Pseudo-départ pour le chantier de la Pac post-2027

Le ministère de l’Agriculture organise la « conférence des parties » offrant aux OPA et aux ONG l’occasion d’exprimer leurs positions sur les enjeux économiques, climatiques et environnementaux de la prochaine Pac. Sachant que seul le futur Cadre pluriannuel financier de l’UE lancera véritablement le processus.

Ce mardi 15 avril marque le début d’un « long processus », comme le qualifie le ministère de l’Agriculture, qui s’achèvera par la validation ultime, par la Commission européenne, du Plan stratégique national (PSN), la déclinaison française de la Pac pour la période indicative 2028-2032.

Entretemps, combien de Conseils supérieurs d’orientation (CSO), de consultations (dont celle la Commission nationale du débat public), d’avis plus avisés les uns que les autres (dont ceux de l’Autorité environnementale, de la Cour des comptes, du Haut conseil pour le climat…). Combien de débats parlementaires européens et nationaux, de Conseils européens, de trilogues ? Combien de ministres se succédant au 78 bis rue de Varenne (la dernière réforme en avait éclusés quatre). Combien de mouvements de protestation ? Combien d’ondes de choc types pandémie de Covid-19, guerre russe en Ukraine, dynamite trumpienne ou autre cataclysme rebattant les cartes en cours de route ? Mais surtout, et peut-être avant tout : combien de milliards d’euros sur la table ?

Aides directes en % du Résultat courant avant impôt en 2019 en France (Source : INRAE)
Aides directes en % du Résultat courant avant impôt en 2019 en France (Source : INRAE)

Si la part de la Pac dans le budget global de l’UE s’érode au fil des réformes (73,2% en 1980 contre 24,6% en 2023), l’agriculture demeure le 1er poste de dépense de l’UE avec un niveau d’engagement relativement constant depuis une quinzaine d’années, sous les 60 milliards d’euros par an (UE à 27). Autre postulat : les aides de la Pac représentent grosso modo et en moyenne les trois-quarts (74% selon l’INRAE – 2019) du revenu courant avant impôt des exploitations françaises.

Autrement dit, l’incidence de la Pac dans la comptabilité des exploitations est telle que les arbitrages financiers d’une programmation à l’autre ne peuvent être que marginaux, sous peine de déshabiller les systèmes et les territoires. L’architecte final du PSN 2023-2027, à savoir l’ex-ministre Julien Denormandie, avait ainsi bordé et borné les fluctuations dans une fourchette comprise entre -4% et +4%, et avec de la progressivité.

Evolution du budget de la Pac, en milliards d’euros et en proportion du budget total de l’UE (Source : Commission européenne)
Evolution du budget de la Pac, en milliards d’euros et en proportion du budget total de l’UE (Source : Commission européenne)

Moralité : ce n’est pas tant la future proposition législative de la Commission européenne, attendue pour l’automne prochain, traduisant sa vision à horizon 2040 dévoilée en février dernier, que le futur Cadre pluriannuel financier de l’UE qui focalise l’attention. Aux interrogations concernant le montant de l’enveloppe s’ajoutent des inquiétudes quant au projet de l’exécutif européen de fusionner plusieurs fonds (Pac, cohésion, développement rural…) en un fonds unique géré au niveau national. Ce à quoi s’oppose Paris. Au Salon de l’agriculture, au cours d’un échange avec le Commissaire européen à l’Agriculture et en présence de représentants de la profession, la ministre de l’Agriculture Annie Genevard a réaffirmé « la nécessité de maintenir un budget spécifiquement dédié à la Pac, structuré en deux piliers »  : le premier, consacré aux paiements directs et à la gestion du marché, et le second, visant à soutenir le développement rural. « Il est impératif que la Pac ne soit pas incluse dans un fonds unique, afin d’assurer une allocation claire et stable des ressources à l’agriculture européenne », a dit la ministre.

En attendant, le ministère de l’Agriculture lance le chantier de la concertation, en organisant une « conférence des partie », offrant aux organisations professionnelles agricoles et aux ONG l’occasion de témoigner de la » diversité d’opinions, de positions et de visions » sur les enjeux économiques, climatiques et environnementaux de la prochaine Pac. Un pseudo-départ.