Pulvérisation par drone : encore hypothétique, assurément restrictive, méritant des études complémentaires

Le Sénat a adopté un amendement ouvrant la possibilité de traiter par aéronef sans pilote les vignes-mères et bananeraies, si non les parcelles en pente de 30% et plus, à l’aide de produits à faible risque, ce que l’Assemblée nationale doit encore entériner. En 2022, l’Anses avait dressé un bilan mitigé et partiel de l’expérimentation permise par la loi Egalim d’octobre 2018.

Le Sénat a adopté le 27 janvier une proposition de de loi (PPL) visant à « lever les contraintes à l’exercice du métier d’agriculteur », notamment dans le domaine de la protection phytosanitaire, avec la fin partielle de la séparation du conseil et de la vente, la priorisation des travaux de l’Anses sur les usages prioritaires en manque de solutions, la réautorisation à titre exceptionnel et temporaire de l’acétamipride, un insecticide foliaire de la famille des néonicotinoïdes ou encore la possibilité d’appliquer des produits phytosanitaires au moyen d’un aéronef autopiloté, autrement dit un drone. Autant de dispositions qui doivent encore être soumises au vote des députés.

Le texte adopté par le Sénat affirme le principe général d’une interdiction de la pulvérisation de produits phytos par voie aérienne, en vigueur depuis décembre 2015, hors situations exceptionnelles, comme ce fut le cas en 2020 pour combattre le mildiou dans l’Aude et dans l’Hérault, avec des applications de bouillie bordelaise par hélicopère.

Des conditions très restrictives

L’amendement entrouvre une fenêtre dérogatoire réservée aux drones, « pour lutter contre un danger sanitaire grave qui ne peut être maîtrisé par d’autres moyens » et lorsque l’application par drone présente des avantages manifestes pour la santé humaine et pour l’environnement par rapport aux applications par voie terrestre ». D’autres conditions restreignent le champ d’application de l’amendement. La pulvérisation sera autorisée sur les bananeraies et sur les vignes mères de porte-greffes ainsi que sur tout type de culture présente sur des parcelles comportant une pente supérieure ou égale à 30 %. Enfin, les produits applicables seront ceux relevant du biocontrôle, de l’agriculture biologique ou à faible risque.

L’amendement prévoit tout de même la possibilité d’autoriser ultérieurement le recours aux drones sur d’autres types de parcelles ou de cultures, par arrêté interministériel, pour les mêmes catégories de produits phytopharmaceutiques que celles concernées par l’autorisation initiale, lorsque des essais préalablement autorisés, dont les résultats devront être évalués par l’Anses, montreront qu’elle présente également des avantages pour la santé et l‘environnement par rapport aux applications par voie terrestre.

D’autres limites pointées par l’Anses

En 2022, l’Anses avait publié une note d’appui scientifique et technique relative à l’expérimentation prévue à l’article 82 de la loi Egalim d’octobre 2018, destinée à déterminer les bénéfices liés à l’utilisation de drones dans les parcelles agricoles présentant des pentes supérieures ou égales à 30 % pour limiter les risques d’accidents du travail et pour l’application de produits en matière de réduction des risques pour la santé et l'environnement. Elle concernait la vigne, les bananeraies et les vergers de pommiers.

En ce qui concerne l’efficacité, l’Anses avait jugé le recours à des traitements par drone comme « une solution intéressante pour protéger les cultures des bio-agresseurs problématiques » dans certaines conditions biologiques (faibles pressions en maladies), végétatives (volume foliaire limité et/ou port ouvert), climatiques (sols instables) et/ou topographiques (très fortes pentes). « Toutefois, en conditions plus limitantes, les performances des drones de pulvérisation apparaissent inférieures à celles de pulvérisateurs terrestres classiques », écrivait l’Anses.

Des données partielles sur la dérive

En ce qui concerne la dérive, l’analyse de l’Anses souffrait d’un jeu de données très restreint, ne permettant pas de « dégager des conclusions générales robustes compte tenu des incertitudes observées ». Ainsi, l’agence sanitaire concluait que « l’utilisation des drones pourrait permettre de réduire l’exposition des opérateurs, ce qui pourrait être confirmé par des essais additionnels », s’agissant notamment l’exposition des travailleurs dans les conditions de rentrée. « Plusieurs études montrent que les dépôts sur les cultures présentent une variabilité supérieure après utilisation de drones en comparaison avec les matériels d’application classiques ».

En ce qui concerne la dérive, sur vigne, dans certaines conditions (vitesse de vol, hauteur de vol, type de buse, vent), les niveaux de cette dérive peuvent être inférieurs à ceux d’un chenillard ou d’un atomiseur à dos. Dans d’autres conditions et en fonction des buses utilisées, les niveaux de dérive générés par les drones peuvent être supérieurs. La même variabilité était relevée dans les bananeraies et les vergers de pommiers, nécessitant le recueil de données complémentaires, selon l'Anses.