peut également s’interroger sur l’appel à échafauder un plan « Compétitivité 2028 ». Pourquoi si tard ? L’exercice des sénateurs, mus en lanceurs d’alerte, et tout à la fois pompiers pyromanes, a cependant le mérite d’appuyer là où ça fait mal.
La désinstallation et la concentration comme pis-aller ?
Le gouvernement, de son côté, a fait de 2023 l’année où sera promulguée une nouvelle loi d’orientation agricole. Nul doute que le rapport du Sénat alimentera les réflexions, même si la compétitivité ne fait pas expressément partie des trois axes de travail du projet de loi, à savoir l’orientation-formation, l’installation-transmission et les transitions. Et pourtant. Les sénateurs ne se contentent pas d’étriller la politique de montée en gamme des filières agricoles, un palliatif qui résiste mal à l’insécurité alimentaire de plus en plus de Français et aux enjeux de souveraineté. Ils pointent aussi en creux notre modèle agricole et ses (relatives) petites exploitations, pas vraiment armées pour rivaliser avec leurs compétiteurs, y compris au sein de l’UE.
Les sénateurs se font cependant moins frondeurs sur le modèle agricole que sur le « virus » des surtranspositions et le « tout montée en gamme ». Mais peut-être est-ce parce que la désinstallation et l’irrémédiable concentration vont faire sourdement leur besogne, à l’ombre de la pyramide démographique inversée, sans tambour ni trompette. L’agrandissement comme pis-aller à la reconquête de compétitivité ? Qui oserait le clamer haut et fort, tant il est vrai que d’ici à 2028, beaucoup d’agriculteurs auront pris leur retraite ? D’ici là, bonne année 2023.