Pour une (tout) autre Pac ?

[Edito] La crise de l’offre provoquée par la guerre en Ukraine secoue 8 milliards d’assiettes. Le think tank Agriculture Stratégies propose de renverser la table, avec une Pac reposant sur des aides contracycliques et des politiques de stockage, de régulation de l’offre et de flexibilisation des biocarburants.

Avec des céréales et des oléagineux qui tutoient respectivement les 400 €/t et 1000 €/t, la guerre déclenchée par la Russie en Ukraine a exacerbé une crise de l’offre alimentaire (et énergétique) qui couvait déjà avant l’attaque du 24 février. Pour desserrer un tant soit peu l’offre, la Commission européenne a temporairement autorisé la remise mise en culture des jachères. Celles-ci sont intégrées dans les Surfaces d’intérêt écologique (SIE), aux côtés des éléments topographiques, le tout sur un minimum de 5% de la SAU pour pouvoir prétendre aux 80 €/ha du paiement vert (préservé). L’exécutif européen a ainsi enfoncé un coin dans son Pacte vert, taxé ici ou là de décroissance. Une amorce de changement de doctrine saluée par la FNSEA, beaucoup moins par la Confédération paysanne et le collectif Pour une autre Pac, dénonçant une fuite en avant productiviste et contre-productive et qui lui auraient préféré le bannissement des agrocarburants, qu’ils jaugent à 5% de la SAU.

Des aides contracycliques et des quotas

Durant les deux années d’élaboration du Programme stratégique national (PSN), matrice de la Pac 2023-2027, le collectif Pour une autre Pac a tenté de faire bouger les curseurs au profit de l’agriculture paysanne et des transitions écologique et climatique, mais sans révolutionner l’architecture de la Pac. La révolution, elle était proposée à l'époque par le think tank Agriculture Stratégies (ex-Momagri). Pour les productions végétales directement connectées aux prix internationaux, le think tank propose la flexibilisation des politiques de biocarburants et l’instauration d’aides contracycliques variant en fonction des prix, « des leviers d’un pilotage des marchés et de stabilisation des revenus bien plus efficaces que des aides découplées versées chaque année dans une logique de consommation budgétaire ». Pour les productions animales, Agriculture Stratégies prône la réhabilitation des quotas de production du fait que « ce type d’instruments dispose du meilleur potentiel pour gérer à la fois les ressources naturelles mais également l’équilibre des marchés ».

Des stocks et des réserves de crise

En ce qui concerne la gestion des crises, le think tank défend la mise en place d’une réserve de crise pluriannuelle pour permettre à la Commission de financer les interventions. Hier le lait, aujourd’hui le porc et l’aliment. Il propose également de réhabiliter les coopérations internationales autour des stocks publics et d’appréhender la question sous l’angle de la participation à la sécurité alimentaire mondiale. Selon le think tank, la guerre en Ukraine a réactivé l’acuité et la pertinence de ses propositions, les filets de sécurité permettant en prime d’arrimer les transitions écologique et climatique. Un chamboule-tout à rebours du PSN, dont un des mantras consistait à ne pas trop bouger les lignes pour ne pas trop déstabiliser les exploitations. Reste à savoir si la déflagration de la guerre en Ukraine, aux répliques encore insondables, ne va pas secouer davantage.