Les Cuma créent une centrale d’achat pour contrer l’inflation du matériel

Cama Cuma procède par appels d’offre auprès des constructeurs en fixant son tarif d’achat pour des matériels-types très demandés par les réseaux. Rabais compris entre 25% et 30%. Sept appels d’offres suivront celui de 45 plateaux fourragers à acheter et de 130 télescopiques à louer.

« Au sein de la Cuma Botanica que je préside, sur une base de 800 à 900 heures annuelles, le télescopique est facturé 19,22 euros de l’heure à chaque adhérent, explique Yves Mary Houdlon, éleveur laitier dans le Maine-et-Loire et président de Cama Cuma. Avec l’offre de location de notre centrale d’achat groupé, on va passer à 13,95 € de l’heure, incluant la garantie, l’entretien, le financement, les pneumatiques, les vérifications générales périodiques et l’assurance, hors responsabilité civile à la charge de la Cuma. C’est une économie de 27%, équivalente à 2000 euros par an qui vont directement retomber dans la poche de mon associé et moi-même ».

Cama Cuma achète, puis revend ou loue aux Cuma

Créée à l’automne dernier, la Centrale d’achat de matériels agricoles (Cama) pour les Cuma veut stopper la spirale inflationniste du prix du matériel, qui selon les données du réseau, oscille entre +3% et +8% par an selon les catégories de matériels. Les Cuma savent de quoi elles parlent : elles investissent bon an mal 500 millions d’euros en matériel. Elles ont aussi l’œil sur environ 80% des comptabilités des 11300 Cuma du réseau, une radiographie des tarifs d’achat et de coût de revient du matériel sans équivalent.

« En 20 ans, le prix d’achat d’un rouleau Cambrigde, autrement dit d’un tas de fonte avec peu d’évolutions techniques, est passé de 5000 euros à 12000 euros, souligne Philippe Manjeune, éleveur de bovins viande dans le Puy-de-Dôme, élu à la FNCuma. Fort de notre réseau et de nos données, on s’est dit qu’il était peut-être temps d’agir ».

Le mode opératoire de Cama Cuma est relativement simple : sur la base des données comptables du réseau, elles déterminent le profil type d’un matériel phare et lancent auprès des constructeurs un appel d’offre, sans attendre de leur part un prix mais en leur fixant le prix auquel Cama Cuma est prêt à s’engager pour un nombre déterminé d’exemplaires.

"Certains constructeurs tiquent mais le BTP procède ainsi depuis longtemps"

Cama Cuma escompte négocier des rabais compris entre 25% et 30% selon les matériels. « Certains constructeurs tiquent mais d’autres ont compris l’intérêt qu’ils pouvaient avoir en terme d’anticipation industrielle et de développement commercial, indique Yves Mary Houdlon. Le secteur agricole devait être le dernier secteur à ne pas pratiquer l’achat groupé. Les constructeurs vont devoir s’adapter ». A ce stade, tous ne répondent pas aux appels d’offres de Cama Cuma. Qu’à cela ne tienne. Sur la base de ce fonctionnement, Cama Cuma a obtenu la caution de trois grands réseaux bancaires et les premiers plateaux fourragers et télescopiques ont été livrés dans les Cuma.

« Outre l’économie financière, la formule économise énormément de temps dans le processus de décision en Cuma et facilite l’engagement des adhérents, déclare Philippe Majeune. On soulage ainsi beaucoup les responsables. La formule peut générer la création de nouvelles activités. On pense également attirer aussi de nouveaux agriculteurs vers les Cuma ».

Pour des matériels basiques comme les plateaux fourragers, Cama Cuma achète le matériel avant de le rétrocéder aux Cuma qui se sont engagées à l’acquérir. Pour des matériels complexes comme le télescopique, Cama Cuma achète puis loue le matériel aux Cuma avant de le reprendre et de le revendre en fin de contrat. Dans le cas du télescopique, Cama Cuma offre une grande flexibilité au niveau des heures (400 à 1000 heures) et de la durée (36 à 60 mois), tout en laissant la possibilité aux Cuma de faire évoluer ces deux paramètres dans le temps et sans surfacturer les éventuels dépassements d’heures.

Bientôt des tracteurs ?

Les prochains appels d’offre concerneront des herses étrille, des rouleaux Cambridge et des bennes monocoques. Suivront au second semestre des matériels de travail du sol et de récolte, ainsi que des automoteurs. Cama Cuma ménage le suspense quant à l’éventualité de lancer un appel d’offre sur un tracteur. Pas sûr que les ensileuses en fassent partie, un projet d'appel d'offre s'étant déjà avéré infructueux.

A noter que la centrale d’achat essaiera autant que faire se peut de privilégier le matériel « made in France ».

"L’objectif est de ramener de l’argent dans les Cuma et donc dans les fermes"

Si la centrale d’achat prône la souplesse, elle met aussi en avant la frugalité de la structure. « Cama Cuma est une entreprise commerciale mais non lucrative, déclare Yves Mary Houdlon. Nous fonctionnons avec un effectif réduit à quelques personnes et pratiquons une marge qui restera inférieure à 5%, destinée à couvrir les fonctionnement et seulement les frais de fonctionnement. L’objectif est de ramener de l’argent dans les Cuma et donc dans les fermes ».

Pour pouvoir acheter ou louer les matériels négociés dans les appels d’offre, les Cuma doivent adhérer à Cama Cuma moyennant une cotisation unique de 30 euros. Une quarantaine de fédérations départementales a déjà adhéré.

Avis aux Cuma : il reste des plateaux fourragers et des télescopiques négociés lors des deux premiers appels d’offre, lancés il y a à peine deux mois et courant sur au moins une année. Le plateau fourrager, c’est 1200 euros le mètre. Pour le télescopique Bobcat TL38.70 HF Agri, de 130 ch, d’une portée de 7 m et d’une capacité de 3,8 t, on ne saura pas, confidentialité oblige.

Cama Cuma n'a aucun doute quant au succès de la démarche. « On a mis quelques années à faire mâturer le projet, se rappelle Yves Mary Houdmon. Laissons le temps aux Cuma de se l’approprier ».