Un cadre légal et vertueux pour l'embauche de salariés agricoles marocains

Faire travailler des salariés marocains en agriculture n'est pas forcément synonyme de travail illégal ou d'exploitation de la misère. Il est possible de répondre au besoin de main d’œuvre agricole en France avec des salariés marocains en toute légalité, confiance et dignité. Un premier recrutement exemplaire vient de se terminer dans une exploitation maraîchère de la région nantaise.

En octobre dernier, Lahcen a quitté pour la première fois ses montagnes de l'Atlas, à 44 ans. Sa destination : Nantes, où il était attendu avec impatience, avec cinq de ses compatriotes, pour travailler dans une exploitation maraîchère du secteur. Durant cinq mois, Lahcen a récolté les radis, monté des arceaux, désherbé manuellement la mâche, préparé les sols, mis en caisse des jeunes pousses, conduit des tracteurs... en un mot, réalisé toutes les tâches d'un ouvrier agricole polyvalent et expérimenté en maraîchage.

Car Lahcen est, en effet, expérimenté en agriculture. Il est lui-même agriculteur au Maroc, où il cultive des légumes et élève des bêtes. C'est pour cette expérience professionnelle qu'il a été choisi parmi de nombreux candidats. Lui et ses collègues ont été « repérés », au Maroc, par le cabinet FM recrutement, un cabinet récemment créé par deux franco-marocains pour répondre de manière légale et éthique à la forte demande de main d’œuvre dans le secteur agricole français.

Son contrat de cinq mois terminé, Lahcen est rentré au Maroc la tête pleine de projets pour sa propre exploitation
Son contrat de cinq mois terminé, Lahcen est rentré au Maroc la tête pleine de projets pour sa propre exploitation

Des salaires français, conformes au Droit du travail

A l'issue de son contrat, le 30 mars, Lahcen rentre chez lui plus riche de son expérience professionnelle, mais  il faut le reconnaître aussi, plus riche tout court ! Dans un pays où le salaire minimum est à 253 €/mois, les cinq mois de Smic français (plus les heures supplémentaires car Lahcen a travaillé 41,5 heures par semaine) représentent une somme importante, qui permettra la concrétisation de ses projets personnels comme professionnels. Lahcen envisage ainsi de mettre en place un système d'irrigation du type de ce qu'il a pu voir chez son employeuse.

Cette employeuse, c'est Nadine Bourasseau, l'une des gérantes de la SCEA de l'Endruère, exploitation maraîchère qui produit de la mâche, des radis et des jeunes pousses aux Sorinières, à quelques kilomètres au sud de Nantes. Le recrutement de salariés marocains était une première pour elle et elle ne le regrette pas. « Si tous les ouvriers pouvaient être comme eux, sérieux, à l'heure, un vrai bonheur. Des équipes comme ça, j'en voudrais tous les jours. On voit que ce sont des gens qui ont l'habitude de travailler. Et ils se sont bien intégrés avec nos autres salariés ».

La SCEA de l'Endruère compte une vingtaine de salariés permanents et embauche généralement une douzaine de saisonniers, qu'il lui est de plus en plus difficile de trouver. « Les saisonniers français, souvent, ils ne restent qu'un jour ou deux, puis ne reviennent pas, jugeant le travail trop pénible. C'est vrai que les radis, c'est difficile, il faut être penché tout le temps ». Jusqu'à présent, Nadine embauchait des salariés roumains. Mais là encore, la concurrence est rude sur la place nantaise pour cette main d’œuvre : « Beaucoup d'entre eux partent dans les services à la personne ».

Une prestation payée par l'entreprise accueillante

C'est pourquoi Nadine s'est portée volontaire pour expérimenter la formule proposée par FM recrutement, qui venait tout juste de signer une convention de partenariat avec les Maraîchers nantais. « Je voulais que tout soit réglo et je voulais maîtriser les choses, c'est-à-dire que ce soit moi qui fasse les contrats de travail. Le cabinet FM recrutement s'est occupé du recrutement des personnes, des formalités administratives et de la recherche de logement ». Cette prestation a été facturée à l'entreprise, mais Nadine Bourasseau estime que « rapporté à l'heure de travail, ce n'est pas trop cher ». L'exploitante a également pris en charge le billet d'avion aller, les salariés prenant en charge leur retour.

Les six salariés marocains étaient logés en résidence hôtelière, à deux par appartement et ce sont eux qui ont pris en charge ce coût. Comme leur résidence était située à quelques kilomètres de l'exploitation, Nadine leur a prêté un véhicule. « C'est super important de bien les accueillir. S'ils veulent revenir l'an prochain, on les reprendra ».

Le 30 mars, Nadine a regardé partir son équipe de salariés marocains avec un peu de regret. « Cette formule me paraît le modèle idéal pour tout le monde. Cela permet aux travailleurs marocains de gagner de l'argent en France. Certains d'entre eux ont même pleuré quand ils ont eu leur premier bulletin de salaire », retrace Nadine, non sans émotion elle-même.

« Nadine a ouvert la voie, et d'autres maraîchers l'ont déjà suivie » soulignent Rachid Bakhalq et Said Bourdi, les deux fondateurs de FM recrutement, présents également, le 30 mars, au moment du départ des premiers salariés marocains accueillis en Pays nantais. Ces deux bi-nationaux ont créé FM recrutement en 2022, avec l'ambition de proposer un cadre vertueux pour l'emploi de salariés marocains dans des entreprises françaises.

Le contre-pied des mauvaises pratiques

« Il y a eu beaucoup de mauvaises pratiques, notamment dans le Sud de la France », souligne Rachid Bakhalq, « mais cela devrait cesser car l'inspection du travail va être de plus en plus ferme ». Rachid et Saïd ont pris le contre-pied des « mauvaises pratiques », et s'attachent à faire du recrutement au Maroc de manière légale, transparente et avec une sélection rigoureuse.

FM recrutement est implanté à Paris et Marseille, mais le plus gros de l'effectif (9 personnes au total) est à Casablanca. « On fait du sourcing de personnes, il faut qu'on les rencontre sur place ». Le cabinet est en lien avec les autorités marocaines, qui leur fournissent un appui logistique pour l'organisation des sessions de recrutement et pour la vérification des antécédents des futurs recrues.

FM recrutement travaille en collaboration avec l’Office français de l’immigration et de l’intégration (OFII) très intéressé par la réussite de l'opération. « Des travailleurs marocains venus en dehors du cadre légal, ce sont des clandestins en puissance » souligne Rachid. Les travailleurs recrutés par FM recrutement viennent en France avec un visa de travail qui ne peut pas excéder six mois.

« Au Maroc, il y a six millions de travailleurs agricoles », rappellent Rachid et Saïd, « ils ont la même culture, la même langue  que les français, et ont souvent un amour pour la France ». Après le partenariat avec les Maraîchers nantais, FM recrutement a également signé des accords pour placer des salariés chez les producteurs de Savéol et de Prince de Bretagne. Ils sont également prêts à recruter de la main d’œuvre pour d'autres secteurs d'activité en tension.