Foncier : la Conf’ met la pression

Le syndicat use de la désobéissance civile pour dénoncer les phénomènes d’accaparement des terres, alors que les consultations autour du projet de Loi d’orientation et d’avenir agricole doivent démarrer cet automne.

En janvier dernier, dans le Jura, la Confédération paysanne, alliée au mouvement Les soulèvements de la Terre, investissait une parcelle de 2 hectares de vigne, laissée à l’abandon par son propriétaire non agricole et privant « le retour de jeunes vignerons en devenir qui voudraient s'installer et y faire leur activité ». Le 28 août dernier, la brume jurassienne en moins, le soleil varois en plus, les deux organisations troquaient les tenailles pour des sécateurs et menait « une action de vendange militante », dans une parcelle du prestigieux Château d’Esclans, propriété du groupe LVMH.

Selon la Conf’, la prise du contrôle du domaine, puis son agrandissement, se sont opérés respectivement par le rachat de parts sociales et d’un groupement foncier rural, avec l’intervention de la Safer par substitution. « Cette procédure dans laquelle la Safer sert d’intermédiaire entre le vendeur et l’acquéreur lui permet de prélever une commission importante. Son montant est plus ou moins équivalent à celui des droits de mutation dont l’acquéreur est exonéré et qui auraient dû revenir aux collectivités », dénonce le syndicat dans un communiqué. « La dynamique d'accaparement en cours dans le Var a des conséquences spéculatives sur le prix du foncier et sur la vie du territoire ».

Les garde-fous de la loi Sempastous...

Pour la Conf’, les outils de régulation foncière encadrant le droit de propriété et la liberté d’entreprendre (statut du fermage protecteur pour le locataire, régulation de la propriété par l’action des Safer, contrôle de la taille des fermes à travers la politique des structures qui soumet à autorisation certaines opérations) sont en partie inopérants.

Promulguée en dernier 2021, la loi « Sempastous » en a corrigé certaines faiblesses en introduisant deux garde-fous. Les Safer peuvent désormais faire jouer leur droit de préemption dès lors qu’une vente est supérieure à 40% des parts de la société. La loi a exempté de ce contrôle les cessions entre époux, partenaires pacsés et les cessions intrafamiliales jusqu’au quatrième degré (cousins germains), dès lors que ces membres de famille s’engagent à poursuivre l’exploitation. Ont aussi été exemptées les transactions entre exploitants associés de longue date. Le second garde-fou réside dans la possibilité d’exercer le droit de préemption lorsque la surface totale détenue après l’acquisition de la société dépasse un seuil « d’agrandissement significatif », fixé en hectares par le préfet de région, et compris entre 1,5 fois et 3 fois la surface agricole utile moyenne régionale.

... jugés insuffisants par la Conf’

Pour la Conf’, le compte n’y est pas. En 2021, selon la FNSafer, le nombre de transactions sur le marché des parts sociales s’est établi à 7 270 contre 103 500 pour le marché foncier classique. Mais les surfaces concernées s’élèvent à 644 500 ha pour le premier marché contre 467 800 ha pour le second. En outre, les cessions totales de parts ne concernent que 3% du cumul des parts cédées en 2021 et 42% des transactions, correspondant à des cessions en faveur d’un tiers, seraient tombées sous le coup de la loi « Sempastous », 47% des transactions s’opérant en intra-familial et 11% entre associés.

La terre étant « un bien commun », la Confédération paysanne demande que lui soit conféré « un statut juridique supérieur ». La future loi d’orientation et d’avenir, promise par le président-candidat à sa réélection, confirmée par la Première Ministre Élisabeth Borne le 6 juillet dernier dans sa déclaration de politique générale à l’Assemble nationale, répondra-t-elle aux vœux de la Conf’ ? Début de réponse dans quelques mois.