Égalim : 7 clés pour réussir l’approvisionnement local des cantines scolaires

À l’échelle des collectivités locales, la restauration scolaire représente plusieurs millions d’euros de débouchés pour les exploitations du secteur. Si la loi Egalim a impulsé une dynamique dans ce sens, encore faut-il réussir à mettre en œuvre ce type de partenariat en circuit court. En Loire-Atlantique, plusieurs expériences réussies ou en cours de construction permettent d’identifier les points clés pour réussir la transition vers l’approvisionnement local.

​​​​​​1. Adapter les menus 

Contrairement à un grossiste qui peut jouer sur plusieurs fournisseurs pour offrir une gamme de produits complète chaque semaine, les livraisons d’une exploitation agricole sont soumises aux aléas et planning de production. De ce fait, le passage en approvisionnement local d’un restaurant scolaire nécessite parfois d’adapter les menus. Le maraîchage représente le paroxysme des limites de disponibilité que peut rencontrer une exploitation agricole. David Lorgeoux, chargé de la coordination territoire et de la restauration collective au Gab 44, évoque le cas de la cantine de Férél, dont il assure le suivi des objectifs d’approvisionnement en circuit court par le prestataire. « En accord avec la collectivité, le chef opte pour une certaine souplesse de planification. S’il prévoit une entrée de carottes râpées, il inscrit "légumes de saison" sur le menu et se garde ainsi la possibilité de réaliser une autre crudité dans le cas où le producteur ne disposerait pas de carottes lors de la livraison » détaille-t-il. Mais les légumes ne sont pas les seuls produits concernés. « Pour la viande, je travaille avec la ferme de la côte d’Amour à la Turballe. Je sais qu’ils abattent alternativement un bœuf et un veau à 15 jours d’intervalle. Donc je programme mes menus en fonction » rapporte Yannick Blandeau, responsable du restaurant scolaire du Pouliguen.

2. Massifier et anticiper les commandes

Pour éviter aux producteurs de passer des heures sur la route, les volumes à livrer sont primordiaux. « Le nœud de l’approvisionnement local, c’est la question de la logistique. Il faut absolument massifier les commandes. Si une commune est motivée par l’approvisionnement local, nous essayons d’impliquer le collège à proximité et le département pour atteindre des volumes intéressants pour le producteur » assure Tiphaine Burban, animatrice du PAT Presqu’île Brière. Réciproquement, les cuisiniers ne peuvent pas être dérangés par des dizaines de livraisons lors de la préparation des repas. « C’est la difficulté, la multiplication des commandes et des livraisons prend du temps » confirme François Lalande, le responsable de la restauration scolaire de la Turballe. Tout repose sur l’équilibre et le compromis entre les intérêts des uns et des autres. Chantal Brière, associée au sein de la ferme de Mézérac, produit et livre des yaourts et fromages blancs à la restauration collective, évoque l’importance d’éviter les commandes trop tardives. « Au minimum, il faudrait que les commandes soient passées une semaine à l’avance, voire idéalement quinze jours avant. Nous ne produisons du fromage blanc que deux jours par semaine. Si la commande est trop tardive, nous n’aurons pas les volumes pour y répondre » regrette-t-elle.

3. Exploiter l'ensemble de l'offre d'un producteur 

Pour Yannick Blandeau, s’adapter à la saisonnalité a également permis d’élargir la gamme des légumes proposés aux enfants. « J’ai visité l’exploitation de Benoit Eon, notre maraîcher. À cette occasion, j’ai pu m’apercevoir qu’il pouvait me fournir en patate douce et en panais. Je les ai inscrits au menu » se souvient-il. Si le cuisinier compte sur ce partenariat local pour proposer des légumes de qualité aux enfants, il a en revanche moins d’attente sur le calibrage des légumes. « Ce sont des produits que je vais transformer. Pour le maraîcher, c’est un avantage, il sait qu’il peut nous mettre tous les formats ».

