- Accueil
- Non-retour de l’acétamipride, irrigation et stockage, bâtiments d’élevage… : l’essentiel de la loi Duplomb
Non-retour de l’acétamipride, irrigation et stockage, bâtiments d’élevage… : l’essentiel de la loi Duplomb
Le Conseil constitutionnel a censuré jeudi la mesure phare de la loi Duplomb qui visait à réintroduire un insecticide de la famille des néonicotinoïdes mais a déclaré conforme les autres dispositions clé sur les ouvrages de stockage de l'eau et les bâtiments d'élevage. Le président de la République va promulguer le texte « dans les meilleurs délais ».
Pas de réintroduction de l'acétamipride, contraire à la Charte de l'environnement
La mesure la plus décriée par les défenseurs de l'environnement mais aussi de nombreux scientifiques et médecins était la réintroduction encadrée et à titre dérogatoire de cet insecticide de la famille des néonicotinoïdes, interdit depuis 2018 mais autorisé en Europe jusqu'en 2033. Elle était réclamée par la FNSEA et la Coordination rurale notamment pour les producteurs de betteraves sucrières qui affirment n'avoir aucune solution pour protéger efficacement leurs cultures. Les producteurs redoutent la concurrence d'importations de sucre produit avec des pesticides interdits en France.
Le texte adopté au Parlement prévoyait (article 2) une réintroduction « pour faire face à une menace grave compromettant la production agricole », sans limite dans le temps ni de restriction sur les produits concernés, mais avec une clause de revoyure « à l'issue d'une période de trois ans, puis chaque année ».
Les Sages ont estimé que « faute d'encadrement suffisant » sur la durée, le type ou la technique de traitement et sur les filières concernées, cette mesure était contraire à la Charte de l'environnement, qui a valeur constitutionnelle et affirme notamment « le droit de vivre dans un environnement équilibré et respectueux de la santé » ainsi que le « devoir de prendre part à la préservation et à l'amélioration de l'environnement ».
Ils ont en revanche déclaré conforme l'article 1 qui acte la fin de la séparation entre la vente de produits phytosanitaires et le conseil quant à leur utilisation dispensé par les distributeurs aux agriculteurs
Irrigation et stockage d’eau
Le texte initial visait à faciliter le stockage de l'eau pour l'irrigation des cultures, dans un contexte de raréfaction liée au dérèglement climatique. Si tous les agriculteurs sont d'accord pour dire qu'il n'y a pas d'agriculture possible sans eau, ils sont divisés sur les réserves, leur taille et leurs usages. Des associations ont mis en garde contre « l'implantation de méga-bassines », ces immenses réserves constituées en puisant dans la nappe phréatique ou les cours d'eau, « qui accaparent » les ressources en eau « au profit de l'agriculture intensive ».
L'article 5 prévoit une présomption d' « intérêt général majeur » pour les ouvrages de stockage, dans l'intention de faciliter les procédures pour obtenir des autorisations de construction. Le Conseil constitutionnel a validé cet article en émettant deux réserves : les mesures en découlant ne doivent pas permettre de prélèvement dans des nappes inertielles - qui se vident ou se remplissent lentement - et devront pouvoir être contestées devant un juge.
Bâtiments d’élevage
Le texte (article 3) facilitant l'agrandissement ou la création de bâtiments d'élevage intensif a été déclaré conforme par les Sages. Il permet notamment, lors de l'enquête publique, de remplacer la réunion publique par une permanence en mairie. A partir de certains seuils, les élevages sont considérés comme des installations classées pour la protection de l'environnement (ICPE) et doivent être enregistrés ou obtenir une autorisation pour les plus grands cheptels.
Ces seuils étaient alignés sur la directive européenne relative aux émissions industrielles. A la demande de la FNSEA, le texte les aligne sur une autre directive, plus permissive, mais seulement à partir de fin 2026. Un poulailler ne devra demander une autorisation qu'à partir de 85.000 poulets contre 40.000. Pour une porcherie, le seuil passera de 2.000 à 3.000 porcs.
Anses et OFB
Le texte prévoyait initialement la possibilité pour le gouvernement d'imposer des « priorités » dans les travaux de l'agence sanitaire, mandatée depuis 2015 pour évaluer la dangerosité des pesticides, mais aussi autoriser leur mise sur le marché. Élus de gauche comme scientifiques avaient dénoncé une atteinte à l'indépendance de l'Anses. Les parlementaires ont trouvé un compromis en évacuant largement les dispositions les plus irritantes du texte final.
Ce dernier précise (article 2) que l'Agence, lorsqu'elle examine la mise sur le marché et l'utilisation de produits phytopharmaceutiques, devra tenir compte « des circonstances agronomiques, phytosanitaires, et environnementales, y compris climatiques qui prévalent sur le territoire national ». Le Conseil constitutionnel n'avait pas été saisi sur ce point.