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Le pastoralisme, entre résistance, résilience et espérance

[SOMMET 2025] A quelques mois de l’ouverture de l’Année internationale des parcours et du pastoralisme, l’élevage extensif défend ses aménités environnementales alors que 2026 sera aussi celle de l’entrée dans le dur des négociations de la future Pac. Où ce mode de production joue gros.

En mars 2022, l’Assemblée générale des Nations Unies proclamait 2026 « Année internationale du pastoralisme et des pâturages », une résolution proposée et défendue par la Mongolie, et soutenue par 60 Etats membres, dont la France. 2026, c’est aussi l’année qui dessinera un peu plus précisément les contours de la Pac 2028-2034. « J’ose espérer que les arbitrages seront profitables à l’élevage, un déterminant très important pour maintenir le pastoralisme, les prairies, la biodiversité, le stockage de carbone tout en produisant de la protéine », devise Richard Randanne, élu référent au Service interdépartemental pour l'animation du Massif central (Sidam).

"L’objectif est de faire du Sommet de l’élevage 2026 l’évènement français de l’année internationale du pastoralisme"

Au « Mondial de l’élevage durable », à Cournon, l’éleveur d’ovins viande installé dans ce même département du Puy-de-Dôme campe dans le stand consacré aux « Rencontres Pasto », que le Sommet de l’élevage a inauguré lors de l’édition 2024.

Laurent Bouscarat, directeur d’Auvergne Estives : « le Sommet de l’élevage 2026 a vocation à incarner l’évènement français de l’année internationale du pastoralisme »
Laurent Bouscarat, directeur d’Auvergne Estives : « le Sommet de l’élevage 2026 a vocation à incarner l’évènement français de l’année internationale du pastoralisme »

Le rendez-vous monte encore en puissance cette année, avec l’organisation d’une douzaine de conférences et l’accueil de délégations européennes. « L’objectif est de faire du Sommet de l’élevage 2026 l’évènement français de l’année internationale du pastoralisme, en s’ouvrant aux cinq continents », affirme Laurent Bouscarat, directeur d’Auvergne Estives, la structure fédérant le pastoralisme sur les quatre départements auvergnats.

Plus résilient et plus résistant

Le pastoralisme, qui représente « l’ensemble des activités d’élevage valorisant par un pâturage extensif les ressources fourragères spontanées des espaces naturels et visant à assurer tout ou partie de l’alimentation des animaux »,  concerne en France 35.000 élevages (soit 18% de l’ensemble) et 22% du cheptel sur des surfaces estimées à plus de 2,2 millions d’hectares. Il est pratiqué sur environ un tiers des départements, dans les massifs montagneux et dans les causses mais également en plaine ou encore dans les marais. Préservation de la biodiversité, stockage de carbone, prévention des incendies, faire-valoir des loisirs en pleine nature …, « le pastoralisme coche toutes les cases et correspond aux attentes de nos concitoyens, avec une agriculture plutôt extensive, le faible recours aux intrants, la fourniture de produits laitiers et de viande de qualité », argumente Laurent Bouscarat. La force des milieux pastoraux, c’est d’offrir davantage de résilience au changement climatique, sous l’effet de l’altitude, de la diversité floristique ou encore du pâturage en sous-bois »

"Le pastoralisme, c’est aussi beaucoup de troupeaux et de groupes qui sont gérés en collectif, et qui font la force de ces territoire"

Plus résilient, le pastoralisme présente aussi des gages de résistance au plan vue démographique, avec un renouvellement des générations qui s’en sort peut-être un peu mieux que l’élevage dans son ensemble. « Le pastoralisme, c’est aussi beaucoup de troupeaux et de groupes qui sont gérés en collectif, et qui font la force de ces territoires », appuie Laurent Bouscarat.

