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Etude PestiRiv : réduire autant que possible l’usage des pesticides, informer les riverains

Ce sont les deux principales recommandations de l’étude PestiRiv conduite par l’Anses et Santé Publique France et mesurant l’exposition réelle des riverains aux pesticides appliqués au sein de 265 zones viticoles françaises. Des résultats extrapolables aux autres cultures selon les deux agences, qui appellent à une mise en œuvre « ambitieuse » d’Ecophyto 2030 et qui réclament l’accès aux données individuelles des applications phytosanitaires pour étudier le lien avec les risques pour la santé.

Oui, une sur-imprégnation des personnes vivant en zones viticoles, par rapport aux personnes éloignées des zones viticoles, est avérée pour une partie des pesticides étudiés. Oui, les imprégnations sont plus élevées pendant les périodes de traitement, pour la quasi-totalité des pesticides étudiés. Oui, la proximité aux vignes et la quantité de pesticides probablement utilisée augmentent l’imprégnation des riverains. Telles sont les conclusions de l’étude PestiRiv, conduite par l’Anses et Santé Publique France et dont les résultats ont été dévoilés lundi. « Le facteur qui influence le plus l’exposition aux pesticides en zone viticole, ce sont les pratiques agricoles, à savoir que l’exposition augmente avec la quantité de pesticides utilisés sur les vignes et également lorsque la distance entre le logement et les vignes diminue », a déclaré en conférence de presse Ohri Yamada, chef de l’unité Phytopharmacovigilance de l’Anses,

« Dans une moindre mesure, a-t-il poursuivi, d’autres facteurs ont également une influence sur les niveaux d’exposition. Il s’agit des contacts avec l’environnement, à savoir la durée de l’aération du logement et le temps passé à l’extérieur. En dernier lieu, il y a certains gestes du quotidien, comme se déchausser avant de rentrer chez soi, nettoyer le sol de son logement au moins, sécher le linge à l’intérieur, disposer d’une VMC, éplucher tous les fruits et légumes du jardin, limiter la consommation d’œufs de poulaillers domestiques ».

Les grandes lignes du protocole

Lancée en 2021, l’étude PestiRiv s’est déroulée dans 265 zones viticoles et zones éloignées de toute culture, réparties dans 6 régions. Elle a consisté à recueillir des échantillons d’urines et de cheveux auprès de 1946 adultes et 742 enfants âgés de 3 à 6 ans, dont un groupe résidant à moins de 500 mètres de vignes et un autre à plus d’un kilomètre de de toute culture, avec des relevés en période de traitement (octobre 2022 à février 2022) et hors traitement (mars à août 2022) et à y rechercher la présence de 56 pesticides, dont le cuivre, le soufre, le glyphosate ou encore les pyréthrinoïdes. Il se trouve que 2022 a été une année particulièrement sèche, réduisant le recours aux fongicides et « limitant la possibilité de généralisation des résultats à d’autres années », lit-on dans l’avis commun de l’Anses et de Santé Publique France.

Outre les échantillons biologiques, les analyses ont également porté sur les poussières des logements, l’air intérieur, l’air ambiant, les fruits et légumes du jardin. Un questionnaire adressé à chaque participant a permis de prendre en compte les autres sources potentielles d’imprégnation, liées à l’utilisation de pesticides au domicile et à l’alimentation. Enfin, à défaut de données individuelles concernant l’usage de pesticides par les viticulteurs, les pratiques agricoles ont été jugées et intégrée à l’aune des quantités venues et des fréquences de traitement.

Une exposition plus élevée en zones viticoles

Dans tous les types d’échantillons étudiés (urines, cheveux, air intérieur, air extérieur, poussières), l’exposition aux pesticides est globalement plus importante pour les personnes vivant à proximité des vignes que pour celles vivant loin de toute culture.

Ainsi, pour les urines, les poussières et l’air ambiant, les niveaux de contamination en zones viticoles sont plus élevés qu’en zones éloignées de toute culture. Par exemple, l’augmentation de l’imprégnation urinaire est comprise entre 15 % et 45 % et l’augmentation de la contamination des poussières varie selon les substances de quelques pourcents à plus de 1000 %. Pour les cheveux et l’air intérieur, les pesticides recherchés sont plus fréquemment présents dans les échantillons recueillis en zones viticoles par rapport à ceux des zones éloignées de toute culture.

