Une « DJA bio » à géographie variable selon la Fnab

La Fédération nationale de l’agriculture biologique (Fnab) adresse un satisfecit à cinq Régions et un blâme à trois autres pour leur politique de soutien à l’installation en bio. Alors que 30% à 50% des porteurs de projet sont motivés par la bio, la Fnab invite la puissance publique à reconsidérer son soutien global à l’AB, tant pour relever le défi générationnel qu’environnemental.

Pas de gagnant dans le match opposant les Régions en matière de fléchage des aides à l’installation bio mais deux ex-aequo, à savoir la Nouvelle-Aquitaine et le Centre Val de Loire. Ces deux Régions précèdent l’Île-de-France, les Pays de la Loire et l’Occitanie, elles aussi ex-aequo en nombre de points. Pour faire son classement, la Fnab a établi une échelle de notation composée de bonus et de malus fondés sur des marqueurs tels qu’une bonification spécifique à l’AB, une différence significative entre le montant de la base de la DJA et la modulation bio ou encore l’absence de différenciation entre l’AB et la HVE.

"Trois Régions ont révisé leurs ambitions à la baisse et considèrent que l’Agriculture biologique n’est pas une agriculture souhaitable"

S’il n’existe pas de « DJA bio » à proprement parler, la régionalisation de l’aide à l’installation, qui va franchir un nouveau cran avec la programmation 2023-2027 de la Pac, fait des Régions un acteur toujours plus influent en matière d’orientation des politiques agricoles. Selon le même classement de la Fnab, la Bretagne, la Normandie et le Grand-Est sont les moins-disantes. « Ces trois régions, qui ont révisé leurs ambitions à la baisse, considèrent que l’agriculture biologique n’est pas une agriculture souhaitable, qu’elle n’apporte pas d’avancée sur les facteurs environnementaux, sur la dynamique de l’emploi et sur un modèle d’agriculture en phase avec la société  », commente Alan Testard, secrétaire national Futurs Bio à la Fnab.

Le classement établi par la Fnab repose sur des critères bonifiant ou banalisant la bio (Source Fnab)
Le classement établi par la Fnab repose sur des critères bonifiant ou banalisant la bio (Source Fnab)

Deux Régions, à savoir les Hauts-et-France et la Corse, n’ont pas pu être jaugées par la Fnab car elles n’ont pas encore communiqué le détail de leur dispositif. Elles envisagent de repousser de quelques mois sinon d’une année le mise en application de la nouvelle mouture de la Pac afin de finir de consommer leurs crédits Feader.

Jusqu’à 50% des porteurs de projets en AB

L’étude de la Fnab était motivée par le changement de gouvernance dans l’attribution des aides à l’installation. Mais pas seulement. La fédération a aussi dans son viseur le défi générationnel qui attend l’agriculture dans les 5 à 10 ans à venir. « Selon les Régions, entre 30% et 50% des porteurs de projet veulent s’installer en bio, déclare Philippe Camburet, président de la Fnab. Même si les Régions, notamment les moins bien classées, vont nous expliquer qu’elles font plein d’autres choses par ailleurs pour la bio, il faut faire un effort pour les nouveaux arrivants ».

« On peut imaginer que des porteuses et des porteurs de projet ne s’installeront pas sur un territoire où ils ne sont pas les bienvenus », abonde Alan Testard. « Les agriculteurs bio sont confrontés au même défi générationnel que leurs homologues en conventionnel, indique Sophie Rigondaud, chargée de mission Futurs Bio à la Fnab. Le développement de la bio passera donc de plus en plus par l’installation ».

Et la crise de la bio dans tout ça ?

A l’heure où le ministère de l’Agriculture, en réponse à une promesse présidentielle, vient de lancer un Pacte en prélude à une future loi d’orientation agricole, avec pour matrice le renouvellement des générations, la Fnab espère que l’AB ne va pas rester sur le bord du chemin alors même que le ministère a réitéré encore récemment son objectif d’atteindre 18% de SAU bio à fin 2027.

Cependant, la crise que traverse la bio depuis maintenant un an, avec une distorsion entre l’offre et la demande et à laquelle n’échappe aucune filière, la trajectoire fixée par la France, et au-delà par l’UE (25% d’AB en 2030) ne peut pas manquer d’interroger, y compris en matière d’incitation à l’installation. Pour la Fnab, une partie de la réponse réside dans la mise en œuvre effective des politiques publiques, telles qu’Egalim, qui impose depuis le 1er janvier dernier 20% d’approvisionnements certifiés AB en restauration collective publique. « On se situe en réalité entre 5% et 6% », affirme Philippe Camburet.

"De tout temps, toutes les filières ont bénéficié du soutien des pouvoirs publics. Pourquoi la bio devrait-elle faire exception ?"

De son côté, Alan Testar évoque la « distorsion de concurrence » entre la bio qui intègre des facteurs de protection de l’environnement et le conventionnel qui « collectivise les coûts environnementaux tout en étant subventionné ».

La Fnab convoque la Cour des comptes qui, dans un rapport récent, dénonçait « l’insuffisance » du soutien à l’AB, considérée comme « le meilleur moyen de réussir la transition agro-environnementale ». « De tout temps, toutes les filières ont bénéficié du soutien des pouvoirs publics. Pourquoi la bio devrait-elle faire exception ? », s’interroge Alan Testard.