4. Démystifier le coup économique

« Le bœuf et le veau achetés en local coûtent un peu plus cher, mais la qualité est là » assure Yannick Blandeau. Si ce constat peut sembler logique, d'autres chefs assurent que le local leur permet de mieux maîtriser leur coût. « Je ne suis pas d’accord avec l’idée de dire que le local est plus cher. Nous avons vu que la hausse due à l’inflation était moins forte sur l’approvisionnement local qu’avec les grossistes. Le fait maison permet également de diminuer les coûts » assure François Lalande. Un constat que confirme David Lorgeoux. Sur la commune de Férél, le prestataire a annoncé une hausse de ses coûts d’achat de matières premières de plus de 15 % avec l’inflation. « En reprenant les factures de ces 4 derniers mois, nous nous sommes aperçus que les repas servis spécifiquement sur la commune, la hausse n’était que de 1 %. Je suis persuadé que c’est grâce à l’approvisionnement local » assure-t-il.

5. Trouver la structure partenaire adaptée 

Il existe autant de types d’exploitations agricoles que de taille d’établissement de restauration collective. La mise en place d’un partenariat d’approvisionnement doit donc tenir compte du type de produits voulu par le chef de cuisine d’une part et du nombre de repas que peut fournir en volume l’agriculteur d’autre part. « Ce serait contre productif de mettre en lien un petit maraîcher avec une grosse structure de restauration » souligne Céline Blandin, conseillère en développement territorial au sein de la Chambre d’agriculture Pays de la Loire. Pour les producteurs souhaitant se lancer avec de petits volumes, des établissements de type crèche, avec moins de 50 repas, par jour peuvent représenter une option intéressante.

6. Les cantines en prestations de service peuvent aussi se tourner vers le local

Pour reprendre la main sur leur approvisionnement et atteindre les objectifs de la loi Egalim, de plus en plus de communes dénoncent leur contrat de prestation et investissent dans des cuisines en gestion directe. Pour autant, la prestation de services sur la confection des repas n’interdit pas l’approvisionnement local. « J’ai accompagné la commune de Férél dans l’élaboration de son cahier des charges. Le prestataire, qui réalise les repas sur place, doit intégrer 30 % de légumes achetés en circuit court, avec un objectif spécifique de 85 % en pomme de terre, carotte et poireau. En 2023, le cuisinier délégué par le prestataire a dépassé cet objectif » se félicite David Lorgeoux du Gab 44. Pour lui, il est également possible d’introduire du local dans les cuisines en repas livrés. « Il faut alors fonctionner à l’élément et non au repas complet avec le prestataire » décrit-il. Sur la commune de Saint-Père-en-Retz, cette stratégie permet de ne pas commander certaines entrées ou desserts au prestataire et de se fournir directement auprès des producteurs locaux. « Le principe ne fonctionne qu’avec des aliments sans transformation comme les produits laitiers et les fruits » précise-t-il. À Saint-Père-en-Retz, la commune a réussi à atteindre 10 % de local dans ces approvisionnements grâce à ce fonctionnement.

7. L'importance des Plan alimentaires territoriaux (PAT)

Pour assurer la mise en contact entre les différents acteurs, les PAT sont un outil essentiel. Ces projets essaiment sur le territoire depuis 2014, avec une explosion depuis le début des années 2020. 

Ils ont pour objectif de « relocaliser l'agriculture et l'alimentation dans les territoires en soutenant l'installation d'agriculteurs,
les circuits courts ou les produits locaux dans les cantines » détaille le site du ministère. Les établissements scolaires de la Turballe et du Pouliguen, s’inscrivent dans la dynamique du PAT Presqu’île Brière, située sur la façade maritime, au Nord de la Loire-Atlantique. « C’est une dynamique de coopération qui s’inscrit entre collectivités. St Nazaire peut ainsi s’appuyer sur les territoires ruraux alentours » souligne Tiphaine Burban, animatrice de ce PAT. Elle organise des forums professionnels, des temps de rencontre entre producteurs et chef cuisinier ou encore des visites de ferme. « L’approvisionnement durable, c’est aussi travailler sur des recettes innovantes, l’éducation gustative ou encore la lutte contre le gaspillage alimentaire » énumère-t-elle. La dynamique impulsée a notamment permis de mettre en place un réseau de chefs. Au sein de cette instance, ils se partagent conseils et contact de producteurs.