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Proposition de loi anti-entraves : l’essentiel du texte adopté par le Sénat
Le Sénat a adopté le 27 janvier une proposition de loi destinée à mettre fin aux « surtranspositions et surrèglementations » franco-françaises, ayant pour dénominateur commun la limitation des capacités productives de la ferme France. Le texte sera examiné à l’Assemblée nationale dans le cadre d’une « semaine gouvernementale ».
A quelques semaines de l’ouverture du Salon de l’agriculture, l’agenda agricole du Parlement se garnit notablement avec l’examen au Sénat, à partir du 4 février, du Projet de loi d’orientation pour la souveraineté agricole et le renouvellement des générations en agriculture, abandonné en rase campagne après la dissolution de l’Assemblée nationale. En attendant, le Sénat a adopté le 27 février à une large majorité une proposition de loi (PPL) défendue par Laurent Duplomb (LR) et Franck Menonville (Union centriste) et visant à « lever les contraintes à l’exercice du métier d’agriculteur », censée apporter des « remèdes urgents » et des « réponses concrètes dans les cours de ferme » et mettre fin aux « surtranspositions et surrèglementations » franco-françaises. L’essentiel des articles portent sur les moyens de production, à commencer par les produits phytosanitaires, aux côtés de l’accès à l’eau et de la législation entourant la construction et l’extension des bâtiments d’élevage.
Le retour du conseil phyto par les distributeurs
La proposition de loi enterre la séparation de la vente et du conseil des produits phytosanitaires. Inscrite dans la loi Egalim 1 d’octobre 2018 et entrée en vigueur le 1er janvier 2021, la loi a intronisé la séparation capitalistique des entreprises assurant la vente et le conseil, pour « garantir l’indépendance et la qualité du conseil délivré aux agriculteurs » et « prévenir tout risque de conflit d'intérêts » lié à la coexistence de ces deux fonctions au sein de la même entité, avec en filigrane la réduction d’usage inscrite dans le Plan Ecophyto. « Sur le terrain, rien n’a vraiment changé́ dans les faits, les technico-commerciaux des entreprises de vente / négoce continuent à prodiguer du conseil correspondant dans les faits au conseil spécifique », relevait le CGAAER dans un rapport publié en mai 2024. La séparation vente-conseil a notamment débouché sur la création du Conseil stratégique phytosanitaire (CSP), qui s’est avéré être un fiasco. Les fabricants de pesticides restent interdits de dispenser des conseils aux agriculteurs. Le « conseil stratégique global » devient facultatif.
AMM : un Comité pour prioriser les usages orphelins et les projets de recherche
Face à l’amenuisement des Autorisations de mise sur le marché (AMM), à l’insuffisance voire à l’absence de solutions alternatives et au défaut d’harmonisation entre les différentes agences nationales, un « Conseil d’orientation pour la protection des cultures », héritier du Comité des solutions, est créé avec pour mission de suivre la disponibilité des méthodes et moyens de protection des cultures, chimiques et non chimiques, de donner un avis sur les priorités attendues par les filières sur leurs usages et de suivre le calendrier d’instruction des autorisations de mise sur le marché par l’Anses sur les usages prioritaires, lesquels seront définis par arrêté. « Il ne s’agit en aucune manière de remettre en cause l’indépendance de l’évaluation scientifique de l’Anses mais d’améliorer la connaissance sur les délais et les perspectives potentielles sur la disponibilité des moyens de protection de cultures en France, particulièrement concernant les usages orphelins, ou mal pourvus qui sont critiques pour la survie de nombre de filières ». Le texte introduit par ailleurs une phase contradictoire dans la procédure d’AMM permettant au demandeur de faire valoir ses arguments avant toute décision de rejet.
La pulvérisation par drone, dérogatoire et sous conditions
Le texte adopté par le Sénat affirme le principe général d’une interdiction de la pulvérisation de produits phytos par voie aérienne, en vigueur depuis décembre 2015, hors situations exceptionnelles, comme ce fut le cas en 2020 pour combattre le mildiou dans l’Aude et dans l’Hérault, avec des applications de bouillie bordelaise par hélicoptère. Mais il entrouvre une fenêtre dérogatoire réservée aux drones, « pour lutter contre un danger sanitaire grave qui ne peut être maîtrisé par d’autres moyens » et lorsque « l’application par drone présente des avantages manifestes pour la santé humaine et pour l’environnement par rapport aux applications par voie terrestre ». La pulvérisation sera autorisée sur les bananeraies et sur les vignes mères de porte-greffes ainsi que sur tout type de culture présente sur des parcelles comportant une pente supérieure ou égale à 30 %. Enfin, les produits applicables seront ceux relevant du biocontrôle, de l’agriculture biologique ou à faible risque.
