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Du Spritz qui ne fait pas pschitt
[Edito] Les performances à l’export des filières agricoles et agroalimentaires françaises se sont encore dégradées en 2020, et même accentuées sous l’effet de la crise sanitaire, avec notamment des compétiteurs qui se font mousser sur nos terres et dans nos verres. A quand les gestes barrières ?
Champagne, Crémant d’Alsace ou Prosecco ? Après six mois d’abstinence forcée, les terrasses des bars et restaurants s’offrent de nouveau à nos papilles, avec modération et dans le respect des gestes barrières bien entendu, deux mentions indissociables. Ces gestes barrière ne devraient pas faire barrage au Prosecco, cet effervescent italien qui ne cesse de chasser sur nos terres et dans nos verres. « Le Prosecco a réussi un coup extraordinaire, avec des vins de base pas forcément de très haute qualité », a déclaré cette semaine Jean-François Loiseau, président de la Commission thématique internationale de FranceAgriMer, à l’occasion de la présentation de l’observatoire des performances à l’export des produits agricoles et agroalimentaires français.
Les chiffres confirment la dégradation de notre balance commerciale, lente mais inexorable depuis une dizaine d’années. Elle s’est enfoncée de 20,5% par rapport à 2019, pour s’établir à +6,1 milliards d’euros. Autre fait marquant : en intégrant les bois et dérivés ainsi que le biodiésel, la balance commerciale, toutes filières agricoles et agroalimentaires, est pour la première fois passée en terrain négatif, à -580 millions d’euros.
Alors que la France demeure le premier pays agricole de l’UE (et le troisième en surface forestière), notre pays se place derrière les Pays-Bas et l’Espagne en termes d’exportation de produits bruts et derrière l’Allemagne et les Pays-Bas pour ce qui est des produits transformés.
La recette du Spritz
La chute des exportations de vins et spiritueux, doublement affectée par la crise sanitaire et les surtaxes américaines, explique en grande partie la dégradation. Se sont également greffés des problèmes de logistique, que certains de nos compétiteurs, soumis pourtant au même contexte, n’ont pas connus. Sans les vins et spiritueux, la balance commerciale du secteur aurait affiché un déficit de 4,5 milliards d’euros en 2020.
Jean-François Loiseau, par ailleurs président de la coopérative Axéréal et d’Intercéréales, filière en positif (+5,8 milliards d’euros), s’est bien gardé de faire la leçon à la filière vitivinicole, qui demeure très performante. Il a au contraire balayé devant ses silos. « Au cours de l’automne 2020, nous avons vécu une semaine folle, avec 19 bateaux de 50.000 tonnes de céréales en attente d’être réceptionnées ou refusées par les autorités sanitaires chinoises, pour des motifs d’impuretés et de poussières, a-t-il déclaré. A huit ou dix millions d’euros le bateau, je vous laisse imaginer la facture. Si nous voulons que les agriculteurs français que nous sommes et les entreprises françaises que nous dirigeons puissent continuer à faire de la valeur à l’international, la première règle, c’est la qualité absolue ».
Jean-François Loiseau a tout de même livré sa recette du Spritz, le cocktail qui assure une bonne part du succès du Prosecco : un tiers d’organisation amont très structurée, un tiers de marketing avec la marque et le drapeau « Italie » en étendard, un tiers de prix accessible au plus grand nombre. Figurera-t-elle, avec d’autres, dans le rapport sur la compétitivité des filières agricoles et agroalimentaires que la Commission thématique internationale de FranceAgriMer doit remettre prochainement au ministre de l’Agriculture ?