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Réforme de l'OCM : vers une meilleure rémunération des agriculteurs ?
Le Parlement européen vient d'adopter à une large majorité la réforme de l'Organisation commune des marchés (OCM). Ce vote marque un tournant dans l'équilibre des forces au sein des filières agricoles, avec des avancées sur la contractualisation, l'organisation des producteurs et la gestion des marchés.
C'est un message fort qu'a envoyé le Parlement européen ce 8 octobre 2025. Avec 532 voix pour, 78 contre et 25 abstentions, les eurodéputés ont massivement soutenu le rapport de l’eurodéputée Céline Imart (groupe du Parti populaire européen) visant à rééquilibrer les relations commerciales dans les filières agricoles. « Nous devons garantir une rémunération équitable à ceux qui nous nourrissent, en tenant compte des coûts de production impliqués », a déclaré la rapporteure française après le vote.
Cette réforme s'inscrit dans le prolongement des lois EGAlim françaises, en généralisant à l'échelle européenne plusieurs principes fondamentaux : contractualisation obligatoire, prise en compte des coûts de production, renforcement du pouvoir de négociation collective. « Ce texte marque une avancée décisive pour les producteurs européens », se félicitent la FNSEA et les JA dans un communiqué commun.
Des contrats écrits pour sécuriser vos ventes
Premier changement concret : l'obligation de contrats écrits pour toute livraison de produits agricoles dépassant 4 000 euros (contre 10 000 euros dans la proposition initiale de la Commission européenne). Ces contrats devront intégrer une référence explicite aux coûts de production, offrant ainsi une base de négociation plus solide face aux acheteurs.
« Nous devons mettre fin aux relations commerciales précaires qui existent actuellement », explique Céline Imart. Une position partagée par de nombreuses organisations professionnelles françaises, qui voient dans cette mesure une avancée pour stabiliser les revenus agricoles.
Une organisation collective plus souple et plus efficace
La réforme introduit également une innovation pour certaines filières : la possibilité d'adhérer à plusieurs organisations de producteurs (OP) pour un même produit, dès lors qu'elles concernent des marchés distincts et non concurrents.
Cette mesure était défendue depuis près de dix ans par les producteurs de pommes de terre. « Cette évolution constitue une avancée politique majeure pour les producteurs de pommes de terre français et européens, souligne l'UNPT. Elle met fin à une contrainte réglementaire qui les obligeait jusqu’ici à choisir une seule OP, alors même que leurs productions sont réparties entre des débouchés aux logiques économiques très différentes : marché du frais, frites industrielles, chips, flocons ou encore usages non alimentaires ».
Des outils de régulation des marchés modernisés
Face à la volatilité croissante des marchés agricoles, le Parlement a également adopté des mesures visant à renforcer les mécanismes d'intervention publique. Les prix de référence, figés depuis des années, devront désormais être actualisés régulièrement en fonction de l'inflation et des coûts de production.
Pour la filière betteravière, particulièrement touchée par les crises de marché depuis la fin des quotas, c'est une avancée significative. Depuis 2006, le seuil de référence est fixé à 404,4 €/tonne pour le sucre blanc. « Depuis plus de deux ans, la CGB revendique sa réévaluation sur la base de l’inflation, ce qui correspondrait, aujourd’hui, à une valeur proche de 585 €/t », fait savoir le syndicat des betteraviers.
Une aide renforcée pour les petites exploitations
Autre mesure phare : le relèvement du plafond de l'aide « petit agriculteur » de 1 250 € à 5 000 €. « Cette mesure constitue un véritable acte de reconnaissance des petites fermes et une simplification concrète pour des milliers de paysannes et paysans », salue la Confédération paysanne, qui tempère néanmoins son enthousiasme en déplorant « le détricotage de la conditionnalité environnementale ».
Étiquetage : plus de transparence et protection des dénominations
La réforme apporte également des clarifications en matière d'étiquetage, avec un double objectif : protéger les producteurs et informer les consommateurs. Les eurodéputés souhaitent que les termes « juste » ou « équitable » soient désormais encadrés par des critères précis, incluant la contribution au développement des communautés rurales et la promotion des organisations d'agriculteurs.
Le texte introduit également une définition plus stricte du « circuit court d'approvisionnement », qui ne pourra être utilisé que pour des produits fabriqués dans l'UE avec un nombre limité d'intermédiaires ou pour des produits manipulés sur une courte distance. Une mesure qui valorise les productions locales tout en évitant les allégations trompeuses.
Protection de l'identité des produits et préférence européenne
Le texte adopté renforce également la protection des dénominations des produits d'origine animale. Les termes comme « steak », « escalope » ou « hamburger » seront désormais réservés exclusivement aux produits contenant de la viande, excluant aussi les produits de culture cellulaire.
En matière de marchés publics, les États membres devront privilégier les produits agricoles européens, locaux et saisonniers. Une mesure qui s'accompagne d'un durcissement des règles pour les importations : les denrées alimentaires importées devront respecter les mêmes limites de résidus de pesticides que celles produites dans l'UE.
Et maintenant ?
Si ce vote constitue une étape décisive, la bataille n'est pas encore gagnée. Les négociations en trilogue avec le Conseil et la Commission devraient débuter le 14 octobre. « Cette victoire est une étape et devra désormais être confirmée lors des négociations qui débuteront dans les prochaines semaines », rappellent la FNSEA et les JA.