L’acétamipride sur le retour
La proposition de loi ouvre la possibilité d’autoriser par décret, à titre exceptionnel, et pour une durée limitée dans le temps, l’usage de l’acétamipride, un insecticide foliaire de la famille des néonicotinoïdes, au motif que la substance est autorisée dans l’Union européenne (jusqu’en 2033), que les alternatives sont inexistantes ou manifestement insuffisantes et qu’il existe un plan de recherche sur les alternatives, en l’occurrence le Parsada, le Plan d’action stratégique pour l’anticipation du potentiel retrait de substances actives au niveau européen et le développement de techniques alternatives pour la protection des cultures, inspiré du Plan national de recherche et d’innovation (PNRI) consécutif au retrait des néonicotinoïdes en traitement de semences de betteraves. Outre la noisette et la betterave sucrière avec une cible puceron/jaunisse, de nombreuses autres productions légumières (pomme de terre, carotte, radis, navet, oignon, échalote, maïs doux, endive, lentille, poireau…) et fruitières (pomme, poire…) pourraient tirer profit d’une réintroduction.
Un cadre réglementaire pour la Technique de l’insecte stérile (TIS)
Le texte adopté introduit dans le droit national la possibilité de recourir, à la suite d’une évaluation scientifique, au lâcher inondatif de mâles stériles de nuisibles produits en conditions de laboratoire, afin de réguler la population des mêmes nuisibles ciblés dans les vergers. L’efficacité de cette technique ayant déjà été démontrée depuis plusieurs décennies dans le monde entier, le recours à la lutte autocide est considéré par la filière arboricole française comme une solution à explorer, en particulier au regard du manque de solutions opérationnelles pour lutter contre les mouches des fruits. L’objectif est de sécuriser le recours à la technique de l’insecte stérile (TIS) et de répondre par avance aux interrogations sociétales relatives à la dissémination de ces macro-organismes.
Un régime adapté et simplifié pour « les zones humides fortement modifiées »
Alors que le texte initial prévoyait de réviser la définition des zones humides, afin de réduire « l’insécurité juridique des agriculteurs », le gouvernement a proposé la création de créer un nouveau statut de zone humides, dénommé « zone humide fortement modifiée » concernant les milieux qui ne sont plus en mesure de remplir leurs fonctionnalités écosystémiques (hydrologique, biogéochimique et biologique). Dans les zones humides en question, tout projet d'installations, ouvrages, travaux et activités (Iota) ne serait pas contraint par la rubrique zone humide de la nomenclature Iota, ce qui dispenserait les porteurs de projets « des études de caractérisation de la zone humide et des impacts et de l'application pour cette rubrique, de la séquence éviter-réduire-compenser ».
Le stockage de l’eau d’intérêt général majeur
Les ouvrages de stockage d’eau et les prélèvements sur les eaux superficielles ou souterraines associés qui poursuivent à titre principal une finalité agricole sont présumés d’intérêt général majeur dans les zones affectées d’un déficit quantitatif pérenne compromettant le potentiel de production agricole lorsqu’ils sont issus d’une démarche territoriale concertée sur la répartition de la ressource en eau entre l’ensemble des usagers, qu’ils s’accompagnent d’un engagement dans des pratiques sobres en eau et qu’ils concourent à un accès à l’eau pour ces usagers. L’accès à la ressource aux fins d’abreuvement des animaux est par ailleurs préservé.
Elevage : l’autorisation environnementale assouplie
Le texte adopté par les sénateurs assouplit l'autorisation environnementale pour la construction ou l'extension de bâtiments destinés à l'élevage : les réunions publiques, prévues à l’ouverture et à la clôture de la demande d’autorisation environnementale pour tenir le voisinage informé du projet, deviendraient facultatives.
Un plan pluriannuel de renforcement de l’assurance prairie
Le plan porte sur l’information des éleveurs en cours de campagne, le perfectionnement et l’accroissement de la performance de l’approche indicielle, la meilleure intégration de l’ensemble des aléas climatiques dans l’assurance récolte des prairies et la simplification et l’accélération de la procédure de recours pour les éleveurs. S’agissant des évaluations des pertes de récoltes ou de cultures fondées sur des indices, le plan étudie la possibilité pour les instances départementales, placées sous l’autorité du représentant de l’État dans le département, de se réunir postérieurement à chaque fin de campagne de production sur demande des organisations syndicales d’exploitants agricoles représentatives. Ces instances départementales pourraient être chargées de présenter et expliquer les résultats des indices utilisés, d’échanger sur les éventuels points de contestation et de les analyser. Le représentant de l’État dans le département transmettrait une synthèse des travaux de l’instance au comité national des indices.