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Vers une sectorisation et une protection renforcée des captages d’eau « sensibles »
D’ici à la fin de l’année, 10% des aires d’alimentation de captage devraient faire l’objet de mesures de protection renforcées contre les pollutions diffuses, incluant potentiellement des restrictions d’usage de produits phytosanitaires.
Le ministère de la Transition écologique a présenté le 28 mars sa « feuille de route » dédiée à la protection des aires d’alimentation de captage d’eau. Sous l’égide du « Groupe national captages », le ministère va lancer une concertation destinée à identifier les captages d’eau potable les plus critiques au regard des risques de pollution diffuse d’origine agricole et industrielle. La liste des captages considérés comme « sensibles » fera l’objet d’un arrêté dont la publication est attendue pour la fin de l’année, avec un an de retard sur le calendrier initial.
10% des captages ciblés
Conformément au Plan eau, dévoilé en mars 2023, la Stratégie Ecophyto 2030, dévoilée en mai 2024, a instauré la notion d’aires d’alimentation de captage « sensibles et prioritaires ». Le calendrier initial prévoyait la publication de l’arrêté pour la fin 2024, que la dissolution et les changements successifs de gouvernement ont retardée. Entre 1980 et 2019, 12.500 captages d’eau potable, sur les 50.000 existants, ont été fermés en raison de la dégradation de la qualité de la ressource en eau, due, dans 41 % des cas, à des teneurs excessives en nitrates et pesticides. La 4ème génération de SDAGE (2022- 2027) voit le nombre de captages dit « prioritaires », autrement dit très problématiques, augmenter de 24% par rapport à la précédente, pour s’établir à 1374 unités. Le nombre de fermetures annuelles est actuellement de l’ordre d’une centaine. Il demeure 32.900 captages actifs et, selon le ministère de la Transition écologique, la concertation préalable à l’arrêté devrait déboucher sur une liste d’environ 3000 captages « sensibles ».
Des eaux non conformes distribuées au robinet
Selon un rapport interministériel (Agriculture, Santé, Transition écologique) publié en novembre dernier et consacré à la problématique de la contamination par des pesticides des eaux destinées à la consommation humaine, en 2022, 10,2 millions de Français ont été alimentés au moins une fois par une eau non conforme aux exigences réglementaires vis-à-vis des pesticides et de leurs métabolites, dont certains retirés sur marché depuis des décennies, telle l’atrazine.
Si l’eau non conforme coule malgré tout au robinet, c’est parce que les niveaux de pollution outrepassent les capacités des coûteux dispositifs de traitement : le surcoût du charbon actif est estimé entre 0,2 et 0,3€/m3 et celui de la nanofiltration entre 0,5 et 1,2€/m3 en fonction des volumes en jeu. Mais c’est aussi au prix de lourdes procédures dérogatoires, engageant la responsabilité des préfets, des autorités sanitaires et des entités responsables de la production et de la distribution de l'eau, que la directive européenne (UE) n°2020/2184, traduite en droit français en 2022, restreint de plus en plus.
Vers des mesures de protection renforcées
La concertation ne va pas se limiter à l’établissement d’une liste de captages « sensibles ». Elle va aussi inventorier les moyens de prévention susceptibles d’être mis en œuvre en amont sur les aires d’alimentation critiques. Parmi les pistes, déjà explorées ici et là, figurent le renforcement de l’écorégime attribué aux exploitations certifiées en agriculture biologique, le renforcement de l’attractivité des Maec, le développement des PSE, la promotion et le soutien de techniques alternatives aux pesticides, l’acquisition de foncier par les Personnes responsables de la production et distribution de l'eau (PRPDE) en vue leur soustraction aux pesticides et engrais de synthèse.
L’étau sur les phytos
Autre piste pour juguler les risques de pollution diffuse : l’interdiction ciblée de pesticides sur les zones en question, via différents outils à la main des préfets. Ce sont les arrêtés préfectoraux de Déclaration d’utilité publique (DUP), qui régissent les périmètres de protection de captage (PPC) et les Zones soumises à contrainte environnementale (ZSCE).
Les premiers peuvent inclure des servitudes sur l'affectation ou l'utilisation des sols (obligation de boisement, de création ou maintien de prairie, d'agriculture biologique, de cultures à bas niveau d’intrant) et les pratiques agricoles (plafonnement des quantités de produits phytosanitaires, pratique du désherbage mécanique…). Les secondes reposent sur un programme d’actions avec objectifs et indicateurs de résultats sur toutes les aires de captages en dépassement ou proches des limites de qualité pour les pesticides et leurs métabolites. En cas de non atteinte des objectifs de qualité à l’issue d’un premier plan, un arrêté doit mettre en place, sans délai, un programme de mesures obligatoires de restriction voire d’interdiction d’usages des produits phytos sur ces aires, accompagné d’indemnités compensatoires pour les agriculteurs concernés.
Dans le cadre de la feuille de route sur les captages d’eau, les préfets, ainsi que les collectivités se verront remettre en fin d’année un « un guide pour leur permettre de mobiliser davantage les outils et dispositifs réglementaires existants et identifier des outils financiers d’accompagnement au changement des pratiques ». D’ici à 2027, tous les captages devront être dotés d’un Plan de gestion de la sécurité sanitaire des eaux de la collectivité (PGSSE).