Pas de Gérard Majax à la Transition écologique

Alors que le gouvernement cherche sa boussole et accessoirement sa ou son futur ministre de la Transition écologique, il va lui falloir plus d’un tour de passe-passe pour traverser le mur des transitions, que deux rapports officiels viennent de cimenter un peu plus.

[Edito] Le premier émane du Haut conseil pour le climat. Il indique que le Plan stratégique national (la Pac 2023-2027) ne contribuera à atteindre que la moitié des objectifs climatiques fixés par la Stratégie nationale bas-carbone au secteur agricole à horizon 2030, sans même tenir compte du Paquet climat (Fit for 55), lequel a sensiblement rehaussé l’ambition de la décarbonation. D’aucuns rétorqueront que le PSN ne couvre pas à lui seul tout le champ de l’action publique, malgré ses 9 milliards d’euros annuels.

Le second rapport émane de la Cour des comptes, selon laquelle ce même PSN ne permettra pas, en l’état, d’atteindre l’objectif que la France s’est fixée en matière d’agriculture biologique, à savoir 18% de la SAU en 2027 contre 10% à fin 2021. D’aucuns diront que l’état d’insécurité alimentaire qui prévaut aujourd’hui sur la planète justifie à lui seul de couper court aux chemins buissonniers menant à la faim, et risquant d'ajouter la guerre à la guerre.

"La réduction de 50% des pesticides ne doit pas être un objectif mais la conséquence des innovations"

Les constats dressés dans ces deux rapports ne constituent pas un scoop. Ils sont du reste auto-alimentés par moult publications étatiques. Les trajectoires empruntées par la France depuis des années sur le chemin des transitions (cf. Ecophyto) nous dévient lentement mais sûrement de ce que les experts (cf. le Giec) considèrent comme les conditions de la sauvegarde de la planète et de l’Humanité. Ceci explique peut-être pourquoi la Commission européenne vient d’enclencher le processus réglementaire, et contraignant, visant à réduire de 50% l’usage des pesticides au sein de l’UE d’ici à 2030, en dépit des menaces qu’il laisse planer sur la souveraineté alimentaire de notre continent, et que l’UE a elle-même documentées. Suicidaire ? « La réduction de 50% des pesticides ne doit pas être un objectif mais la conséquence des innovations que nous mettons en œuvre », a déclaré Jean-Jacques Pons, directeur général de BASF France Division Agro, à l’occasion d’une conférence de presse consacrée à sa feuille de route agroécologique, citant pêle-mêle, pour ce qui concerne son champ d’action, les outils d’aide à la décision, la sélection génétique, le biocontrôle ou encore l’ultra-localisation des applications via le recours à l’intelligence artificielle.

Préserver l'environnement, mais aussi les agriculteurs

Le problème, c’est que le temps passe, que les échéances se rapprochent et que les objectifs irréalisés (irréalistes ?) trahissent une forme d’impuissance et altèrent la crédibilité de la parole publique, le tout pouvant nourrir l’immobilisme. Il faut dire que les transitions écologique et climatique, « c’est pas Gérard Majax », pour paraphraser le président de la République, à propos du chômage. BASF par exemple affirme y consacrer 11% de son chiffre d’affaires en R&D.

Gageons que la nouvelle mandature législative, qui va se confronter comme jamais aux différents murs, saura dépasser ses clivages pour faire triompher le sens commun. Si les pesticides constituent un des pivots de la souveraineté alimentaire du moment présent, la souveraineté de demain et d’après-demain réside sans conteste dans la préservation des biotopes, des sols, de l’eau, de l’air et du climat. Sans oublier la préservation de nos agricultrices et de nos agriculteurs, en première ligne pour produire mais aussi les premiers exposés aux risques inhérents à la manipulation et à l’usage des pesticides.