Compétitivité des filières (5/10) : la pomme de terre conserve la patate

La France est un acteur majeur et reconnu pour la qualité de ses tubercules mais la filière ne tire pas totalement profit de la valeur ajoutée générée, captée par les usines... belges.

Un excédent de 591 millions d’euros pour les pommes de terre à l’état frais contre un déficit de 322 millions d’euros pour les produits transformés (hors fécule) : en deux chiffres (2019), FranceAgriMer résume l’ambivalence de la filière pomme de terre française. Avec une production de 8,8 millions de tonnées développée sur 208.000 ha, la France est le deuxième producteur européen de pommes de terres et le premier exportateur mondial. « Cette très bonne performance à l’export s’explique en partie par la qualité de la production française qui répond aux standards de commercialisation de l’Europe en termes de lavabilité, de calibrage, de conservation...) aussi bien pour le marché du frais que pour les industries, notamment belges et néerlandaises qui s’approvisionnent en France », relève FranceAgriMer dans une étude commanditée par le ministère de l’Agriculture, décryptant les ressorts de compétitivité de l’ensemble des filières agricoles et agroalimentaires.

Sous-équipement industriel

La balance commerciale française pour les échanges de pommes de terre transformées reste très nettement déficitaire avec un déficit qui se creuse depuis 2006. Le déficit est imputable à la destination UE, qui culmine à -405 millions d’euros quand la balance vers les pays tiers est excédentaire de 82 millions d’euros.

En frais, les échanges s’opèrent notamment l’Espagne et l’Italie dont les besoins ne sont pas couverts par la production nationale. De leur côté, la Belgique, l’Allemagne et les Pays-Bas s’approvisionnent en pommes de terre françaises principalement pour satisfaire les besoins de leurs industries de transformation. La Belgique concentre à elle seule plus de la moitié de la valeur des importations françaises. La Belgique possède de très grandes capacités de transformation avec la présence sur son territoire de nombreuses usines capables d’absorber les volumes de pommes de terre françaises qui sont ré-exportées vers la France une fois transformées.

"En pommes de terre transformées, la valeur est créée à l'étranger"

La Belgique est dans ce secteur le principal acteur à l’échelle mondiale. « Les pommes de terre produites en France pour le secteur industriel présentent des qualités intrinsèques supérieures à celles des concurrents en termes de qualité, de calibre et de disponibilité de terre » relève FranceAgriMer. L'avantage concurrentiel français réside dans un meilleur rendement matière première sur transformation. Mais les capacités de transformation nationales apparaissent limitées avec un niveau d’importation élevé de pommes de terre transformées, surgelées essentiellement. La valeur ajoutée est créée à l’étranger ».

Bâtiments de stockage à moderniser

Les acteurs de la filière notent également que les industriels belges disposent d’un avantage compétitif par rapport aux industriels français : en France, la terre sortie usine après nettoyage est considérée comme un déchet potentiellement polluant, ce qui n’est pas le cas en Belgique.

Outre le sous-équipement industriel, les acteurs de la filière pointent aussi quelques faiblesses en amont, notamment en matière de stockage au sein des exploitations, des investissements jugés nécessaires pour s'adapter au contexte national et international et améliorer les performances des exploitations, notamment sur le grand export. Suite au retrait de l’anti germinatif à base de chlorprophame, les acteurs de  la filière estiment que les pouvoirs publics n’ont pas accordé le soutien nécessaire à la modernisation et au renouvellement des bâtiments de stockage, comme a pu le faire l’Allemagne.

Autre grief adressé aux pouvoir publics : le manque de soutien financier à la réalisation de campagnes de communication en France et sur les marchés à l’export. En France, le logo « Pommes de terre de France » est bien capitalisé par les transformateurs, pour la visibilité qu’il offre aux consommateurs, à tel point que l'interprofession est sollicitée par des entreprises fabricant des produits de deuxième transformation, dans lesquels la pomme de terre n'est pas l'ingrédient majeur.