Une exposition en zones viticoles plus forte en période de traitement

Dans tous les types d’échantillons étudiés, l’exposition aux pesticides est globalement plus importante en période de traitement des vignes (mars à août) qu’en dehors.

Ainsi, pour les urines, les poussières et l’air ambiant, les niveaux de contamination en période de traitement sont plus élevés qu’en période hors traitement. Par exemple, l’augmentation de l’imprégnation urinaire peut atteindre 60% et l’augmentation de la contamination des poussières varie selon les substances de quelques pourcents à 700% Pour les cheveux et l’air intérieur, les pesticides recherchés sont plus fréquemment présents dans les échantillons recueillis en période de traitement par rapport à ceux de la période hors traitement.

Des données extrapolables à d’autres cultures

Si l’étude PestiRiv s’est focalisée sur la vigne, c’est pour partie pour des « raisons scientifiques et de faisabilité », indique Clémence Fillol, responsable de l’unité surveillance des expositions à Santé Publique France. « Il a fallu prioriser une culture, et la vigne, facile à localiser et évoluant peu d’une année sur l’autre est une de celles qui a la plus recours aux produits phytopharmaceutiques, en terme de fréquence et de quantité. La population qui vit à moins de 200m d’une parcelle de vigne est très importante puisqu’elle représente 4% de la population française. La viticulture est aussi susceptible de conduite a des expositions plus élevées par le type de pulvérisateur utilisé et la hauteur de traitement ».

Santé publique France et l’Anses soulignent toutefois que les conclusions et recommandations de l’étude peuvent être extrapolées à d’autres cultures, « dans la mesure où l’exposition concerne notamment des substances non exclusivement destinées au traitement de la vigne. De plus, des études menées sur d’autres cultures concluent aux mêmes tendances que celles observées dans PestiRiv », lit-on dans l’avis commun aux deux agences.

Les recommandations de l’Anses et de Santé Publique France

Pour l’Anses et de Santé Publique France, les résultats de PestiRiv confirment « la nécessité d’agir sur la source d’émission pour limiter les expositions des personnes vivant le plus près des cultures ». Et de recommander de réduire « au strict nécessaire » le recours aux produits phytosanitaires, en s’appuyant sur une « mise en œuvre ambitieuse » de la stratégie Ecophyto 2030. « Cette orientation induira parallèlement un co-bénéfice avec la réduction des expositions professionnelles des viticulteurs et leur famille. Les deux agences prônent également la nécessité d’informer et de sensibiliser les viticulteurs et la population vivant en zones viticoles sur les mesures de prévention adaptées et plus particulièrement en amont des traitements pour limiter les situations d’expositions évitables des riverains. « Les données sont très solides et présentent une vertu immédiate, c’est celle de fournir une très précise photographie des expositions des personnes au-delà des champs et au-delà des moments de traitement, indique Benoit Vallet, directeur général de l’Anses. Cette transparence des données peut être bénéfique pour la profession, et pour la connaissance que les riverains appellent de leurs vœux ».

La doléance de l’Anses et de Santé Publique France

Les données d’observation en conditions réelles produites dans le cadre de PestiRiv, qui rentrent dans le périmètre des données de la phytopharmacovigilance, constituent un complément précieux des évaluations réglementaires et des garanties qu’elles apportent dans le cadre des AMM, indiquent les deux agences. Mais les résultats d’imprégnation humaine et de contamination environnementale ne permettent pas de conclure, sans analyse complémentaire, à l’existence de risque pour la santé des personnes vivant en zones viticoles, ni de distances de précaution, même s’ils montrent l’influence de la distance sur l’exposition et s’ils incitent à agir prioritairement auprès des personnes vivant le plus près des cultures.

Au-delà de ces premières conclusions, les résultats de PestiRiv seront utilisés pour poursuivre l’amélioration des connaissances sur l’exposition aux pesticides et le lien éventuel avec des risques pour la santé. Pour faire le lien entre utilisations et expositions, et mieux maîtriser ces dernières, Santé Publique France et l’Anses estiment « indispensable de garantir aux agences sanitaires et instituts de recherche l’accès aux données réelles d’usage des produits phytosanitaires » : localisation, date, produit appliqué, quantité utilisée, etc. Et de réclamer la « bancarisation » des données individuelles et leur mise à disposition au-delà des 5 ans requis aujourd’hui par le registre phytosanitaire.