« Le mois d'avril n'a pas été aussi catastrophique qu'on le croit ». La chronique de Nicolas Le Friant, expert météo

Les épisodes de grêle répétés, les gelées soudaines, les chutes de températures brusques et les pluies diluviennes ont marqué le mois d'avril, suscitant de vives discussions sur la météo. Cependant, malgré ces phénomènes parfois spectaculaires, le bilan global reste dans la normale. En revanche, le temps a été marqué par une humidité soutenue tout au long du mois.

Ce mois d’avril 2024 est dans la continuité des mois précédents, à savoir la persistance de l’humidité mais aussi et surtout, il est le 27ème mois consécutif avec des températures moyennes situées au-dessus des normales climatiques (référence 1991-2020). En effet, nous terminons ce mois avec un excédent de 0,7 degré, malgré une deuxième quinzaine très fraîche, pour ne pas dire froide (aucun record de froid n'a cependant été battu).

Des hausses de températures jamais vues 

Nous avons vécu une première quinzaine avec des températures élevées pour la saison. Au 15 avril, nous relevions un excédent thermique de l’ordre de 3,62 degrés ! Deux pics de chaleur ont été observés lors des week-ends des 5/6 et 13/14 avril. Il n’avait jamais fait aussi chaud aussi tôt dans la saison et des centaines de records mensuels de températures ont été battus. La situation météorologique (cf. carte ci-dessous), expliquant ces températures élevées, réside dans le fait que nous avions une zone de hautes pressions vissée entre l’Afrique du Nord et le sud de l’Europe favorisant ainsi l’orientation des vents au secteur sud à sud-ouest sur tout l’ouest du continent européen.

©Wetterzentrale

La dégringolade 

A contrario, la deuxième quinzaine fut radicalement différente avec une chute des températures. Cette période de vive fraîcheur (coup de froid) a perduré du 16 au 29 avril. De telles périodes avec des températures situées nettement en-dessous des normales (déficit allant jusqu’à 5/6 degrés) devient de plus en plus rare dans le contexte de réchauffement climatique actuel. Du 16 au 30 avril 2024, nous avons connu un déficit de 2,32 degrés par rapport aux normales climatiques.

©Wetterzentrale

La configuration météorologique (cf. carte ci-dessus) s’est totalement inversée avec des hautes pressions s’étendant du Groenland aux Açores et un axe dépressionnaire de la Scandinavie jusqu’à l’ouest du bassin méditerranéen. Ce furent donc des courants de secteur nord qui se sont imposés dans lesquels des masses d’air frais/froid ont circulé. En conséquence, nous avons observé quelques nuits et matinées avec des gelées.

En résumé ce mois d’avril fut globalement bien prévu par nos prévisions météorologiques réalisées au tout début du mois d’avril :

Tout est une question de ressenti 

Avril 2023 fut dans les normales au niveau températures, avec des alternances plutôt équitables entre périodes chaudes et froides. Résultat, ce mois d’avril 2024 fut un peu plus chaud (excédent de 0,7°C) mais il fut également plus humide (déficit de 5% à l’échelle du pays), principalement sur le nord et le Centre-Est de la France et c’est ce facteur qui explique le ressenti plutôt maussade que nous en avons. En outre, ce mois d’avril s’inscrit dans la continuité des mois précédents à savoir l’importante récurrence aux précipitations. Le constat est frappant car si nous comparons la période allant d’octobre 2022 à avril 2023 à celle d’octobre 2023 à avril 2024, nous passons d’un déficit pluviométrique de 13%, pour la 1ère , à un excédent de l’ordre de 28%, pour la 2nde !

A noter que ce mois d’avril 2024 est le 7ème mois consécutif avec des cumuls pluviométriques supérieurs à 60 mm à Paris. Une telle série n’est jamais arrivée depuis plus de 150 ans. Nous avions observé 6 mois avec 60 mm au minimum de janvier à juin 1978 ainsi que de juin à novembre 1960. De plus, si nous prenons également l’ensoleillement déficitaire sur de nombreuses régions, alors le ressenti est évidemment maussade !

Nicolas Le Friant, expert météo 

©Nicolas le Friant

"Passionné de Météorologie depuis mon enfance, j’ai appris le métier auprès d’un Météorologue professionnel chez Météo- France. Je travaille depuis 25 ans au sein d’entreprises privées de météorologie avec, comme spécialités, les médias, les formations et la pédagogie. Je suis également titulaire d'un Master en Climatologie (2010), dont le mémoire de fin d’étude est axé sur le changement climatique en cours et ses conséquences sur la hausse du niveau marin."