La loi foncière Sempastous entre véritablement en application

Un décret précise notamment les conditions dans lesquelles le préfet de région arrête le seuil d'agrandissement significatif à partir duquel les mouvements de parts sociales conduisent à une prise de contrôle soumise à autorisation préalable. La loi Sempastous est destinée à lutter contre la concentration des terres et à faire toute la transparence sur les cessions de parts sociales, au service de l’installation sinon de la consolidation des exploitations.

Adoptée le 23 décembre 2021, la loi dite « Sempastous », du nom de son rapporteur à l’Assemblée nationale, était entrée partiellement en vigueur le 1er juillet dernier, avec la publication des conditions d’application du contrôle administratif du marché sociétaire. Mais un autre décret, relatif à la mise en œuvre du seuil d'agrandissement significatif, manquait à l’appel, ce à quoi le gouvernement vient de remédier. Publié au Journal officiel le 2 décembre, le décret précise les conditions dans lesquelles le préfet de région (ou de Corse) arrête le seuil d'agrandissement significatif à partir duquel les mouvements de parts sociales des sociétés possédant ou exploitant des biens immobiliers à usage ou à vocation agricole conduisent à une prise de contrôle soumise à autorisation préalable.

1,5 à 3 fois la SAURM

Celle-ci est requise dès lors que l’opération foncière dépasse un seuil, fixé par région naturelle ou par territoire, compris entre 1,5 et 3 fois la Surface agricole utile régionale moyenne (SAURM), laquelle est définie par le Schéma directeur régional des exploitations agricoles (SDREA). Le décret précise que le seuil est défini après avis de la chambre régionale d'agriculture ou de la chambre d'agriculture de région. Il sera révisé tous les cinq ans. Les Safer ont la charge de transmettre au préfet les demandes d’autorisation dans un délai de dix jours après leur réception. Elles disposent de deux mois pour instruire les dossiers et transmettre leur avis au préfet.

Deux garde-fous à l’agrandissement excessif

Pour mémoire, la loi n° 2021-1756 du 23 décembre 2021, portant mesures d’urgence pour assurer la régulation de l’accès au foncier agricole au travers de structures sociétaires, rend obligatoire la notification aux Safer des cessions de parts et autres opérations modifiant la structure du capital social des sociétés agricoles possédant ou exploitant des biens immobiliers à usage ou à vocation agricole, sous peine de nullité de la vente. La loi acte ainsi une extension de régulation du foncier au marché des parts sociales, à triple visée : transparence du marché, contrôle du risque de concentration, primauté à l’installation sinon à la consolidation des exploitations.

Outre l’assujettissement du seuil d’agrandissement à une autorisation préalable, la loi permet aux Safer de faire jouer leur droit de préemption dès lors qu’une vente est supérieure à 40% des parts de la société alors qu’elles ne pouvaient intervenir auparavant que dans les cas où les cessions à titre onéreux concernaient la totalité des titres d’une société et si la cession compromettait une installation. La loi a exempté de ce contrôle les cessions entre époux, partenaires pacsés et les cessions intrafamiliales jusqu’au quatrième degré (cousins germains), dès lors que ces membres de famille s’engagent à poursuivre l’exploitation. Ont aussi été exemptées les transactions entre exploitants associés de longue date.

Les chiffres du marché

En 2021, selon la FNSafer, le nombre de transactions sur le marché des parts sociales s’est établi à 7.270 contre 103.500 pour le marché foncier classique. Mais les surfaces concernées s’élèvent à 644.500 ha pour le premier marché contre 467.800 ha pour le second, soit 58%. Les cessions totales de parts ne concernaient que 3% du cumul des parts cédées en 2021. Toujours en 2021, sur le marché des parts sociales 42% des transactions, correspondant à des cessions en faveur d’un tiers, seraient tombées sous le coup de la loi Sempastous si elle avait existé, 47% des transactions s’opérant en intra-familial et 11% entre associés.

Le 1er janvier prochain, les Safer auront la charge de mettre en place un portail de télédéclaration recensant les informations déclaratives et les demandes d’autorisation sur les opérations sociétaires, que celles-ci interviennent avec ou sans le concours d’un notaire.