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Pendant que le Mercosur monopolise l’attention, l’accord Thaïlande–UE menace la volaille française
Pendant que l’accord du Mercosur entre dans sa phase finale, un autre traité de libre-échange pourrait être signé d’ici la fin de l’année : celui entre l’Union européenne et la Thaïlande. Plus discret, moins commenté, il pourrait avoir des conséquences tout aussi lourdes sur notre agriculture
Contrairement au Mercosur, l’accord de libre-échange avec la Thaïlande se négocie sans bruit. Aucune communication officielle du gouvernement, aucun débat parlementaire. Menées par la Commission européenne, les discussions se sont déroulées en toute discrétion. Elles avaient commencé en 2013, suspendues par le coup d’État de 2014, avant de reprendre il y a deux ans. Faute de médiatisation, la mobilisation des agriculteurs français n’a pas émergé. Et pourtant, la baisse des droits de douane en faveur de la Thaïlande pourrait bien mettre au pilori la filière de la volaille française - sans parler du riz et du thon. Les répercussions seront tout aussi importantes que celles du Mercosur : dépendance accrue aux produits étrangers, distorsion des prix, concurrence déloyale, flou sur les normes sanitaires, etc…
Le poulet thaïlandais joue à domicile
Mais pourquoi l’Union européenne pousserait-elle un tel accord alors que la filière avicole française est déjà prise en étau entre les importations brésiliennes, ukrainiennes et asiatiques ? La décision est avant tout géopolitique. Pour Bruxelles, il s’agit de multiplier les accords bilatéraux pour sécuriser ses chaînes d’approvisionnement et ne plus dépendre des humeurs des Etats-Unis ni de la méfiance de la Chine.
De son côté, la Thaïlande, elle, n’a pas attendu cet accord pour s’installer sur le marché européen. Elle est déjà l’un des principaux exportateurs de volaille vers l’UE, avec une spécialisation sur les produits transformés - nuggets, émincés, préparations industrielles - qui arrivent en masse et à bas coût dans nos assiettes. L’accord lui offrirait de pérenniser et d’élargir son accès au marché européen, de sécuriser ses exportations et de consolider sa position face aux géants brésiliens et ukrainiens.
L’origine se perd en route
Pendant que Bruxelles négocie, la France continue d’accroître ses importations de volaille, en particulier sur les produits transformés. Selon l’interprofession de la volaille de chair, Anvol : “les premiers chiffres 2025 confirment la prédominance des filets dans les importations (+8,4 % sur 6 mois) et la poussée des préparations (+14,1 % sur 6 mois), (...), ces deux types de produits sont très utilisés par les professionnels de la restauration hors domicile (RHD)”.
Les volumes augmentent, mais la traçabilité reste en retrait. Depuis février 2025, l’origine de la volaille doit être indiquée en restauration. Mais cette obligation ne concerne pas les viandes déjà préparées ou transformées. Autrement dit, les plats industriels échappent à l’étiquetage. Des nuggets au poulet thaïlandais, ça vous tenterait ? De toute façon, vous ne le saurez pas.
Le standard à la peine
La filière avicole française, déjà sous pression, peine à répondre à la demande. Depuis 2019, la consommation de volailles a progressé de +15 % (source ITAVI). Résultat : les importations de poulets standard se multiplient. Un poulet sur deux consommé en France vient de l’étranger. Selon FranceAgriMer, les importations européennes de viande de volaille en provenance de pays tiers ont augmenté de 11 % au premier semestre 2025, avec en tête le Brésil (38 %) et la Thaïlande (19 %). A l’échelle nationale, les poulets thaïlandais représentent 40 000 tonnes.
La remontada française
Face à la montée des importations, la filière tente d’inverser la tendance. En 2025, la production nationale a progressé de +2,4 % sur six mois. Mais les volumes venus de l’étranger restent majoritaires, portés par une consommation toujours plus orientée vers les produits standards et bon marché.
Pour répondre à cette demande, la filière prévoit la construction de 400 poulaillers d’ici cinq ans, soit 80 nouveaux sites par an. Mais sur le terrain, l’acceptabilité reste fragile. Les Français veulent manger local, mais rechignent à voir un poulailler s’installer, même à plusieurs kilomètres de chez eux. Se sont-ils déjà rendus dans un élevage de poulets standards, abattus à 35 jours ? On veut de la volaille française, mais pas de poulailler près de chez soi, même quand il ne fait ni bruit, ni odeur. Cherchez l’erreur.
Poulailler ou non, le logo “volaille française” reste un précieux outil pour identifier une viande née, élevée et abattue en France. Un repère clair pour les consommateurs. Sur le haut de gamme, la volaille française est reconnue partout dans le monde pour sa finesse, son goût et l’empreinte de son terroir : poulet jaune des Landes, pintade fermière, chapon de Bourgogne, canard du Sud-Ouest, dinde noire de Normandie, volaille de Bresse…
voir aussi : la forêt des Landes, royaume du poulet fermier en liberté
Le poulet standard français, lui aussi, répond à des exigences : bien nourri, sans hormones de croissance, élevé et abattu dans les règles, avec le respect du bien-être animal et des acteurs de la filière. Une qualité encadrée, une traçabilité assurée, une filière structurée. Et ça, ni Mercosur ni traité avec la Thaïlande ne pourront l’égaler.