Valence ta bio !

Du 21 au 23 septembre, la Drôme accueille la 8ème édition du salon Tech&Bio. Les Chambres d’agriculture en ont repoussé les limites, comme pour mieux franchir les murs techniques, économiques et réglementaires que la bio va devoir affronter dans les années à venir.

Plus de 150 conseillers experts, 80 conférences, 100 démonstrations et ateliers techniques, une surface de démonstration portée à 18 ha contre 15 ha en 2019, toutes les productions végétales et animales représentées, 375 exposants présents et enfin une édition étalée sur trois jours contre deux jours auparavant : telle est la carte de visite de la 8ème édition de Tech&Bio qui se tient à Valence (Drôme) du 21 au 23 septembre.

Elle témoigne d’une montée en puissance de la vitrine technique de la bio, qui n’a d'égal que la progression du secteur, avec tous les indicateurs au vert. Selon les derniers chiffres de l’Agence bio, relatifs à 2020, l’AB concerne 9,5% de la SAU et totalise 53.255 producteur certifiés, soit plus d’un agriculteur sur dix. Côté consommateurs, le marché des produits bio a progressé de 10,4% pour s’établir à 13,2 milliards d’euros (consommation à domicile et hors domicile), avec une part de produits importés contenue à 33,5% et même 20,9% si l’on exclut la part des produits exotiques. La consommation à domicile de produits bio, qui s’élève en moyenne à 188 euros par an, représente près de 6,5% de la dépense alimentaire des ménages.

En butte au « vouloir d’achat »

Et pourtant, l’équilibre entre l’offre et la demande de produits bio commence à se distendre, avec ici ou là une production qui tend à prendre le dessus sur la consommation. Le lait en donne une illustration emblématique. « En 2020, la croissance des volumes a été plus rapide que celle des fabrications de produits finis et la consommation montre également des signes d’essoufflement, relève le Conseil national de Cerfrance. Le taux de déclassement du lait bio progresse en 2020 par rapport aux années précédentes (...). Cette part du lait qui se retrouve hors du circuit bio s’explique par la saisonnalité de la production et également par l’absence de circuit de valorisation bio pour certains coproduits de transformation. Le phénomène est amplifié par l’augmentation des volumes collectés et par un ralentissement de la consommation ».

Depuis 2017, la part des consommateurs de produits bio tend à se stabiliser. La part de consommateurs déclarant consommer au moins une fois par semaine plafonne autour de 73%, selon le panel Spirit Insight pour l’Agence bio. La montée en gamme fait face au mur du consentement à payer, ce qui n’est pas propre aux produits bio mais à l’ensemble des produits sous label et signes et de qualité. Les secteurs de la volaille et des œufs, qui opèrent une mutation à marche forcée, sont eux aussi en butte au « vouloir d’achat ».

La bio pourrait trouver une partie de son salut dans l’export ou encore dans la restauration hors foyer. Cette dernière représente moins de 4% du marché des produits bio, très exactement 2,2% pour la restauration collective et 1,7% pour la restauration commerciale.

La loi Egalim et la bio en restauration collective

Le 1er janvier 2022, l’application de la loi Egalim et de son article 24, imposant à la restauration collective un taux de 50% en valeur en produits de qualité et durable, dont 20% en produit bio, devrait participer à stimuler la demande. Le salon Tech&Bio fera du mercredi 22 septembre sa Journée des Collectivités,  en proposant aux élus et agents une table ronde dédiée à l’appui que les collectivités peuvent apporter au développement des filières bio. Un parcours thématique au sein du salon sera proposé à ces acteurs institutionnels, leur permettant de rencontrer divers acteurs prêts à partager leurs expériences. L’Espace des transformateurs fera de son côté office de carrefour de rencontres entre agriculteurs, transformateurs et distributeurs, en recherche de débouchés pour les premiers et de sourcing pour les seconds.

La question des débouchés va devenir de plus en plus prégnante dans les années à venir, d’autant plus que l’offre, pour ne parler que de la France, va monter en puissance, sous l’effet des politiques publiques. Car si le gouvernement stimule la demande via la loi Egalim, il pousse aussi à la conversion en portant, sur la période 2023-2027, le budget annuel à 340 millions d’euros contre 250 millions d’euros actuellement, selon les termes du Plan stratégique national. Et en renonçant définitivement à l’aide au maintien, il place les agriculteurs bio en prise directe avec le marché, sans filet de sécurité, avec l’objectif d’atteindre 18% de SAU bio en 2027, l’UE ayant fixé une trajectoire à 25% en 2030.

Un changement d’échelle mais des barreaux manquants

Encore faudra-t-il que les agriculteurs relèvent les défis techniques, dans un contexte réglementaire qui pousse aussi à la montée en gamme, avec l’entrée en vigueur le 1er janvier 2022 du nouveau règlement bio européen, qui resserre les mailles du filet s’agissant de la fertilisation organique, de l’alimentation des porcs et volailles ou encore des semences

Si les surfaces et l’offre de produits bio progressent, il ne faudrait pas en déduire que la bio est une sinécure. Le changement d’échelle de la bio pourrait butter sur des impasses. « Un enjeu crucial va résider dans le maintien de la disponibilité en éléments minéraux dans les sols, déclarait Claire Jouany, chargée de recherche au département environnement et agronomie de l’Inrae, à l’occasion d’une conférence de presse début septembre. L’évolution négative des bilans de nutriments pourrait entrainer une érosion à long terme de la fertilité ».

"L’Inrae est depuis 2016 le premier acteur mondial de la recherche en agriculture biologique"

« Passer de 10% à 25% de bio nécessitera de diversifier encore davantage nos systèmes de culture,  abondait Lionel Alletto, chercheur associé à l’Inrae et ingénieur Dephy, lors de cette conférence. En bio, les agriculteurs profitaient de l’interculture pour éliminer les adventices et un certain nombre de bioagresseurs. On essaie aujourd’hui de les accompagner dans les techniques de couverture végétale pour interagir sur la dynamique des éléments nutritifs, pour améliorer la fertilité ou encore pour stocker du carbone. L’Inrae se mobilise plus que jamais pour concevoir des systèmes de culture qui maximisent la diversification végétale, dans le temps et dans l’espace, en sortant des peuplements monospécifiques et le plus souvent monovariétaux, tout en apportant des réponses au moins équivalentes sur la gestion des bioagresseurs ».

Pour trouver les barreaux manquants au changement d’échelle, l’Inrae a lancé avec Metabio un méta-programme de recherche interdisciplinaire, mobilisant dix-sept unités expérimentales dédiées. « L’Inrae est depuis 2016 le premier acteur mondial de la recherche en agriculture biologique », affirme son président Philippe Mauguin. Tous les espoirs sont permis.