Les fermes Dephy relèvent le défi Ecophyto... à un écueil près

Avec une baisse des IFT comprise entre -29% à -46% sur la décennie 2011-2020, les fermes de démonstration Dephy ont dépassé les objectifs du plan Ecophyto 2 visant à réduire de 25% l’usage des produits phytosanitaires. Mais les performances économiques en pâtissent.

Lancé en 2015, le plan Ecophyto 2 avait pour objectif de réduire de 25% l’usage des produits phytos à l’horizon 2020 et de 50% à l’horizon 2025. Il succédait au Plan Ecophyto 1 de 2008 (-50% à 2018 « si possible ») et précédait le Plan Ecophyto 2+ de 2018 (séparation vente-conseil, sortie du glyphosate, etc.), réaffirmant au passage les objectifs de réduction de 25% et 50% et leurs échéances.

On sait d’ores-et-déjà que l’objectif 2020 n’a pas été atteint, si l’on en croit les données de la Banque nationale des ventes alimentée par les distributeurs de produits phytopharmaceutiques (BNV-D), selon lesquelles la quantité totale de substances actives vendues en France a augmenté de +16 % entre 2009-2010 et 2020-2021, pour une SAU en retrait de -0,8%.

Dans le cadre de la planification écologique, le gouvernement présentera en septembre prochain le Plan Ecophyto 2030 destiné à anticiper le retrait des substances actives les plus préoccupantes, renforcer le développement des solutions alternatives et poursuivre les objectifs de réduction.

Sur ce dernier point, le Plan Ecophyto 2030 pourrait se nourrir du retour d’expérience des fermes Dephy, réseau de démonstration et de production de références en matière de sobriété phytosanitaire, lancé en 2011 avec un effectif de 178 fermes, le réseau a dépassé la barre des 3000 exploitations à la fin de la décennie, dont 40% intégrées avant 2016 et 60% au-delà. Selon une synthèse produite par la Cellule d’animation Dephy Ecophyto, les IFT de ces exploitations ont baissé de 18% à 38% entre la date d’entrée dans le dispositif et la moyenne des campagnes 2018/2019/2020. Sur la seule année 2020, la fourchette de baisse oscille entre 29% et 46%. Les réductions d’usage des produits classés cancérigènes, mutagènes ou reprotoxiques (CMR) sont également spectaculaires, même s’ils relèvent pour partie de retraits de molécules du marché.

Et au plan économique ?

La filière grandes cultures polyculture-élevage est la seule pour laquelle la Cellule d’animation Dephy Ecophyto dispose de données sur les produits bruts et les marges valorisables. Elle fait état d’une diminution de 9% du produit brut et de 10% de la marge semi-nette moyenne (différence entre le produit brut et les charges de mécanisation et les charges opérationnelles, excluant la main d’œuvre et les aides Pac). « La baisse des produits bruts et marges semi-nettes ne peut pas être considérée comme une évolution satisfaisante de ces paramètres, qui conditionnent fortement la rentabilité des exploitations », relève la Cellule, qui indique que des travaux complémentaires doivent être conduits pour définir précisément les causes de de dégradation des produits bruts (rendements, évolution d’assolements, évolution des prix de vente).

Grandes cultures polyculture-élevage : un IFT réduit de 26%

En grandes cultures et polyculture-élevage, l’IFT moyen hors biocontrôle et hors traitement de semences des systèmes étudiés à leur entrée dans le réseau Dephy est de 2,6 contre 1,9 pour la moyenne des campagnes 2018, 2019, et 2020, soit une baisse de 26%. La part des systèmes étudiés qui réduisent leurs IFT est de 63%. Pour ces systèmes, la baisse moyenne observée est de 43%. Par ailleurs, 22% des systèmes gardent un IFT stable (système en agriculture conventionnelle ou biologique), et 15% augmentent leur IFT, dans ces cas la hausse moyenne observée est de 66%. En se référant à aux IFT moyens régionaux, la synthèse permet de jauger la performance des fermes Dephy. Résultats ? En 2011, 50% des fermes Dephy avaient un IFT supérieur ou égal à leur référence régionale, et 50% un IFT inférieur à leur référence. En 2017, 70% des fermes Dephy présentaient un IFT inférieur à leur référence régionale.

S’agissant des substances classées cancérigènes, mutagènes ou reprotoxiques (CMR), les quantités sont passées en moyenne de 507g/ha à 294g/ha pour les systèmes utilisateurs, soit une baisse de 42%.

Viticulture : un IFT réduit de 24,4%

Avant l’entrée dans le réseau Dephy, la moyenne des IFT hors biocontrôle des exploitations viticoles s’établit à 10,4 contre 7,9 pour la moyenne des campagnes 2018, 2019, et 2020, soit une baisse de 24,4%. 62% des fermes Dephy ont des IFT inférieurs de plus de 25% aux références moyennes régionales en 2019. La proportion était de 36% en 2010. Inversement, les proportions fermes Dephy plus consommatrices que la référence régionale ont fortement diminué, passant de 40,7% en 2010 à 15,5% en 2019.

S’agissant des produits CMR, le nombre de systèmes les utilisant représentait 58% des systèmes de culture en agriculture conventionnelle en 2020 contre 98% dix ans plus tôt. Les quantités par hectare ont diminué de 60% entre l’état initial et la moyenne 2018-2020.

Légumes : un IFT réduit de 33%

Avant l’entrée dans le réseau Dephy, la moyenne des IFT hors biocontrôle des exploitations légumières s’établit à 3,5 contre 2,3 pour la moyenne des campagnes 2018, 2019, et 2020, soit une baisse de 33%. L’étude ne fait pas état des comparaisons avec les moyennes régionales. S’agissant des produits CMR, le nombre de systèmes les utilisant a peu évolué au cours de la décennie. En revanche, les quantités utilisées sont passées de 1,185 kg/ha à 0,675 kg/ha, soit une baisse de 43%.

Arboriculture : un IFT réduit de 35,3%

Avant l’entrée dans le réseau Dephy, la moyenne des IFT hors biocontrôle des exploitations arboricoles s’établit à 15,3 contre 10 pour la moyenne des campagnes 2018, 2019, et 2020, soit une baisse de 35,3%.

En 2012, la moitié des systèmes du réseau ont un IFT supérieur ou égal à sa référence, suggérant une certaine représentativité des pratiques Dephy avec les systèmes hors réseau. En 2018, près de 50% des systèmes présentent des IFT inférieurs d’au moins 25% à leur référence régionale, et 40% des IFT inférieurs d’au moins 50%. La quantité moyenne de matières actives classées CMR est passée de 5,5 kg/ha à 3,1 kg/ha sur la période, soit une baisse de 43,6% de l’usage pour l’ensemble des systèmes de culture du réseau qui ont appliqué au moins une matière active CMR. En 2018/2019/2020, cela concerne 81% des systèmes.