Les produits « exotiques » importés, une forte empreinte sociale et environnementale mais pas fatale

Une étude du Basic pointe les impacts sociaux et environnementaux de produits et matière premières dont dépend très fortement l’Hexagone, alors que l’UE dispose de leviers réglementaires pour les atténuer. Mais certainement pas en signant l’accord de libre-échange avec le Mercosur, selon l'étude commanditée par Greenpeace France, Max Havelaar et l’Institut Veblen.

Depuis une dizaine d’années, en dépit d’un décrochage prêté un pieu rapidement à l’agriculture et à l’industrie agroalimentaire, le solde commercial de l’UE dépasse les 50 milliards d’euros annuels dans ce secteur. En 2024, il s’est élevé exactement à 63,6 milliards d’euros, en baisse de 8,0% sur un an, sous l’effet d’une hausse des importations (+8% à 171,8Md€) plus forte que celle des exportations (+3% à 235,5Md€). Le café, le thé, le cacao et les épices pèsent à eux seuls 18% des importations, devant les fruits et noisettes (15%) et les oléagineux et protéagineux (12%). Pour ce qui est de la France, les seuls café, cacao et thé ont engendré un déficit de 3,3Md€ en 2024, 2,8Md€ pour les huiles et tourteaux.

Mais il faut aussi compter avec le riz, le sucre de canne ou encore la vanille… Tout additionné, c’est beaucoup denrées ou de matières premières qui sont massivement importées, partiellement sinon totalement, en dépit d’une course de rattrapage à la production de protéines végétales ou de quelques pépites ultramarines, dont les bananes, le sucre à canne ou la vanille réunionnaise, en attendant le renfort de la bretonne.

Des importations passées à la « boussole de durabilité »

A la demande de Greenpeace France, de Max Havelaar France et de l’Institut Veblen, le Bureau d’analyse sociétale pour une information citoyenne (Basic) a passé ces importations françaises au prisme de sa « boussole de durabilité », combinant un plancher social en dessous duquel les droits fondamentaux sont bafoués et un plafond écologique représentant les limites planétaires à ne pas dépasser pour sauvegarder l’habitabilité de la Terre. La boussole permet d’agréger 15 indicateurs socioéconomiques et écologiques et de délivrer un score, compris entre 0 et 21.

Score, sur une échelle de 0 à 21, de 13 produits importés passés au crible d’une « boussole de durabilité » agrégeant indicateurs socioéconomiques et écologiques (Source : Basic)
Score, sur une échelle de 0 à 21, de 13 produits importés passés au crible d’une « boussole de durabilité » agrégeant indicateurs socioéconomiques et écologiques (Source : Basic)

Résultats ? Sur les 13 filières analysées, 6 d’entre elles (cacao, vanille, riz, huile de palme, sucre de canne et café) concentrent l’essentiel des violations des droits humains (travail des enfants, travail forcé, salaires indécents). Deux filières (cacao et soja) se détachent par leurs impacts écologiques en raison des émissions de gaz à effet de serre qu’elles génèrent, ainsi que de la déforestation et de la pollution des eaux qu’elles provoquent.

Les outils de l’UE pour contrecarrer les méfaits

Une autre partie de l’étude à consister à évaluer le potentiel d’amélioration permis par différents textes législatifs européens, l’échelon européen étant le seul considéré comme pouvant potentiellement niveler par le haut les exigences sociales et environnementales, et répondre aux enjeux de durabilité des filières d’importation. Du reste, ce n’est pas les textes qui manquent avec le règlement sur la déforestation et la dégradation des forêts (RDUE), la directive sur le devoir de vigilance des entreprises en matière de durabilité (CS3D) et le règlement sur le travail forcé, trois législations qui imposent des standards exigeants en matière sociale et écologique, non pas seulement sur la production sur le sol européen mais à l’entrée des produits sur le marché de l’UE.

Potentiel d’amélioration de la durabilité amené par les trois législations européennes du RDUE, de la CS3D et du règlement sur le travail forcé (Source : Basic)
Potentiel d’amélioration de la durabilité amené par les trois législations européennes du RDUE, de la CS3D et du règlement sur le travail forcé (Source : Basic)

 

Résultats ? « Les trois législations contribuent ensemble à niveler par le haut les standards de l’économie européenne et les conditions d’accès », relève le Basic. Le bureau d'étude c a également réalisé ce travail de modélisation en intégrant les termes et les conséquences de l’accord de libre-échange conclu entre l’UE et le Mercosur en décembre dernier, mais pas encore ratifié. Et là, et sans grande surprise, c’est la dégradation assurée.

Comparaison entre les potentiels d’amélioration de la durabilité amenés par les législations RDUE, CS3D et Travail forcé, et le potentiel de dégradation de la durabilité amené par l’accord UE-Mercosur (Source : Basic)
Comparaison entre les potentiels d’amélioration de la durabilité amenés par les législations RDUE, CS3D et Travail forcé, et le potentiel de dégradation de la durabilité amené par l’accord UE-Mercosur (Source : Basic)