- Accueil
- Influenza aviaire : y aura-t-il de la volaille française pour Noël ?
Vendredi 14/11/2025
Influenza aviaire : y aura-t-il de la volaille française pour Noël ?
Les producteurs ont déjà engagé des mois de travail : les animaux sont prêts, les plannings d’abattage verrouillés, les équipes renforcées. Pourtant, l’ombre du virus H5N1 plane sur une filière d’excellence française qui concentre l’essentiel de ses ventes au moment des fêtes.
En moins d’un mois, neuf foyers d’influenza aviaire ont été confirmés dans les élevages de canards. La France a basculé en risque « élevé », entraînant le confinement obligatoire des volailles et mettant un coup d’arrêt brutal aux élevages plein air. La vaccination des palmipèdes, mise en place en 2023, a clairement réduit l’ampleur des abattages préventifs, mais elle ne suffit pas à bloquer la circulation du virus. Les contaminations récentes en Vendée et en Dordogne l’ont rappelé : le H5N1 circule toujours, et cette reprise tombe au plus mauvais moment : à l’approche des fêtes où chaque lot compte.
Des volailles festives sans filet vaccinal
Les volailles festives - chapons, poulardes, pintades chaponnées, mini-chapons, dindes - sont élevées spécifiquement pour les repas de fin d’année. Et la menace sanitaire est bien réelle : contrairement aux canards, ces espèces ne sont pas intégrées dans les campagnes de vaccination contre l’influenza aviaire. Leur protection repose uniquement sur des mesures de biosécurité et des sorties limitées en plein air, suspendues dès que le risque s’élève. L’enjeu est immense. Un foyer détecté pourrait réduire à néant un an de préparation. Reçues au printemps, nourries et surveillées pendant plusieurs mois, souvent élevées en plein air, ces volailles sont abattues en décembre pour rejoindre les tables de Noël. Un cycle long sans possibilité de rattrapage.
Une organisation millimétrée
Ce travail titanesque s’illustre particulièrement dans le Sud-Ouest, terre avicole d’excellence. Bernard Tauzia élève près de 20 000 volailles festives, dont 8 000 pintades chaponnées. À Saint‑Sever, les Fermiers du Sud‑Ouest planifient dès janvier les volumes de fin d’année et doublent leur activité en décembre grâce à plus de 200 salariés supplémentaires. La Maison Garbay, spécialiste de la plumaison à sec, prépare 22 000 volailles calibrées pour répondre à toutes les demandes. Quant à Yannick Besnard, il met en place 40 000 volailles fermières Label Rouge, avec des dindes arrivées fin avril et des chapons reçus en juin.
Au-delà du Sud-Ouest, d’autres bassins portent la filière festive : en Bresse, les chapons AOP environ 150 000 unités chaque année, sont élevés huit à neuf mois avec une finition au lait puis sont emmailloté dans leur traditionnelle toile de lin. En Vendée, les élevages de dindes festives sont programmés dès le printemps pour répondre à la demande de décembre.
Voir aussi : Bernard Tauzia perpétue une méthode de production singulière où les poulets gambadent en totale liberté dans la forêt des Landes
Un marché d’excellence qui ne souffre aucun retard
Toutes les ventes se jouent en quelques jours. Si la filière est frappée entre novembre et décembre, c’est un an de travail qui s’effondre. Contrairement aux productions régulières, les volailles festives n’ont pas de débouché alternatif : si Noël est manqué, l’année est perdue. A ce stade, le risque direct de rupture d’approvisionnement est conséquent. Pour donner de l’échelle, les ventes de volailles festives en 2023 ont représenté environ 8 millions d’unités, soit une hausse de 2,2 % par rapport à 2022. Cette concentration sur la période de fin d’année rend le marché très sensible : tout retard ou foyer de contamination peut désorganiser un cycle entier. Cette vulnérabilité économique s’ajoute à un contexte déjà marqué par les importations. En 2023, un poulet sur deux consommé en France était importé, principalement de Pologne ou du Brésil. La volaille festive reste encore majoritairement française — chapons de Bresse, pintades des Landes, dindes de Vendée — mais en cas de tension sur les volumes, la tentation d’importer existe. Avec la reprise active de la circulation du virus, les acteurs des filières avicoles marchent sur des œufs.
Voir aussi : pendant que le Mercosur monopolise l’attention, l’accord Thaïlande–UE menace la volaille française
La dernière ligne droite
Les trois prochaines semaines seront décisives pour le secteur. Pour l’heure, tout indique que la volaille française - produit d’excellence et d’un savoir-faire unique - sera bien au rendez- vous pour les fêtes. Alors, avec ou sans marron la dinde ?