Foncier et cessions de parts sociales : le portail de télédéclaration administrative est actif

La loi « Sempastous » du 23 décembre 2021 impose la télédéclaration des cessions de parts sociales et de toute opération engendrant une modification du contrôle des sociétés possédant ou exploitant du foncier agricole, deux mois avant la date envisagée pour la cession ou l'opération.

A l’occasion du Salon de l’agriculture, la Fédération nationale des Safer (FNSafer) a annoncé l’ouverture du portail des opérations sociétaires, conformément à la loi du 23 décembre 2021 portant mesures d’urgence pour assurer la régulation de l’accès au foncier agricole au travers de structures sociétaires. La loi dite « Sempastous » soumet les projets de vente de parts de sociétés agricoles à une autorisation administrative préalable.

Avant la promulgation de la loi, les Safer ne pouvaient agir sur le marché sociétaire que de façon très limitée puisque leur droit de préemption ne pouvait s’exercer qu’en cas de cession à titre onéreux de la totalité des parts ou actions d’une société ayant pour objet principal l’exploitation ou la propriété agricole. Ce cadre juridique laissait la possibilité de contourner le contrôle des structures en cas de cession partielle, tout en entretenant l’opacité sur un marché grandissant, celui des parts sociales, qui a représenté 42% des transactions en surface en 2021 selon la FNSafer. A titre indicatif, cette même année 2021, les cessions totales de parts ne concernaient que 3% du cumul des parts cédées.

A noter cependant l’instauration par la loi Sempastous d’un droit de préemption au-delà d’un seuil de 40% de vente de parts (hors cessions entre époux, partenaires pacsés et les cessions intrafamiliales jusqu’au quatrième degré et exploitants associés de longue date).

Les opérations concernées

La télédéclaration et l’autorisation administrative préalable concernent toute cession entre vifs conclue à titre onéreux ou gratuit portant sur des actions ou parts de sociétés détenant en propriété ou en jouissance des biens immobiliers à usage ou à vocation agricole ou détenant des droits sur de telles sociétés, ainsi que toute opération emportant modification de la répartition du capital social ou des droits de vote et aboutissant à transférer le contrôle d'une des sociétés précitées.

La formalité déclarative peut être remplie par un des cédants, un des cessionnaires ou bénéficiaires ou bien par le représentant légal de la société faisant l'objet de l'opération ou encore par tout délégataire dûment mandaté ou, enfin, par le notaire chargé d'instrumenter la cession ou l'opération.

La télédéclaration doit être effectuée deux mois avant la date envisagée pour la cession ou l'opération. Les Safer sont chargées de l’instruction des demandes d’autorisation des opérations sociétaires, au nom et pour le compte de l’Etat et sous son contrôle. La décision finale appartient aux préfets de département.

Les trois objectifs de la télédéclaration

La déclaration permet d’abord, le cas échéant, de purger le droit de préemption de la Safer en cas d'aliénation à titre onéreux de la totalité des parts ou actions d'une société ayant pour objet principal l'exploitation ou la propriété agricole. Elle a pour effet de soumettre à autorisation administrative l'opération concernée lorsqu'elle doit aboutir à dépasser un seuil d'agrandissement significatif déterminé par région et conduire à une prise de contrôle d'une société possédant ou exploitant des biens immobiliers à usage ou à vocation agricole. En effet, depuis le 1er mars 2023, toute opération conduisant à une prise de contrôle et au dépassement d’un seuil de superficie fixé par le préfet doit faire l’objet d’une demande d’autorisation. Enfin, pour toute opération qui n'entre pas dans le champ des modalités de contrôle précitées ou qui en est exemptée, la procédure permet d'assurer la transparence du marché foncier, une des vocations historiques des Safer.

Terre de liens sur sa faim

Dans un rapport publié récemment et consacré à la propriété des terres agricoles, le mouvement Terre de liens a fait part de ses doutes quant à l’efficacité de la loi Sempastous, dénonçant pêle-mêle les exemptions (opérations réalisées par les Safer, cessions entre associés, cessions intrafamiliales), le niveau de seuil de déclenchement du contrôle pour agrandissement significatif (plus de 1,5 à 3 fois la surface moyenne des fermes), les mesures compensatoires en trompe-l’œil en cas de refus du préfet, l’impossibilité pour les Safer de vérifier la situation des demandeurs au regard du Registre parcellaire graphique et du fichier des sociétés. L'impact de la loi fera l'objet d'un rapport parlementaire avant la fin 2024.