Toxicité des pesticides : Générations Futures exonère les produits homologués en bio

L’association a comparé les pesticides homologués en conventionnel et en bio sur la base de leur toxicité intrinsèque et des quantités vendues. Résultats : « il n’y a pas photo ».

Coutumière d’attaques en règles et en règlements s’agissant de son cahier des charges à géométrie variable, de l’octroi de dérogations pour juguler des débordements sanitaires, pour combler la pénurie de semences et plants ou encore d’engrais organiques, l’agriculture biologique (AB) est aussi attaquée sur le front des pesticides. Les contempteurs de l’AB ne manquent pas de rappeler que l’AB y a aussi recours, pour qui oublierait la mention complémentaire « de synthèse », le « naturel » n’étant pas un gage d’innocuité, notamment à l’égard de leurs cibles.

Une base de données reconstituée

Pour jauger la charge toxicologique respective des agricultures conventionnelle et biologique et déjouer les messages «  trompeurs » et « la fabrique du doute », l’association Générations Futures s’est plongée dans les bases de données, à savoir E-Phy, qui recense tous les produits pesticides et les substances actives ayant une autorisation d’usage en France, Agritox (INRAE, ANSES), qui centralise les données relatives aux propriétés des substances actives et la BNV-D, la Banque nationale des ventes des distributeurs agréas (BNV-D), afin de rapporter la toxicité intrinsèque des substances aux quantités vendues.

L’association a ainsi créé sa propre base de données, arguant que « ces données sont bien disponibles mais éparpillées sur plusieurs sites et bases de données différents, ce qui rend très difficile toute exploitation des chiffres ».

Profil toxicologique intrinsèque : 224 contre 17

S’agissant des caractéristiques toxicologiques des substances actives bénéficiant d’une Autorisation de mise sur le marché (AMM) en France en 2023, l’association recense 224 substances conventionnelles classées dangereuses contre 17 substances biologiques. 89% (205 sur 231) des substances conventionnelles autorisées sont classées toxiques pour les milieux aquatiques, contre 27% (9 sur 33) pour les substances biologiques. S’agissant du caractère cancérogène, mutagène, reprotoxique (CMR), 31% (71 substances sur 231) des substances conventionnelles autorisées en France sont classées CMR contre 6% (2 sur 33) des substances biologiques. Il s’agit en en l’occurrence du spinosad et de l’azadiracthine, classées « susceptibles de nuire au développement du fœtus ». Générations Futures précise que ces deux substances n’ont pas encore de classification harmonisée au niveau européen et que leur classification en tant que CMR n’est ni validée ni officialisée par l’UE. « Cependant, dans une approche conservatrice, nous avons considéré dans ce rapport que ces deux substances sont CMR, l’Anses ayant classé l’azadiracthine et l’EFSA ayant proposé cette classification pour le spinosad ».

Ventes : 97% contre 82%

S’agissant du profil toxicologique des quantités de substances réellement vendues et donc utilisées en France, 97% des ventes de substances conventionnelles et 82% des ventes de substances biologiques sont des substances classées dangereuses. « Ce chiffre de 82% des ventes de substances bio classées dangereuses est à relativiser car il correspond en grande majorité aux ventes de deux substances seulement, précise l’association. 72% des ventes sont couvertes uniquement par le soufre, qui est seulement considéré comme irritant, et 9,5% par le cuivre, en gardant en tête qu’environ 80% du cuivre est utilisé par les agriculteurs conventionnels », indique Générations Futures se référant aux données de l’ANSES. Les autres substances bio classées dangereuses représentent 0,9% des ventes.

En ce qui concerne les substances toxiques pour les milieux aquatiques, leur représentativité atteint 91% des ventes de substances conventionnelles contre 10% des ventes de substances biologiques. En ce qui concerne les ventes de CMR, leur représentativité atteint 28% des substances conventionnelles vendues en France contre 0,06% des ventes des substances biologiques.

Le cas des substances CFS

En plus de la classification selon les propriétés de dangerosité, Générations Futures a mobilisé un autre critère de comparaison : la classification des substances en tant que candidate à la substitution (« candidate for substitution » ou CFS). Cette catégorie de substances introduite dans le règlement (CE) n° 1107/2009 a pour but d’identifier les substances actives approuvées les plus nocives pour l’homme et l’environnement et de les remplacer par des alternatives moins nocives pour finalement conduire à leur élimination. Cette information a été extraite de la base de données BNV-D.

En ce qui concerne le profil toxicologique, 17% des substances conventionnelles (39/231) sont candidates à la substitution contre une seule en agriculture biologique (le cuivre). En ce qui concerne les ventes, les substances CFS représentent 21% des ventes de substances conventionnelles (24% des herbicides, 52% des insecticides, 18% des fongicides) et 9,5% des substances biologiques (le cuivre). « Notre travail permet de démontrer que, les substances utilisées pour l’agriculture conventionnelle sont globalement bien plus toxiques que celles utilisées en agriculture biologique. Nier le fait que les pesticides bio sont dans leur très grande majorité moins toxiques que ceux du conventionnel, relève donc de la mauvaise foi », conclut Générations Futures.