Dans la perspective de l’Année internationale du pastoralisme, le Sommet de l’élevage organise depuis l’an passé les « Rencontres Pasto »
Dans la perspective de l’Année internationale du pastoralisme, le Sommet de l’élevage organise depuis l’an passé les « Rencontres Pasto »

A la croisée des chemins

Pour Richard Randanne, le pastoralisme se trouve cependant à la croisée des chemins. « Avec la décapitalisation, les éleveurs trouvent plus facilement des surfaces à proximité du siège d’exploitation en basse altitude et perçoivent moins l’intérêt de mettre des animaux en estive. Mais d’un autre côté, le changement climatique les incite à faire perdurer cette pratique pour faire des stocks de fourrage de compensation ».

La menace de la prédation et la délicate gestion du « multi-usages »

Du côté des menaces, et sans la moindre hésitation, Laurent Bouscarat cite de son côté la prédation, évoquant « l’abandon de territoires » dans les Alpes et « l’évolution forte » dans le Massif Central cette année, tout en saluant le déclassement récent du statut du loup dans l’UE et la possibilité pour les éleveurs, à compter de 2026, de pratiquer des tirs de défense sans autorisation préfectorale préalable en cas d’attaque de leur troupeau. « Les éleveurs ne font pas ce métier pour retrouver des cadavres et des bêtes blessées. Quand on a été prédaté plusieurs fois, c’est un stress et une charge mentale insupportables, c’est invivable ». Sans compter les risques collatéraux liés à la présence des chiens de protection, dont la cohabitation avec les promeneurs qui peut se retourner contre les éleveurs en cas d’incident, alors même que le pastoralisme, par la maintien de l’ouverture des milieux, est le garant des activités de loisirs dans ces territoires.

Pour Richard Randanne, élu référent pastoralisme au Sidam, il faut à la fois « acculturer nos concitoyens au pastoralisme et renforcer son attractivité auprès des éleveurs »
Pour Richard Randanne, élu référent pastoralisme au Sidam, il faut à la fois « acculturer nos concitoyens au pastoralisme et renforcer son attractivité auprès des éleveurs »

« C’est un nouveau défi », juge Laurent Bouscarat, qui estime qu’il appartient aux acteurs des service pastoraux d’amener des outils pour concilier ce fameux « multi-usages », en misant notamment sur la signalétique, la formation des éleveurs et des bergers et sur la pédagogie. Et de citer, à l’initiative du réseau pastoral Auvergne-Rhône-Alpes, la création de l’application « Pasto Késako », une plateforme d'information dédiée au pastoralisme et au partage de l'espace en montagne.

Acculturer les citoyens pour mieux peser sur les politiques publiques

Pour Richard Randanne, il faut à la fois « acculturer nos concitoyens au pastoralisme et renforcer son attractivité auprès des éleveurs ». Selon l’éleveur, le pastoralisme fait l’objet d’une grande méconnaissance de la part du grand public, voire des élus, en étant vite assimilé à « un modèle improductif car extensif ». D’où la présence, à ce titre également, des Rencontres Pasto au Sommet » pour éclairer tout ce monde et le convaincre d’apporter son soutien à ce modèle de production.

"Le pastoralisme génère des services environnementaux très productifs qui ne sont pas pris en compte dans l’ICHN"

Du lobbying qui ne dit pas son nom mais au service de nobles causes. « Le pastoralisme produit de l’alimentaire, insiste l’éleveur, des produits gastronomiques qui font la réputation de notre pays même s’ils n’agissent pas sur des volumes et sur la souveraineté alimentaire dans sa complétude. Le soutien au pastoralisme doit être plus important dans la prochaine Pac et inclure une rémunération liée aux biens et services environnementaux rendus car l’ICHN, comme son nom l’indique, compense seulement des handicaps de compétitivité ». Voilà la feuille de route assignée aux politiques. Quant à nos concitoyens, ils sont invités à faire des actes d’achats « responsables », en se fiant aux signes de qualité officiels, dont « beaucoup sont des héritiers et des marqueurs du pastoralisme » rappelle Richard Randanne . En attendant la création d’un label spécifique « produit issu du pastoralisme » ? C’est en tout cas l’une des propositions d’une mission d’information de l’Assemblée nationale dans un rapport rendu en avril dernier et consacré au pastoralisme.