- Accueil
- Finalement, le stockage d’eau agricole pas « d’intérêt général majeur »
Finalement, le stockage d’eau agricole pas « d’intérêt général majeur »
La Commission du développement durable de l’Assemblée nationale a giclé l’article de la proposition de loi « anti-entraves » visant à faciliter les retenues d’eau. Et a mis le feu chez les Irrigants de France, arroseurs arrosés des prétendus « irritants » du texte sénatorial. La CR bouillonne également.
« Les ouvrages de stockage d’eau et les prélèvements sur les eaux superficielles ou souterraines associés qui poursuivent à titre principal une finalité agricole sont présumés d’intérêt général majeur dans les zones affectées d’un déficit quantitatif pérenne compromettant le potentiel de production agricole lorsqu’ils sont issus d’une démarche territoriale concertée sur la répartition de la ressource en eau entre l’ensemble des usagers, qu’ils s’accompagnent d’un engagement dans des pratiques sobres en eau et qu’ils concourent à un accès à l’eau pour ces usagers ». Tel était le principal attendu de l’article 5 de la proposition de loi (PPL) visant à lever les contraintes à l'exercice du métier d'agriculteur. Feu l’article 5 pour être plus précis car lors de l’examen du texte mardi par la Commission développement durable et aménagement du territoire, l’article 5 s’est, au choix, volatilisé ou infiltré à jamais dans les entrailles de la Terre.
« Les fossoyeurs de la souveraineté alimentaire sont à la manœuvre »
Dans un message sur X, le président de la FNSEA, qui avait parlé de la PPL comme d’un « moteur législatif qu’il nous fallait » n’a pas mâché ses mots. « Les fossoyeurs de la souveraineté alimentaire sont à la manœuvre », a écrit Arnaud Rousseau, pointant son pistolet à eau tout particulièrement sur l’ex-ministre Marc Fesneau. « Où sont les engagements pris par le ministre de l’Agriculture lors des mobilisations agricoles de l’an dernier ? », interroge le leader syndical, qui appelle « à sortir du dogmatisme qui tue l’activité sur notre territoire ». Redoutant un risque d’obstruction, l’ex-ministre, désormais président du groupe Modem à l’Assemblée nationale, avait suggéré d’alléger le contenu de la PPL, notamment sur les sujets de la gouvernance de l’Anses et de la gestion de l’eau. Le Modem a manifestement fait sauter un bouchon. Que les Irrigants de France n’ont pas esquivé.
L’effet boomerang des « irritants » sur les irrigants
Ces derniers ont jugé de la manœuvre « parfaitement irresponsable », l’adoption d’un amendement prévoyant en prime un moratoire de 10 ans sur les projets de stockage constituant l’ultime goutte de l’envasement. D’une PPL « anti-entraves », on est passé à une PPL « contraintes » fulminent la FNSEA et les JA. « Ces décisions mettent en risque l’accès à l’eau des exploitations agricoles et donc la survie de notre agriculture, dans une logique de décroissance productive aberrante qui menace très directement notre capacité à assurer l’alimentation de nos concitoyens demain », a réagi dans un communiqué son président Eric Frétillère.
Adoptée par le Sénat le 27 janvier dernier, la PPL « anti-entraves » portée par les sénateurs Laurent Duplomb (LR) et Franck Menonville (UDI) est censée apporter des « remèdes urgents » et des « réponses concrètes dans les cours de ferme » et mettre fin aux « surtranspositions et surrèglementations » franco-françaises. L’essentiel des articles porte sur les moyens de production tels que les produits phytosanitaires (dont l’acétamipride) et les bâtiments d’élevage (règles de construction et extension) et donc feu l’intérêt général majeur du stockage de l’eau. Ce que le sénateur Duplomb avait décrit comme « irritant » s’avère finalement irritant pour les irrigants, arroseurs arrosés. « La PPL Contraintes devait en être la traduction concrète dans les cours de ferme. En censurant ce texte, l’ambition de souveraineté alimentaire n’est plus », ont réagi dans un communiqué la FNSEA et les JA, douchés mais pas coulés, évoquant des « actions » à venir.
De son côté, la Coordination rurale a dénoncé « l'irresponsabilité de certains parlementaires concernant le stockage de l’eau ». « On est en droit de se demander si la représentation nationale ne se moque pas purement et simplement des agriculteurs au profit des écologistes les plus radicaux, et ce malgré nos mobilisations d’ampleur depuis un an et demi », a réagi sa présidente Véronique Le Floc’h, s’inquiétant du « risque de dépendance alimentaire accru de la France aux importations de fruits et légumes qui consomment tout autant d'eau au plan écologique ».
Après son passage en Commission du développement durable, la PPL sera examinée en séance à partir du 26 mai. La FNSEA et les JA, qui dénoncent une « trahison », ainsi que la CR, espèrent que les parlementaires réintroduiront l’article lors de la discussion en plénière. Mais d’autres désillusions ne sont pas à exclure.