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Mardi 25/11/2025

Le plan de sortie de crise viticole au milieu du rang

[Sitevi 2025] Les mesures structurelles d’arrachage et de distillation restent suspendues à des décisions politiques, à Bruxelles et à Paris, en espérant, le cas échéant, qu’elles soldent durablement une crise composite, où la question de la marche en avant du prix demeure encore largement impensée.

A la veille de sa visite au Sitevi ce mardi, la ministre de l’Agriculture avait pris soin de désamorcer la colère vigneronne, qui s’était massivement, et quasi-pacifiquement, exprimée le 15 novembre dernier dans les rues de Béziers (Hérault). Et de fait, Annie Genevard, qui a déambulé près de trois heures dans ce salon « magnifique », où elle a croisé des producteurs « très engagés » et vu des « choses formidables » en matière de machinisme, a reçu un accueil des plus bienveillants. Il faut croire que le « plan de sortie de crise viticole », annoncé lundi soir, était en phase avec les attentes. « Je salue les annonces de la ministre, en phase avec la détresse des vignerons », a réagi Jérôme Despey, président de la Chambre d'agriculture de l'Hérault et vice-président de la FNSEA.

Annie Genevard, qui a jugé le Sitevi « magnifique » et les producteurs « très engagés », a vu des « choses formidables » en matière de machinisme
Annie Genevard, qui a jugé le Sitevi « magnifique » et les producteurs « très engagés », a vu des « choses formidables » en matière de machinisme

130 millions d’euros à raison de 4000€/ha…

L’Etat va donc budgéter 130 millions d’euros pour financer un second plan d’arrachage, après celui décrété en octobre 2024, alors crédité de 120 millions d’euros, et qui avait abouti à l’effacement de 27.461 hectares. Ce second plan aura lui aussi un caractère définitif, alors que la profession défendait un plan d’arrachage temporaire, pour se garder la possibilité de replanter en cas de jours meilleurs. Une requête incompatible avec les règles européennes, selon le viticulteur héraultais, qui se console avec l’allongement à 13 ans des autorisations de plantation, dans le cadre du « paquet vin », présenté par la Commission européenne en mars dernier pour redonner des perspectives à une filière confrontée à de multiples défis. C’est du reste ce « paquet vin » qui va conditionner le feu vert de Bruxelles au projet de Paris d’’octroyer 130M€ à l’arrachage, décision qui pourrait tomber début 2026 au plus tôt. « Il faut absolument que le ministère travaille en amont pour être prêt dès que l’UE aura validé la demande et pour que l’arrachage soit effectif avant la prochaine récolte », escompte Jérôme Despey, selon qui la prime d’arrachage de 4000€/ha serait reconduite à l’identique.

… mais en deux temps

Selon une enquête réalisée récemment par FranceAgriMer, qui évaluait à environ 35.000 ha la demande du terrain, 80% correspondraient à des arrachages partiels, signe pour la profession qu’il s’agirait bien « d’une mesure visant à réadapter le potentiel de production des exploitations et non des cessations d’activités ».

Le plan de sortie de crise n’a pas convaincu les représentants de la CR, évoquant un « pansement sur une hémorragie »
Le plan de sortie de crise n’a pas convaincu les représentants de la CR, évoquant un « pansement sur une hémorragie »

Si Bruxelles donne son accord, encore faudra-t-il que le Parlement, à Paris, inscrive la mesure budgétaire à son agenda. « Il faut que la France ait un budget pour que l’on puisse déployer les mesures que j’ai annoncées hier » a précisé Annie Genevard au Sitevi. Selon la ministre, le plan d’arrachage pourrait se déployer en deux temps. « Nous ferons une première évaluation à 70 millions d'euros pour un déploiement ensuite à la hauteur de ce que nous avons dit », a-t-elle déclaré. On commence en 2026 et on verra bien ce que l’on a consommé. Il n’y a absolument aucun doute sur la somme sur laquelle le gouvernement s’est engagé », refroidissant quelque peu les responsables de la FNSEA. De son côté, la Coordination rurale, par la voie du président de le CR34 Laurent Crouzet, on évoque un « pansement sur une hémorragie » à propos du plan de sortie de crise et donne « rendez-vous dans un an », tout en espérant que la situation s’améliore, mais désespérant des annonces en matière d’accès à l’eau et aux produits phytos.

La ministre a fait une halte sur le stand de deux filières de diversification que sont la grenade et la pistache
La ministre a fait une halte sur le stand de deux filières de diversification que sont la grenade et la pistache

80 millions d’euros en distillation de crise ?

L’autre mesure structurelle concerne la distillation de crise. Selon Jérôme Despey, la demande française porterait sur une enveloppe de 80 millions d’euros, un montant non confirmé par la ministre. « La demande est entre les mains du Commissaire [européen à l’agriculture] Hansen, par conséquent je ne veux pas préempter sa décision. La demande a été officiellement adressée par le France et nous espérerons une réponse rapide », a dit Annie Genevard. Les viticulteurs espèrent en tout cas que les mesures d’arrachage et de distillation, en supposant qu’elles se concrétisent, vont assainir durablement le marché.

Vers la marche en avant du prix du vin ?

Les producteurs ne comptent pas pour autant se « reposer » sur les seules mesures de régulation volumique du marché orchestrée par l’Etat avec la caution des contribuables. Ils attendent aussi des metteurs en marché qu’ils paient le prix du vin au « juste prix » et que la profession parte à la reconquête des parts de marché, un des objectifs du Plan de filière présenté en début d’année.

"C’est aux metteurs en marché à prendre leur bâton de pèlerin sinon à l’Etat de montrer le bâton"

« Il y a un plan de filière pour adapter l’offre à la demande, rappelle Jérôme Despey. Il y en a assez de tous ces rapports et de tous ces constats. Maintenant, il faut passer à cette phase de prix et de contractualisation. Et là, c’est aux metteurs en marché à prendre leur bâton de pèlerin sinon à l’Etat de montrer le bâton par la réglementation. il peut y avoir une prolongation des lois Egalim avec une spécificité ou une expérimentation viticole ». A la question de savoir si un Egalim « vin » était à la l’ordre du jour, Annie Genevard a jugé que la question était « pertinente ».