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En 2050, les tensions hydriques généralisées et pas seulement en été
Selon une étude prospective du Haut-commissariat à la stratégie et au plan, 88% du territoire pourrait être sujet à une tension hydrique pendant les trois mois estivaux mais également en hiver. Sauf à engager « une transformation radicale des usages », notamment en matière d’irrigation, de pratiques agroécologiques et de sobriété énergétique.
En 2050, sans inflexion des tendances actuelles, 83% des bassins versants, représentant 88% du territoire, seront en tension modérée ou sévère au mois d’août et 53% des bassins versants, représentant 57% du territoire, ; seront même en situation de tension sévère. Telle est la prédiction d’une étude du Haut-commissariat à la stratégie et au plan (HCSP) publiée mercredi.
Pour mieux imager ce que sera la réalité du changement climatique en 2050, l’étude se réfère à l’été 2022, qualifié alors par Météo-France de 2ème été le plus chaud observé en France depuis au moins 1900 avec un écart de +2,3°C par rapport à la moyenne 1991-2020, derrière l’été 2003, caractérisé par une anomalie de température de +2,7°C. « La situation normale, demain, pourrait donc ressembler à cet été 2022 jugé exceptionnel pour les standards actuels » lit-on dans l’étude.
Cette dernière, qui repose sur une cartographie de la France en 40 bassins versant, « d’une précision inédite », confronte la ressource et la demande en eau, objet de deux études préalables du HCSP. Alors qu’en 2020, la production d’énergie était le premier secteur préleveur d’eau, pour environ la moitié des prélèvements, en 2050 c’est l’agriculture, via l’irrigation, qui deviendra le premier préleveur, pour environ un tiers des prélèvements. Ce qui explique pourquoi, dans les trois scénarios prospectifs, l’évolution des pratiques agricoles et accessoirement de notre régime alimentaire constituent les facteurs prépondérants de l’état de tension hydrique. Le scénario prédisant 88% du territoire en tension en été, mais également en hiver dans la grande majorité du territoire de France métropolitaine, est qualifié de « tendanciel ».
Dans ce scénario, au seul plan agroalimentaire, l’agriculture reste tournée vers la productivité et l’export. L’équipement des surfaces agricoles en matériel d’irrigation se poursuit, la consommation d’eau pour l’irrigation augmente de 161% et les pratiques agroécologiques ne se développent pas. Il s’agit du scénario le plus pessimiste au plan hydrologique et et qui se traduit, au moins d’août, par une dégradation de la situation hydrique touchant 90 % des bassins versants (représentant 95% du territoire) contre 88% des bassins versants (représentant 93% du territoire) dans le scénario « politiques publiques ». Dans ce scénario, au plan agroalimentaire, les régimes alimentaires se végétalisent et les pratiques agroécologiques se développent sur la moitié des surfaces agricoles. L’équipement des surfaces agricoles en matériel d’irrigation se poursuit. De nombreuses retenues agricoles de substitution sont construites.
Dans le scénario de « rupture », qui voit les régimes alimentaires profondément modifiés (avec notamment une forte réduction de la consommation de viande) et les pratiques agroécologiques se développer sur la totalité des surfaces agricoles, l’aggravation de la situation hydrique touche 53% des 40 bassins versants, représentant 54% du territoire. La croissance de la consommation pour l’irrigation est limitée à +42%.
Les préconisations du HCSP
Outre l’aspect quantitatif, le rapport mentionne également le risque de voir la qualité de l’eau se dégrader sous l’effet des tensions croissantes sur la ressource, réduisant un peu plus la quantité d’eau disponible pour les différents usages humains, notamment la consommation d’eau potable. « Pour une ressource aussi vitale, un constat aussi grave nécessite une prise de conscience immédiate et des actions renforcées à court terme. Personne n’imagine vivre, en France, avec des restrictions massives et chroniques, entièrement subies », conclut le Haut-commissariat à la stratégie et au plan.
Ce dernier prône le renforcement du Plan eau présenté en mars 2023 et la mise en œuvre de d’actions de protection et de restauration ambitieuses des milieux « car la capacité des écosystèmes à faire face à un stress hydrique dépend étroitement de leur diversité et de leur richesse ».
Le HCSP estime indispensable « une transformation radicale des usages » afin de limiter les pressions sur les écosystèmes et les conflits à venir entre les usagers de l’eau. « Tout particulièrement, la régulation de l’irrigation par les pouvoirs publics, le soutien à des pratiques agro-écologiques plus sobres en eau, des mesures de sobriété énergétique dans l’ensemble de nos activités sont autant de solutions qui devront être mobilisées, en même temps et rapidement ».
Pour assurer la prise de conscience collective comme la prise de mesures effectives, le HCSP estime qu’un débat parlementaire annuel devrait se tenir dans chaque chambre, afin de permettre le suivi des mesures de sobriété et de réduction des tensions et d’en suggérer d’autres, sur la base d’un document de prévision Eau. Celui-ci ui serait préparé conjointement par le Haut-commissariat à la stratégie et au plan et le Secrétariat général à la planification écologique. « Éclairer et débattre, pour anticiper et agir ».