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Pyrénées-Orientales : « On ne sait pas si on arrivera jusqu’à la récolte des abricots »
[Reportage] Tensiomètres, géotextile, biostimulants, éclaircissage sévère, rabattage des arbres : à Rivesaltes (Pyrénées-Orientales), le Verger bio de Véronique met tout en œuvre pour s’adapter la raréfaction de la ressource en eau, dans un département à sec depuis deux ans, hypothéquant l’avenir d’une production vitale, en partie sous AOC.
« On démarre la saison avec des nappes phréatiques au niveau de ce qu’il était en fin de saison dernière ». En une phrase, tout est dit. Pour l’exploitation familiale le Verger bio de Véronique, dont la production d’abricots, de grenades et de figues repose à 100% sur l’irrigation, c’est une menace existentielle que fait peser la sécheresse qui sévit depuis plus de deux ans dans Pyrénées-Orientales. A telle enseigne que le gouvernement vient de lancer un Plan l’adaptation de l’agriculture méditerranéenne doté de 50 millions d’euros.
Située à Rivesaltes, au cœur de l’AOC Muscat de Rivesaltes, mais aussi de l’AOC Abricots rouges du Roussillon, l’exploitation pompe dans la nappe située sous l’Agly, un fleuve côtier à sec depuis deux ans. « Mon père et mon grand-père n’ont jamais connu ça. A sec deux mois l’été oui, mais deux ans d’affilée, jamais ».
L’an passé, les restrictions d’irrigation, à hauteur de 50%, ont entrainé des pertes de rendement et plus encore de qualité, avec la prééminence de petits calibres. Cette année, alors que les sorties de fleurs sont prometteuses, les équipes sont à pied d’œuvre pour éclaircir au maximum et adapter à la charge au potentiel hydrique.
« Cette pratique représente une charge financière supplémentaire sans garantie de résultat », souligne le jeune producteur. L’exploitation pilote son réseau de goutte-à-goutte au moyen de tensiomètres, ce qui laisse peu de marges de manœuvre en matière de sobriété. « On était déjà au strict minimum, alors, quand l’arrêté préfectoral écrête de 50% les volumes prélevables, la tension se ressent immédiatement. Si un goutteur est bouché, c’est la mortalité assurée de l’arbre ».
Outre l’éclaircissage, les arbres ont été rabattus pour limiter la transpiration. Des essais de biostimulants sont en cours, en application au sol et sur feuillage, dans l’objectif de renforcer l’efficience de l’eau et de la photosynthèse. Des couverts de géotextile sont aussi testés pour jauger l’impact sur l’humidité du sol.
L’exploitation s’est également diversifiée dans la production de figues et de grenades pour différer et étaler les prélèvements d’eau. « Sans eau, on ne produira pas de fruits », s’autorise à rappeler le jeune ingénieur, qui s’inquiète pour l’avenir agricole de la vallée, et au-delà, pour tout un département. « On a de la mortalité sur vigne et sur oliviers », alerte Jean Pratx, qui en oublierait presque les déboires de l’agriculture biologique, à laquelle s’est totalement convertie l’exploitation il y a maintenant 15 ans.
« On a multiplié les canaux de distribution, ce qui permet d’atténuer les effets de la crise en bio. Mais on a surtout fait le pari de la qualité. On a en prime la chance d’être sur un fruit plaisir, très apprécié des consommateurs. Il faut parler de qualité avant de parler de prix. Face au changement climatique, le plus important, c’est de produire et de cueillir. Moi, je me débrouillerai toujours pour sortir un prix ». A Rivesaltes, au Verger bio de Véronique (la mère de Jean), les premières cueillettes sont attendues aux alentours du 10 mai. Celles-là sont à peu près garanties.