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Mardi 30/12/2025

Les futurs captages « sensibles », source de tension entre l’Etat et la profession

Les seuils de contamination, notamment aux pesticides, retenus pour classer comme sensibles les captages d’eau potable pourraient conduire à placer plus de 20% de la SAU sous contraintes, selon plusieurs organisations agricoles, qui dénoncent une « surtransposition » franco-française et un passeport pour l’import.

Dans le cadre de la « feuille de route » dédiée à la protection des aires d’alimentation de captage d’eau, présentée au printemps dernier, le « Groupe national captages » est invité à définir les critères permettant de classer, parmi les 32.900 captages recensés dans l’Hexagone, ceux dont les risques de fermeture, pour cause de pollution diffuse, sont redoutés dans les années à venir si des mesures de protection renforcées ne sont pas adoptées.

Entre 1980 et 2019, 12.500 captages d’eau potable, sur les 50.000 existants, ont été fermés en raison de la dégradation de la qualité de la ressource en eau, due, dans 41% des cas, à des teneurs excessives en nitrates et pesticides. Le nombre de fermetures annuelles est actuellement de l’ordre d’une centaine.

Les pollutions diffuses génèrent des traitements coûteux (entre 0,2 et 1,2€/m3), qui ne dispensent pas toujours de devoir recourir à mesures dérogatoires aux normes de potabilité en usage, au champ d’application toujours plus restreint, alors que le changement climatique accroit les tensions sur la ressource, entravant notamment la pratique de dilution pour passer sous les fourches caudines règlementaires. D’où le recensement de captages dit « sensibles », pour agir en amont, prévenir les risques de pollution et éviter leur éventuelle fermeture.

20% de la SAU concernée

Problème ? Les critères de classement retenus, et qui font l’objet d’un arrêté, en préparation et en discussion dans le cadre du « Groupe national captages » font rentrer les captages dans la catégorie « sensible » dès lors que l’eau brute atteint 80 % des normes applicables à l’eau distribuée, rompant ainsi avec le référentiel actuel fondé sur l’analyse de l’eau brute. « L’arrêté en préparation revoit en profondeur les règles de classement des captages d’eau en abaissant les seuils de déclenchement bien au-delà du cadre européen, y compris pour des résidus de substances phytosanitaires interdites depuis parfois plusieurs décennies », dénoncent l’AGPB, l’AGPM, la CGB, la FOP et l’UNPT. Cette approche, fondée sur une logique de précaution extrême sans risque sanitaire, pourrait conduire à placer plus de 20 % de la surface agricole française, soit plus de 5 millions d’hectares, sous contraintes totales, avec à la clé une perte de valeur des terres, une désorganisation profonde des filières et un recul assumé de la production sur des cultures stratégiques comme le blé, le maïs, les oléagineux, la betterave ou la pomme de terre ».

Les associations spécialisées grandes cultures refusent « une approche qui confond pollutions historiques et pratiques agricoles actuelles, pourtant profondément transformées, encadrées et engagées dans la protection de l’eau ». « La France veut-elle encore permettre à ses agriculteurs de produire pour assurer ses approvisionnements, ou organiser sa dépendance à une agriculture importée, au risque de mettre en danger la sécurité alimentaire nationale ? », s’interrogent-elles.

Vers des mesures de protection renforcées

La concertation ne va pas se limiter à l’établissement d’une liste de captages « sensibles ». Elle va aussi inventorier les moyens de prévention susceptibles d’être mis en œuvre en amont sur les aires d’alimentation critiques. Parmi les pistes figurent la priorisation de l’agriculture biologique, le renforcement de l’écorégime attribué aux exploitations certifiées en agriculture biologique, le renforcement de l’attractivité des Maec, le développement des PSE, la promotion et le soutien de techniques alternatives aux pesticides, l’acquisition de foncier par les Personnes responsables de la production et distribution de l'eau (PRPDE) en vue leur soustraction aux pesticides et engrais de synthèse.

L’étau sur les phytos

Autre piste pour juguler les risques de pollution diffuse : l’interdiction ciblée de pesticides sur les zones en question, via différents outils à la main des préfets. Ce sont les arrêtés préfectoraux de Déclaration d’utilité publique (DUP), qui régissent les périmètres de protection de captage (PPC) et les Zones soumises à contrainte environnementale (ZSCE).

Les premiers peuvent inclure des servitudes sur l'affectation ou l'utilisation des sols (obligation de boisement, de création ou maintien de prairie, d'agriculture biologique, de cultures à bas niveau d’intrant) et les pratiques agricoles (plafonnement des quantités de produits phytosanitaires, pratique du désherbage mécanique…). Les secondes reposent sur un programme d’actions avec objectifs et indicateurs de résultats sur toutes les aires de captages en dépassement ou proches des limites de qualité pour les pesticides et leurs métabolites. En cas de non atteinte des objectifs de qualité à l’issue d’un premier plan, un arrêté doit mettre en place, sans délai, un programme de mesures obligatoires de restriction voire d’interdiction d’usages des produits phytos sur ces aires, accompagné d’indemnités compensatoires pour les agriculteurs concernés.