Nitrates : vers des obligations de résultat... à titre expérimental

Trois ministères dont l’Agriculture lancent avec Innov’Azote un appel à manifestation d’intérêt destiné à expérimenter des démarches territoriales de gestion de l’azote sur la base d’objectifs de résultats. Un rapport du CGAAER et du CGEDD recommandait d’intégrer une telle démarche dans le 7ème Programme d’actions national (PAN), en cours de consultation publique.

Tester et évaluer la faisabilité, la reproductibilité et l’efficacité de démarches territoriales de gestion de l’azote par objectifs de résultats en terme de limitation des fuites d’azote vers le milieu : tel est l’objectif d’Innov’Azote, un Appel à manifestation d’intérêt (AMI) lancé par les ministères de l’Agriculture, de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires. Innov’Azote s’adresse à des collectifs territoriaux souhaitant « donner un nouvel élan à la politique de prévention des pollutions diffuses de l’eau par les nitrates ».

L’expérimentation fait écho à la directive nitrates datant de 1991 et visant à réduire et à prévenir la pollution des eaux superficielles et souterraines par les nitrates d’origine agricole. Depuis 30 ans, la France enchaine les Programmes d’actions national (PAN) dans les zones vulnérables, complétés depuis 2016 par des Programmes d’actions régionaux (PAR) et des ZAR (Zones d’actions renforcées) visant à renforcer les dispositions en fonction des enjeux territoriaux pour les PAR et des zones les plus à risque (zones de captage, bassins générateurs de marées vertes sur les plages) pour les ZAR.

Qu’il s’agisse des PAN, des PAR et des ZAR, le corpus réglementaire français repose sur des obligations de moyens (conditions de stockage, périodes d’épandages, plafonnement des doses, couverture végétale...) et non sur des obligations de résultats. Problème n°1 : « Malgré près de vingt-cinq années de programmes d’actions nitrates, les résultats en termes de teneur en nitrates des eaux superficielles et souterraines restent très loin des objectifs et semblent ne plus s’améliorer », constataient le Conseil général de l’alimentation, de l’agriculture et des espaces ruraux (CGAAER) et au Conseil général de l’environnement et du développement durable (CGEDD) dans un rapport publié en 2021. Problème n°2 : la directive nitrates obéit à des obligations de résultat sur la qualité de l’eau et pas seulement à des obligations de moyens, comme l’a tranché une jurisprudence de la Cour européenne de justice de l’UE en 2018.

Dans leur rapport de 2021, le CGAAER et le CGEDD avaient du reste recommandé de formaliser des engagements de résultats dans le 7ème Programme d’actions national (PAN). Ce dernier fait actuellement l’objet d’une consultation publique mais les projets de décrets et d’arrêtés éludent la recommandation des deux instances consultatives. Innov’Azote répare en partie le manque mais pas totalement le manquement réglementaire au sens de la directive nitrates.

Le démarrage des projets sélectionnés dans le cadre d’Innov’Azote interviendra au plus tard en septembre 2023. Une échéance qui coïncide avec l’entrée en application du 7ème Programme d’actions national.