Projet de loi risques climatiques : l’universalité mais pas l’unanimité

Une quinzaine d’organisations, dont la Confédération paysanne, estime que le projet de loi va exclure plus de 50% des agriculteurs. La Coordination rurale le considère comme une prime aux assureurs. La FNSEA y voit l'aboutissement de « dix ans de travail ».

Fondé en 1964, le régime des calamités agricoles, que le changement climatique a achevé de rendre totalement obsolète, s’apprête à connaître une cure de jouvence, au même titre que l’assurance multirisque climatique (MRC) apparue en 2005. L’Assemblée nationale examine ce 12 janvier un projet de loi que le ministre de l’Agriculture a présenté comme « probablement la plus grande réforme structurelle depuis la Pac ». C’est dire si l’ambition est forte, puisque le dispositif a vocation être « universel », autrement dit à couvrir tous les aléas, toutes les productions, tous les agriculteurs. Mais universalité ne veut pas dire unanimité.

Le projet alternatif de la Conf’

Car ce n’est pas du tout la lecture qu’en fait une quinzaine d’organisations, comptant notamment la Confédération paysanne, la Fnab, l’Unaf ou encore Générations futures et Greenpeace France qui, dans une tribune, enfoncent plusieurs coins dans les principes d’universalité. Elles dénoncent pêle-mêle l’exclusion de productions comme le maraîchage diversifié ou l'apiculture, un détournement des fonds publics nationaux et européens au profit des sociétés d’assurance, une réforme « injuste et excluante », jugeant que plus de la moitié des agriculteurs n’auront pas les moyens de souscrire une assurance récolte, faute de trésorerie. Elles demandent au gouvernement de retirer son projet. Le ministère de l’Agriculture a démenti entre-temps les allégations concernant le maraichage et l’apiculture.

Au printemps dernier, la Confédération paysanne avait proposé son propre projet, consistant à supprimer le dispositif des calamités et des assurances privées au profit d’un fonds mutuel et solidaire alimenté par les agriculteurs, les interprofessions, les agro-fournisseurs, les transformateurs et la grande distribution. Le fonds se déclencherait pour des sinistralités comprises entre 31% et 50%. En-deçà, l’épargne et des outils de lissage des revenus seraient convoqués. Au-delà, l’État serait appelé à la rescousse.

La FNSEA tresse des lauriers au ministre

De son côté, la Coordination rurale s’oppose également au projet de loi « qui n’est autre qu’une généralisation du recours à l’assurance récolte », dénonce-t-elle dans un communiqué. La CR réclame « un véritable réengagement de l’état via une mutualisation générale des calamités et le financement d’outils de prévention permettant de lutter efficacement contre les aléas climatiques ». La CR déplore le fléchage de 186 millions d’euros sur le budget de la Pac au titre du subventionnement des primes d’assurance.

"La nouveauté avec Julien Denormandie, c’est qu’il prend les dossiers et il les clôt"

Quant à la FNSEA, elle soutient pleinement le projet. « Ce projet de loi sur la gestion des risques climatiques, c’est dix ans de travail à la FNSEA et l’espoir d’avoir enfin un dispositif à la hauteur des risques », a déclaré Christiane Lambert le 11 janvier en conférence de presse, détaillant ses 30 propositions en vue des élections présidentielles, dont la gestion des risques. Concernant ce sujet, la présidente de la FNSEA a tressé des lauriers au ministre en poste. « La nouveauté avec Julien Denormandie, c’est qu’il prend les dossiers et il les clôt. L’ancien ministre avait dit : "vous allez voir ce que vous allez voir, en un an, ça sera fait". Malheureusement, on n’a rien vu ».

Le gouvernement espère une adoption par le Sénat le 10 février. Mais il reviendra à la mandature suivante de mettre le projet en musique, notamment en procédant aux arbitrages s’agissant des seuils de pertes de récolte culture par culture. Son entrée en application est prévue pour le 1er janvier 2023.