Matières premières agricoles : une hausse partie pour durer

[Edito] Hausse de 20% pour le blé, de 30% pour l’orge de brasserie et le maïs, de 40% pour le tourteau de soja, de 50% pour l’huile de tournesol… depuis un an, aussi bien céréales qu’oléagineux sont concernés par une envolée des prix généralisée, atteignant parfois les plus hauts depuis 8 ans. Le mouvement n’est pas lié à un accident climatique ponctuel affectant les cours d’un produit bien précis, mais concerne l’ensemble des matières premières agricoles.

Les raisons de cette inflation sont multiples. Déjà, l’année 2020 a connu un certain nombre de déboires côté production, avec une chute de la production de blé en France et en Europe, et moins de maïs qu’attendu aux États-Unis et en Ukraine. Les risques de sécheresse liée au phénomène climatique La Niña en Amérique du Sud sont également sources de craintes pour les récoltes de soja et de maïs à venir. Dans ce contexte, la décision de la Russie d’instaurer des taxes à l’exportation pour protéger son marché intérieur a accéléré le rétrécissement de l’offre au niveau mondial.

En parallèle, la demande des pays importateurs n’a pas faibli, dans un contexte où la pandémie de covid-19 pousse les États à sécuriser leurs stocks alimentaires. C’est le cas de la Chine, qui importe des quantités spectaculaires de grains, contribuant largement au soutien des cours mondiaux. Le pays reconstitue son cheptel de porcs décimé par la peste porcine, engendrant une forte demande en alimentation animale, soja et maïs en tête.

Tendance haussière durable

Combien de temps ce contexte haussier peut-il durer ? Dan Basse, président du cabinet américain Ag Resource, considère que l’avenir sera au vert pour les prochaines années. L’expert américain, qui intervenait le 27 janvier lors du Paris Grain Day, le rendez-vous des acteurs internationaux du marché des grains organisé par Agritel, voit en la Chine le véritable moteur de la demande mondiale. Selon lui, les marchés agricoles seront à la hausse pour les 24 mois à venir. Forts de l’accord commercial entre les deux pays, les flux de maïs et de soja des États-Unis vers la Chine ont atteint des sommets en 2020, et les échanges devraient s'intensifier dans les prochaines années.

Analyste chez JCI à Shanghai, Rosa Wang, qui intervenait également lors de cette rencontre, a toutefois tenu à rappeler que la Chine n’avait pas vocation à rester une éternelle importatrice de céréales. Le pays prévoit d’augmenter sa production de maïs de 20 à 40 millions de tonnes dans les deux années à venir grâce à une hausse combinée des surfaces et des rendements. Ces derniers pourraient d’ailleurs augmenter avec l’autorisation prochaine sur le sol chinois de deux variétés de maïs OGM, a indiqué l’analyste.

Mais d’ici là, l’appétit chinois continuera sans aucun doute d’animer les marchés. Les experts internationaux participant au Paris Grain Day ont d’ailleurs conclu, à l’issue d’un vote, à une tendance haussière de 3,63 sur 5 (5 étant très haussier) pour 2021. En 2020, cet indicateur s’élevait à 3,08.

En attendant le ruissellement

Cette flambée des matières premières se répercutera-t-elle jusqu’au consommateur ? En France, la profession alerte depuis plusieurs semaines sur la hausse des coûts de production, notamment pour les éleveurs. Or, à un mois de la fin des négociations commerciales annuelles entre la grande distribution et les entreprises agroalimentaires, la prise en compte de la hausse des coûts de production est encore loin d’être actée, malgré une loi Egalim censée promettre un « ruissellement » en faveur des agriculteurs.